30 novembre 2009

Œil de l’objectif

L’inhumanité du regard est infernale. A elle seule, cette observation peut vous glacer le sang et même vous terrifier. Nous regardons depuis plus d’un siècle des photographies qui ont pour rôle de raviver les souvenirs : visages de proches aujourd’hui disparus, bâtiments désormais rasés et remplacés, ou encore forêts devenues villes nouvelles, nous laissons le soin aux photos de se souvenir à notre place. Or, le papier glacé porte étrangement bien son nom tant il est distancié des faits. Muet, silencieux, le cliché porte pourtant en lui bien plus qu’un simple instant figé à tout jamais.

La mémoire est fragile et fluctuante. Nous connaissons tous l’idéalisation du passé, la nostalgie, et nous arrivons parfois à changer le mal en bien. Le remord et la tristesse acceptent de fléchir sous l’influence du temps, alors que la photographie, elle, est immuable et cruelle. Il m’arrive même de penser que le tirage d’une photographie peut devenir malsain tant il porte l’aspect voyeur impassible. Images dures, images de violence, de guerre, de mort, mais aussi images d’espoir, de délivrance et de futur, elles sont là, s’imprégnant de sentiments dans la gélatine pourtant supposée neutre. Est-ce un talent que de perpétuer le passé de la sorte ? Nombre de journalistes se sont vus critiqués parce que leurs photos étaient « engagées ». Qu’est-ce qu’une photographie engagée ? Celle qui relate, ou celle qui déforme la réalité en l’affichant toute nue ?

Le photographe est-il voyeur ou informateur ? J’hésite souvent entre dénonciation et nécessité du geste de prise de photographies. Sans appuyer le discours de vérités cinglantes, nul n’aurait eu le souvenir de l’existence de bien des peuples d’Afrique, tout comme nul n’aurait accepté de reconnaître l’impossible des camps de concentration. On a souvent même dit que les images des camps étaient des manipulations de l’opinion publique. Affreuse nécessité que de marteler aux indécis la vérité sous la forme de choses impossibles à contester… tels sont les hommes, incrédules et veules. Bien des images traversent le temps et symboliseront à jamais à quel point nous devons informer et partager la réalité : personne ne peut oublier la gosse Vietnamienne courant nue, brûlée par le napalm américain. Personne ne peut regarder en face sans frémir les visages des détenus derrière des barbelés. Personne ne peut analyser sans ciller les premiers clichés d’Hiroshima après la bombe. Personne ne peut être ému par ces hommes poussant le drapeau Américain sur Iwo Jima.

Je crois que le siècle passé, et surtout le siècle qui s’annonce sont un jalon unique dans l’histoire de l’humanité : celui du réel et non du retranscrit. Auparavant, la peinture servait de support aux souvenirs des évènements historiques, et, bien entendu, de média pour la propagande. Ainsi, les Napoléon, les rois de tous les âges inscrivaient leurs hauts faits dans la mosaïque et l’art pictural. Désormais, la photographie authentifie le dérisoire regard humain sur l’immensité de nos horreurs communes. Regardez ces photographies, ces visages d’anonymes rendus célèbres parce qu’ils s’étalèrent dans les journaux, et ressentez. A présent que l’image s’est imprimée en vous, fermez les yeux, et ressentez à nouveau. L’impact est colossal, atroce, et les mots humains pour définir notre propre infamie deviennent insuffisants. Auschwitz, les tranchées, le Vietnam, Berlin assiégé, Monte Cassino, Bagdad, Jérusalem, mais aussi les SDF dans les rues de Paris, les orphelins de Ceausescu, l’Ethiopie affamée, tous ces instants scellés par le désarroi de l’homme et l’apocalypse du quotidien sont dans la boîte à images.

