22 mai 2009

Le petit doigt levé en buvant son thé

Je ne résiste jamais à l’hilarité lorsqu’au détour d’un restaurant, un lieu public, ou d’une émission de télévision quelconque, mon regard se pose sur les caricatures du monde des nantis, ces archétypes d’une société que d’une je ne connaîtrai sûrement jamais, et de deux que j’espère n’avoir jamais à côtoyer. Le snob, la bulle de champagne hésitant entre le pet et le rôt (S.Gainsbourg) existe encore, et qui plus est semble être de plus en plus visible. De noblesse déchue, notre snob est aujourd’hui le « bobo » le fameux bourgeois bohème qui est, à mon sens, un monument Français à part entière.

Regardons bien ce qu’est le snobisme. Contrairement à l’idée véhiculée par un Lucchini jamais avare en mimiques et gestuelle maniérée, le snob doit se percevoir sur différents plans aussi différents qu’ils sont complémentaires. Ecoutez les gens que vous pensez être atteints de snobisme, et prenez les critères suivants pour estimer son niveau de contamination. Linguistiquement, le snob sera un adepte des anglicismes supposés chics : il ne parlera pas de mode vestimentaire mais de « dress-code », il sera fera une joie de vous coller des mots anglais à tout propos, et surtout se targuera, non sans une pointe de moquerie à votre encontre, de savourer le cinéma d’auteur « in VO ». Ben voyons, parce que s’envoyer un film d’action bourrin en VO, cela fait toute la différence aux moments des fusillades, « gunfights » pardon.
Une fois votre ouïe adaptée à ces barbarismes de mauvais aloi, observez la tenue de votre snob passé au microscope. Jamais en mal de choix infâmes (mais revendiqués comme audacieux), notre patient saura vous rappeler que la chromatique des couleurs peut être aussi agréable qu’agressive. Passons bien entendu sur les dégaines déjà vues et revues sur les étoiles du moment et attardons nous sur les détails qui font la différence. Vous avez les mêmes godasses que le client ? Rassurez vous, il sera le premier à vous donner une explication dithyrambique sur l’origine du cuir, sur les coutures faites par des salariés du commerce équitable, ainsi que sur l’estampille d’un créateur aussi cocaïnomane que probablement daltonien. C’est ça, la classe Française ? Faire de la pompe un ode à l’autosatisfaction ?

Alors, si l’on prend déjà le langage parlé et la tenue, difficile de manquer notre bobo au milieu de la foule… quoique, la mode étant ce qu’elle est, nombre de personnes moins atteintes se laissent bercer par les chimères de l’apparence à quasiment tout prix (Faut pas déconner non plus, le Monop’, ça passe mieux que le traiteur tout de même). Mais là où tout cela devient exceptionnel, c’est que notre bobo s’octroie les moyens d’obtenir son univers chimérique et égocentrique en étant un capitaliste forcené… tout en braillant à qui veut l’entendre, ses idées gauchisantes d’étudiant sur le retour. Ah ça, pour être un héritier décadent de Mai 68, vous en avez des wagons pleins ! Amusant tout de même : la parole arrondie, la gestuelle choisie pour son style décalé (comprendre maniérée comme une caricature d’homosexuel des films fin années 70), votre cadre coiffure pétard, vêtu mal fagoté vous fera tout un discours sur la société, critiquant vertement tant la présence policière, que son consumérisme malsain. Deux choses : cela remonte à quand, son dernier contrôle de police ? Et la télé grand écran à deux SMIC, ou bien ses appareils nouvelle technologie, ils sortent d’une foire « au tout à un Euro » ? Dans ces conditions, appliquez mon guide de survie : soit vous taillez le malotru en brèche en dévoilant votre cynisme mâtiné de cruauté animale, soit fuyez à toutes jambes en prenant soin de faire disparaître les coordonnées du personnage.

Ceci dit, j’évoque ces snobs avec méchanceté car ils sont les proies faciles de notre monde moderne. En effet, sans eux, point d’émergence de produits de haute qualité (merci Monsieur Apple d’avoir ciblé cette population pour nous pondre de chouettes produits), et d’autre part ils représentent une source non symbolique de revenus pour toute une tribu de petits trafiquants, ravis de vendre hashisch, cocaïne et autres amphétamines ces idiots qui pensent que « fumer c’est cool et pas nocif », « la coke, ça rend speed », et « les amphet’, c’est top pour la fête ». Continuez donc, offrez votre corps aux poisons du quotidien, cela ne saurait être néfaste à votre mortalité, et donc à ma quiétude. Le bobo est le prototype même de l’être humain aussi parasitaire que surnuméraire. Il parasite l’humanité en se prétendant progressiste, tout en votant malhonnêtement pour les programmes politiques sécuritaires, et l’empoisonne en se déclarant expert dans des domaines qu’il n’aura abordé qu’en songes. Je suis tout particulièrement sidéré de les écouter discuter et se flatter les uns les autres. Tenez, encore tout récemment j’ai eu le sinistre plaisir de « profiter » d’une discussion sur la politique sociale appliquée en France. Lieux communs, contresens, propagande de bourgeois craignant la plèbe, en résumé un ramassis de conneries promptes à me faire bondir. Les remettre dans le droit chemin ? Leur dire qu’ils sont « des cons » ? Ce serait trop d’honneur, par contre leur suggérer deux trois lectures ou « voyages » m’a effleuré. J’en reviens que trop souvent à quelques classiques de la littérature et de l’histoire, mais somme toute, proposer à un soi-disant « culturé » de lire London et son talon de fer, ou bien de se faire une idée de ce qu’est la rue en allant faire un tour dans un centre d’hébergement, ce n’est pas si méchant que cela, non ?

Au final, je crois que nous avons une société qui, à force de se vouloir idolâtre de la réussite sociale (et donc nécessairement économique), s’est vue devenir ce que les grands chantres du communisme craignaient : une société de classes, une société découpée et cloisonnée pour le bonheur des uns, l’insouciance de quelques uns, et surtout le malheur des autres. La crise ? Si ce n’est les placements douteux et les risques de découvrir quelques mois le chômage, ces bobos la connaissent-elle ? En toute franchise, j’en doute, si ce n’est à travers les images de la lucarne colorée, à travers la détresse d’ouvriers soldés sur l’autel du tout argent, ainsi que par la courbe de leurs placements. Qu’on se le dise : le bobo est un connard (et je pèse mes mots), qui a oublié que l’humanisme, ce n’est pas que lire le canard enchaîné, prétendre être de gauche… et piétiner les grandes idées dès que leur statut social est en danger.

Alors les bobos ? Inquiets ? Vous le devriez. Pour le moment, la crise existe, elle est tangible, mais elle est encore très loin d’avoir fait tous les dégâts qu’elle aurait dû. Que ferez vous quand la faim touchera ce que l’on appelait les prolos ? Vous cacherez vous derrière ces flics que vous vilipendiez la veille ? Changerez vous le « dress-code » en « tenue anonyme » ? Pour ma part je laisserai la vindicte vous rappeler que la société est une unité, et non juste « nous, puis éventuellement les autres s’ils en ont les moyens ».

2 commentaires:

Thoraval a dit…

Tu es plus conciliant que moi sur cette engeance.

Anonyme a dit…

c'est bien dit et tellement vrai (oh pardon "trop") !!!!