Témoins sans être impliqués, tels sont les photographies. Elles doivent se contenter de relater et non de juger. C’est même la pire mission qui soit, celle d’observer sans pouvoir aider qui que ce soit. La conscience doit être torturée quand le photographe presse le déclencheur, mais sa morale doit être de crier au monde quelle réalité il voit, et non quelle réalité il veut affronter. C’est à l’opinion publique de s’indigner, et pas seulement à celui qui a pris l’instantané de vie. Sans ce travail, bien des choses sembleraient affreusement ordinaires et sans intérêt. Les gosses des favelas de Rio sont traqués par la police, chassés comme l’on chasserait le sanglier ou le rat. Sans photo de cette vérité, qui s’en serait rendu compte ? Que ces images restent à tout jamais dans nos mémoires, parce que les cacher, c’est déjà accepter et tolérer l’intolérable.


Hiroshima

Auschwitz

Iwo Jima

Un SDF dans les rues de Paris

La famine en Ethiopie

Kim Phuc, brûlée au napalm le 8 Juin 1972

Un orphelin de Ceausescu

27 novembre 2009

Univers

Je trouve dommage que trop de films et d’écrivains dépeignent l’espace et les mondes lointains comme des endroits hostiles, peuplés de monstres agressifs, et qui plus est nécessitant (soi-disant, ceci pour ajouter du piment et de l’action) de se battre pour y survivre. Pourquoi ne pas rêver de mondes oniriques, magiques, où notre réalité faite de grisaille serait oubliée au profit du progrès, d’une nature intacte et respectée, et de peuples ayant appris à vivre en osmose ? Nombre d’espèces animales vivent en symbiose, chacune profitant de l’autre : requin et poisson pilote, oiseaux et hippopotames, et j’en passe. Alors, laissons nous aller à voir un monde de songes, si différent du nôtre, tellement plus proche de ce que nous voudrions connaître.

Lorsque les premières sondes d’exploration parvinrent à la planète 14, celles-ci prirent des clichés plutôt flous d’une atmosphère assez limpide, et nous fournirent des vues surprenantes d’un patchwork de couleurs au sol. De loin, on pouvait voir de grandes lignes semblant avoir été tracées au sol pour dessiner un réseau assez proche d’un schéma de racines d’un arbre. Pourtant, avec le scepticisme inhérent aux scientifiques, l’analyse qui en fut tirée décréta qu’il s’agissait là de concrétions générées par des mouvements d’anciennes rivières aujourd’hui disparues, et que les grandes taches de couleurs n’étaient que la sédimentation de matériaux probablement aussi classiques que des métaux tels que le cuivre, ou d’amoncellements de roches comme le basalte. Cependant, pour que les certitudes remplacent les hypothèses, il fut décidé d’envoyer d’autres sondes, plus modernes, et comportant des moyens de se poser à la surface de la planète. Avec les 14 ans de voyage prévus pour le voyage, la communauté internationale décida de nommer la planète « 14 », ceci afin d’éviter de heurter qui que ce soit avec une dénomination teintée de culture ou de foi. Ce fut l’objet de débats sans fin, de discussions ridicules où chaque pays alla de sa proposition, critiquant les autres pour leur ethnocentrisme, arguant qu’il n’y avait pas de langue unique sur terre, et ainsi de suite. 14 devint donc le nom de la planète cible.

Les analyses préliminaires étaient en tout cas formelles : la radiographie mentionnait une densité atmosphérique relativement similaire à la Terre, la spectrographie identifiait que le tout était potentiellement respirable, et qui plus est que la température relevée par mesure des infrarouges correspondaient plus ou moins à quelque chose de tolérable pour l’être humain. Alors, on barda la sonde de nouveaux appareils, de divers forets pour réaliser des carottages du sol, de caméras très sensibles pour prendre les plus belles photographies possibles. Tous espéraient sans le dire que 14 serait peut-être un endroit susceptible d’accueillir une mission au long cours, une opération digne du départ des caravelles de Colomb. Lorsque la navette décolla, ce fut un évènement tout à fait anodin, une mission parmi tant d’autres, alors que les plus grandes agences spatiales s’étaient fédérées pour obtenir un résultat. Les barrières politiques de l’ancien temps ayant été bannies par l’histoire, c’est une mission internationale qui mena Voyager III (en mémoire des deux missions précédentes) à son terme.

Les jours passèrent, puis les mois, et enfin les années. L’immense majorité des terriens avaient déjà oubliés Voyager, et n’en entendaient parler qu’à intervalles irréguliers, notamment quand la sonde envoyait un cliché très précis de l’univers. Ces photos firent le tour du monde, s’affichant en pleines pages sur Internet et dans la presse traditionnelle. On fit grand cas d’images disputant à Hubble le titre de « plus jolie photo de l’univers ». Cependant, l’attention retombait dans les jours qui suivaient. Qui se souciait d’un minuscule engin parti depuis des années vers une planète si éloignée qu’aucune mission habitée ne pouvait être envisagée ? Un soir d’automne, les oreilles de la Terre se firent plus attentives. Depuis de nombreux jours, Voyager était resté silencieux, comme probablement perdu corps et biens. Mais le message d’arrivée en orbite parvint aux scientifiques. La sonde prit son orbite, cartographia grossièrement la planète, et transmit le tout à la Terre. Les allers retours durant des semaines entières, ce n’est qu’un an plus tard que Voyager reçut ses ordres finaux de trajectoire et de poussée pour effectuer son entrée dans l’atmosphère de 14. Lentement, l’engin se réorienta, et les ingénieurs et scientifiques en charge du projet se mirent à prier les dieux qu’ils défiaient pourtant par leur science et leur quête de connaissance.

Voyager se posa sans encombre dans une sorte de champ violacé, où les « plantes » étaient d’une forme et d’un développement inconnu sur Terre. Ondulant au gré d’une douce brise, l’appareil mesura les caractéristiques l’entourant. Habitable, présence d’eau dans l’atmosphère, pas de gaz toxique ou d’organismes inconnus. Patiemment, méticuleusement même, Voyager se mit à bouger de ses huit roues, et entreprit le long chemin d’exploration de son environnement sur un kilomètre de rayon. Mètre après mètre, le sol fut examiné, des échantillons furent entreposés dans des caissons étanches cachés dans ses flancs. Les caméras de l’engin saisirent des formes de vies, de tailles, de formes et couleurs diverses et variées. Des « oiseaux » dans le ciel, des « insectes » vivant près du sol… ce fut la stupéfaction sur Terre. 14 était donc vivante, et ces auréoles de couleurs étaient donc des formes de vies complexes, avec une véritable hiérarchie comparable à celle sur la planète bleue. L’excitation fut énorme, à tel point que le seul fait de demander des changements de mission à la machine devint une véritable bataille d’experts : les biologistes voulaient des échantillons, les géologues leur part de cailloux, et l’on voulut entendre les enregistrements sonores provenant de la planète 14. Et là, ce fut magique… Tout d’abord, des crépitements sourds, comme sortis d’un antédiluvien gramophone, puis, en fond, ce fut comme des chants d’oiseaux exotiques. Des piaillements, la brise d’un été, on aurait crû que le tout avait été enregistré dans une forêt d’Europe, ou encore sous les cerisiers en fleurs du Japon.

On ne tarda pas à mettre en œuvre l’idée d’une mission habitée. 14 années de voyage, qui accepterait de voyager aussi longtemps ? L’apesanteur, les dangers multiples, le stock de nourriture, la promiscuité des membres d’équipage, tout fut passé en revue pour savoir s’il était faisable, ou même moralement acceptable de leur faire prendre un tel risque. Ce fut une équipe Russe qui lança une idée de prime abord saugrenue : bâtir un vaisseau d’une taille inconnue jusqu’alors, et d’y intégrer des jardins et des réserves d’eau pour y recréer une véritable oasis spatiale. Délirant, gigantesque, les superlatifs ne manquèrent pas, d’autant plus qu’une énième crise financière mondiale avait ébranlée la confiance des investisseurs. Ce fut alors la Chine et l’Inde qui se proposèrent pour offrir leur compétence technologique et un complément de capitaux pour faire apparaître Voyager 4, la première mission habitée hors du système solaire. Le monde s’était décidé : on enverrait une équipe vers planète 14, en espérant que cette aventure soit une réussite. L’équipage fut construit avec soin, ceci afin d’offrir une grande diversité ethnique et religieuse, on les fit cohabiter un an durant en autarcie pour valider qu’ils pouvaient se supporter, le tout en effectuant des milliers de missions d’entraînement, afin de tester la cohésion et la fraternité des différents voyageurs.

Quand, après quatre longues années de travail, tout fut prêt pour la construction de Voyager 4, la Terre se mit au travail. Chaque nation apporta sa petite pierre, ceci en marquant les pièces de l’immense assemblage du sceau de leur pays. Bengladesh, France, USA, Russie, Géorgie, Chili, tous eurent le droit d’apposer leur drapeau quelque part dans le gigantesque appareil. Fierté universelle, Voyager 4 fut donc le premier et seul fruit d’une collaboration à l’échelle de l’humanité. 14 portait tellement d’espoirs et de rêves qu’il devint impossible d’exclure quelque nation que ce soit. Les plus petites îles donnèrent de l’argent et du temps, et l’on créa même une sorte d’annuaire universel. On fit sceller dans une superstructure de Voyager un caisson contenant tous les noms et prénoms des habitants de la Terre. Bouteille à la mer, ce geste symbolisait une union jamais connue, et même les gouvernements les plus durs se plièrent à cette volonté de représenter l’humanité comme une seule nation par-delà les nations.

Trois longues années de plus furent nécessaires à l’assemblage et au lancement de Voyager 4. Après diverses hésitations, plusieurs accidents, le navire s’éloigna de la planète bleue avec ses 100 membres d’équipages. Le départ eut lieu pour le cinquantenaire du premier pas de l’homme sur Mars.

Pendant le voyage, après six années, Voyager 3 remonta une image incroyable. Non content d’être une planète vivante, 14 abritait une forme de vie intelligente ! La stupéfaction laisse rapidement la place à la peur. Ces êtres étranges, bipèdes à la peau semblant être vaguement inspirée de celle d’un reptilien, s’approchèrent de la sonde et tentèrent de prendre contact avec. Vêtus, équipés de machines inconnues, les premiers sons émis parurent incompréhensibles. Seulement, au lieu de fuir ou détruire la machine, ils se mirent à présenter à celle-ci des panneaux gravés avec des schémas, des symboles bizarres. Perplexes, la communauté scientifique se mit à plancher sur ces images vieilles de plusieurs semaines, avec l’espoir infime d’avoir en face une véritable intelligence. En réponse, Voyager fut programmé pour qu’il restitue au sol à l’aide de ses outils primitifs des schémas de l’espace, des coordonnées de la Terre, de dessins décrivant l’homme ainsi que son monde. L’équipage de Voyager 4 fut informé de la situation, et ce fut tant la liesse que la terreur. Et s’ils étaient hostiles ? On envisagea de faire revenir le navire, mais le capitaine de la mission décréta que fuir n’était pas la bonne option.

Cinq ans furent nécessaires pour que la Terre et les habitants de 14 puissent enfin se comprendre. Patiemment, Voyager 3 continua son travail de dessinateur, et tout aussi patiemment, le peuple de la planète continua à présenter des images toujours plus complexes et précises de leur monde. La technologie présente sur place épata l’humanité : projection d’images sans écran, véhicules avec une source d’énergie visiblement abondante et renouvelable, pollution atmosphérique inexistante, et vie en symbiose avec la nature autant aimée que respectée. Ce fut tout à coup le déclic : tant sur place que sur Terre, les alphabets et langues finirent par se recouper, et se traduire mutuellement. Les discussions s’accélérèrent, le petit engin expliqua qu’un vaisseau bien plus gros allait arriver d’ici quelques années, et qu’il amenait des humains à son bord. Ils répondirent que la sonde serait alors comme un téléphone à retardement, et que tout serait prêt pour l’arrivée des visiteurs du lointain. Ils bâtirent un village adapté aux besoins des terriens, réceptionnèrent les schémas de type ADN permettant la compréhension de notre système immunitaire, et en tirèrent les analyses nécessaires pour préserver de toute contamination de ces organismes venus d’ailleurs.

Pendant ce temps les échanges diplomatiques se multiplièrent. Certains envisagèrent de leur demander des renseignements technologiques propres à améliorer l’armement, ce à quoi les habitants de 14 répondirent avec un sourire significatif « nous avons passé le cap de la violence et de la différence ». Nul n’osa s’opposer à ce refus, de peur d’éventuelles représailles contre l’équipage de Voyager 4. Pas à pas, les deux peuples prirent le temps de se comprendre, d’échanger par l’entremise de la machine archaïque des données propres à partager. Le peuple 14 décortiqua le fonctionnement de Voyager 3, et produisit un communicateur pour transmettre le son à la Terre. Ce fut le premier contact audio entre des humains et un peuple extraterrestre. L’accélération des échanges fut phénoménale. Par la voix, on put préciser des normes de transferts de données, décider de méthodes standard d’échange de l’information, et créer le premier réseau informatique interstellaire.

Voyager 3 et 4 provoquèrent donc d’immenses révolutions. Les habitants de 14 (ayant accepté cette dénomination à cause de l’impossibilité des humains de parler leur langue, et donc de prononcer leur nom) transmirent des avancées majeures dans la quête de matériaux dans l’espace proche, des technologies de propulsion pour faciliter le voyage de missions ultérieures, et décrétèrent que seuls les humains feraient le voyage. Pour eux, 14 leur suffisait, et aucune soif de conquête ne saurait justifier quelque voyage que ce soit. Leur société avait déjà navigué dans l’univers, bien au-delà de ce que l’homme pouvait envisager. La seule chose que ce peuple avait gagnée fut la guerre fratricide pour le contrôle de l’univers connu. Dans ces conditions, pour éviter la disparition pure et simple de leur peuple, il fut décidé de ne plus partir dans les étoiles, et de préserver la science du voyage spatial uniquement pour un cas de nécessité absolue. Que les humains progressent, qu’ils apprennent !

Voyager 4 se posa enfin sur 14, sur une piste spécialement prévue pour leur vaisseau. Une foule dense et joyeuse accueillit les visiteurs, ceci de vive voix. Les écoles enseignaient déjà plusieurs langues, et les facultés intellectuelles des habitants leur permettaient d’apprendre environ une langue tous les trois mois terrestres. Les discussions furent riches d’enseignements. L’équipage fut subjugué non pas par les mégapoles auxquelles ils s’attendaient, mais au contraire par cette nature si différente et si préservée. Les habitants de 14 vivaient dans des habitats « naturels », basés sur l’usage réciproque des plantes locales. La météo, clémente, offrait donc un havre de paix et de méditation. Tout d’abord prévue pour être une mission d’exploration, Voyager 4 devint donc une mission d’échange culturel et scientifique, de communication. Le racisme, la xénophobie n’apparut dans aucun des deux peuples, comme si tout allait de soi. L’intelligence fut donc le maître mot.

Quand, au bout des deux ans prévus initialement pour préparer leur retour sur Terre, l’équipage déclara à la Terre « Venez, et apprenez. Nous ne partons plus ».

C’est ainsi que naquit la nouvelle civilisation de l’homme, celle rebâtie sur la culture d’un peuple ayant déjà connu les travers que notre monde auraient connus s’il avait progressé seul Le monde fut bouleversé à tout jamais : nombre de conflits s’interrompirent à la lumière des enseignements du monde lointain, nombre de peuples se retrouvèrent et abolirent enfin des frontières séculaires. Plusieurs dictatures s’effondrèrent lors de révolutions pacifiques, et l’ONU, organisation périmée, fut remplacée par une entité indépendante des états et des influences, fondé sur la communauté des gens se connectant par le réseau. Chacun apporta ses idées, son vote à l’échelle mondiale. On put ainsi décider de produire en masse des navires d’échange avec 14, et offrir de grands territoires pour que des habitants de 14 viennent visiter la Terre. Le voyage fut réduit à quatre ans grâce à la technologie lointaine.

Tout ceci est arrivé il y a plus d’un siècle. Nous voyageons couramment entre 14, la Terre, et une centaine de planètes d’autres systèmes solaires. Le tout en paix… en bonne entente. Nous partageons, nous échangeons enfin sans intérêt ou politique autre que le progrès pour soi et pour les autres.

26 novembre 2009

Bouchon

Tel monsieur Hulot en vacances découvrant la circulation automobile, j’observe parfois le phénomène surprenant du bouchon. Que celui qui n’a jamais goûté aux joies des routes bloquées aille au diable, car il ignore alors toutes les joies et malheurs de ces situations. Tout conducteur hait le bouchon, le maudit et le craint comme peu d’autres choses sur la route. Et pourtant, les dangers sont légion : accidents, intempéries, conducteurs insouciants ou carrément suicidaires, et j’en passe. Pourtant, le chauffeur frémit au mot « bouchon ».

Et il a de quoi.

Les sciences modernes se sont déjà attaquées au phénomène de régulation du trafic automobile, en appliquant moult modèles mathématique, et en y insérant les feux rouges, les ronds points, ou encore la signalisation par panneaux. De là, ces mêmes analystes se sont « amusés » à raisonner sur le coup de l’accordéon, et tentés d’y trouver un remède. Après tout, c’est une voie de recherche qui devient vitale dans les mégapoles, et puis, un peu plus de fluidité dans la circulation urbaine ne saurait nuire. Cependant, le résultat est là, net et sans bavure : on peut vous informer de l’état du trafic, mais pas encore le réguler suffisamment pour ne pas avoir à faire le pied de grue dans votre automobile.

Mine de rien, stagner en plein encombrement peut avoir tout de même quelques avantages, comme écouter paisiblement la radio, réfléchir posément à la réunion qui s’annonce, ou encore se servir du bouchon comme prétexte pour un retard déjà mal engagé. Jusqu’ici, tout va bien, cela ne choque personne… Mais franchement, n’hésitez pas à scruter les autres voitures, et à découvrir ainsi des morceaux de vie : la mère au bord de l’hystérie avec ses deux mouflets qui se battent derrière, le salarié mal réveillé qui baille toutes les dix secondes, ou encore le nonchalant qui lit son canard en attendant que cela se passe. Tout ceci existe dans les bouchons. C’est même la concentration de tout un tas de choses incongrues sur la route : le type qui se rase, la secrétaire qui se ravale le portrait, le couple qui casse la croûte en attendant que ça se passe, ou encore le jeune qui braille une chanson qu’il passe à fond les gamelles dans sa voiture. De quoi faire une étude sociologique, non ?

Et puis, le bouchon a d’autres effets sur l’être humain. Il réveille le prédateur, il lui secoue la fourrure, et le rend agressif et insatiable. Ca ne roule jamais assez vite, c’est constamment les « petits vieux », ou les « conducteurs du Dimanche » qui sont en cause. On se double sauvagement, s’inculte copieusement, et l’on va même jusqu’à se battre, tout ça pour dix mètres de gagné. La civilisation régresse sur le même bitume qui est supposé être son principal signe de progrès. Alors, non content de ne pas être à la conduite, ils s’encastrent les uns dans les autres par inattention, font le bonheur des assureurs et des carrossiers. J’adore sincèrement observer ces imbéciles qui se cherchent mutuellement des crosses, au lieu de se préoccuper d’être à l’heure, ou encore de rentrer tranquillement se reposer.

En ce qui me concerne, j’ai découvert le moyen infaillible de ne pas m’énerver quand je suis bloqué dans un bouchon : s’en moquer ouvertement, tout en écoutant quelques brèves de Desproges, ou un morceau de Calvin Russell. Laissons le bétail s’engluer dans sa propre bêtise, et avançons au rythme imposé par le troupeau. Après tout, ma voiture ne vole pas, ne saute pas au-dessus des autres, et qui plus est je ne dispose pas non plus d’un gyrophare coupe file. Le destin a voulu que je sois prisonnier de la route, alors ainsi soit-il ! Et puis, cela me donne aussi le temps de réfléchir à mes prochains écrits, de planifier un week-end, ou encore d’envisager mes achats à faire. C’est quand même plus constructif que « tu vas avancer ta poubelle, connard !? ».

Allez, bonne route !

25 novembre 2009

Ce qu’il reste après le néant

Pour me rattraper du texte absent d'hier, en voici un second pour le plaisir de mes lecteurs...

Notre inconscience n’a d’égal que notre volonté à croire que nous pouvons tout maîtriser. Dans sa grande mansuétude, la nature nous octroie la compréhension de notre environnement, ce qui ne fait que nous inciter qu’à constater l’étendue de notre malheur (paraphrase de Pierre Desproges). Après tout, c’est en bout de piste que la mort nous attend, identique pour tous, éternelle et inamovible. Aujourd’hui, nous luttons contre elle à travers la science et ses progrès, alors que nous lui avons voué un culte permanent et dévot pendant des millénaires. D’où vient cette volonté de surpasser la nature ?

Une des plus grandes erreurs de l’homme est de tenter l’impossible. Il n’arrive pas à admettre que le dernier souffle est une étape finale, une condamnation dès la naissance. J’aime beaucoup l’analyse faite de Shakespeare concernant la naissance du futur roi au même moment où l’on creuse une tombe. La parabole est très juste : notre premier cri lance le décompte inéluctable vers la fin. Et on croit pouvoir y résister ? Quelle ironie ! Lutter, c’est de l’espoir, alors qu’il est vain et cruel de s’entêter. Je crois, en tout cas j’en suis convaincu, qu’il faut plutôt se tourner vers le concret du présent, de savoir regarder l’avenir en acceptant ce qu’on ne peut pas modifier ou toucher. La politique, les gens, les droits, les lois, tout peut changer, mais sûrement pas la Mort. Alors autant faire avec et ne pas se rendre malade au quotidien, non ?

Et pourtant, nous nous trompons de cible, et notre regard pointe vers une bataille déjà perdue dès notre naissance, alors qu’il serait tellement plus gratifiant et utile de progresser sur notre entourage. Lorsqu’un proche s’en va, nous ne pleurons pas son départ, nous sommes tristes pour nous-mêmes, pour le vide qu’il laisse dans nos vies, et non pour sa mort. L’éternité, les regrets, ce ne sont que des mots, des sentiments qu’on peut très bien accepter, avec du temps et de la patience. Quoi qu’il en soit, ce n’est que trop tard que nous apprenons à dire « je l’aimais malgré tout », alors qu’on n’avait pas la moindre once de dignité en repoussant toute trêve avec un proche encombrant. Nul être humain peut prétendre à la perfection morale, nul homme ne peut m’affirmer sans frémir de sa propre bêtise qu’il est « propre ». Nous faisons des erreurs, nous devons les assumer, et, ainsi, accepter ce que sont les autres. Regretter après un décès, c’est juste un sentiment égoïste, une remontrance faite à soi-même, la planche de salut de l’âme pour éviter de regarder en face ses propres errements.

Je me demande si nous savons vraiment ce qu’est vivre en société. Nos frustrations, nous les déversons sur notre entourage, et nous les poussons même jusqu’à la colère. Au lieu de courir après une vie plus longue, pourquoi ne pas courir après une vie meilleure ? Je suis ébahi et écoeuré à l’idée que les gens puissent abandonner leurs proches à l’hôpital ou en maison de retraite, j’ai des envies d’usage de la violence contre ces ordures qui se débarrassent littéralement de leurs parents quand l’âge les rend moins indépendants. Et quoi ? N’est-ce pas eux qui, quelques décennies auparavant, leur torchaient les fesses et géraient leurs larmes en pleine nuit ? On a parfois du mal à faire ce qu’il faut, la maladie, la fatigue, cela peut nécessiter des services impossibles à obtenir à domicile… Mais de là ne même pas daigner faire une visite régulière à ses propres géniteurs, il y a tout de même une foutue marche ! Et les excuses fusent : « Tu comprends, je suis en appartement », ou l’inusable « Je n’ai pas le temps ». Nombre de proches qu’on est supposé aimer ne sont ni diminués intellectuellement, ni même impotents au point de ne plus savoir quoi faire d’eux-mêmes. Alors tout ceci… Aux oubliettes !

Et on se plaint, et l’on geint pour des broutilles, alors qu’il serait tellement plus utile d’accepter la vie telle qu’elle vient ! Certains ont tout, et pensent ne rien avoir, d’autres vont jusqu’à se rompre le cou, sous prétexte que la « vie est dégueulasse ». Celui qui a un toit sur la tête, des gens aimants, n’ont pas le droit d’aller jusque là. Ils doivent comprendre ce qu’est le monde, ce qu’ils sont, c'est-à-dire un rouage dans une machinerie complexe et étrange que l’on nomme société. Par lâcheté et égoïsme, ils se disent « Tout est pourri »… Eux en premier finalement. Ai-je peur de tout perdre ? Tout ? S’il s’agit des gens que j’aime, oui j’ai peur de les perdre, tous, sans exception, sans fard. S’il s’agit de mes possessions terrestres ? Je ne serai pas enterré avec ma bagnole ou ma télévision que je sache… Si le destin décide de m’enlever mes richesses si temporaires, qu’il le fasse. S’il compte m’ôter ce que j’aime pardessus tout, ces gens, cette famille, ces proches, alors qu’il s’attende à une lutte sans merci.

Vivez, vivez honnêtement, car demain ne s’écrit pas toujours avec l’encre de votre plume. Parfois, c’est une main inconnue, un bouton appuyé par erreur, ou encore un évènement du destin qui vient tout bouleverser. Si vous aimez, dites le sans hésitation ni honte. Il n’est pas honteux d’aimer, il est honteux de ne pas avoir le courage de le dire…

Hérisson !

Bestiole à aiguilles, boule informe capable de te protéger des agressions extérieures en te repliant sur toi-même, je te hais ! Non que je sois de ceux qui estiment que la nature soit à éradiquer, mais là, à cause de toi, je n’ai pas pu dormir correctement. Oh, je sais bien que tu n’es pas méchant, et que tu t’avères même utile dans les jardins et autres lieux où te délectes des insectes et parasites, mais tout de même… Te pointer dans mon jardin, et rendre barge mon clébard à des heures indues, y a de quoi t’épiler épine par épine pour te donner une leçon !

Et quoi ? Merde alors ! C’est pas une heure pour traîner ta couenne dans le fond du jardin, une nuit de pluie, puis de narguer ce corniaud décérébré qui n’a rien trouvé de mieux que d’hurler son incompréhension à la lune, sous la forme de hululements capables de tirer une larme au moins sensible des bourreaux. Bougre de con de chien ! Aboie, renifle, cherche, mais arrête de geindre ! Et que ça couine, encore et encore, et que me voilà à traverser le bourbier pour d’une part, vérifier l’état de santé du canidé (inquiétude du maître, que voulez-vous…), et d’autre part identifier la cause de ce remue-ménage. Et te voilà, oursin terrestre brun sombre, ne bougeant pas d’un pouce, juste là, en plein milieu du gazon boueux. Mais, qu’est-ce qui t’as pris de t’amener ici !?

Et dire que je t’avais vu, il y a quelques jours, gambadant paisiblement chez la voisine. Là-bas, au moins, aucun risque qu’un prédateur, ou qu’un chien stupide vienne t’importuner. Mais non, on est tellement bien à jouer les citadelles sous le nez d’un bulldozer à truffe ! Tu as le sens de l’humour, le hérisson. Et puis me voilà à chercher un chiffon ou une couverture pour pouvoir me saisir de toi… L’air malin, à presque deux heures du matin, la tronche enfarinée, baillant tout mon saoul de sommeil troublé par ce réveil en fanfare, errant en quête d’un moyen de ne pas te blesser. Merci, non franchement, merci la bestiole tue ver de terre.

C’est vrai que t’es mignon. Je l’admets, tu te dandines, l’air de rien, sans faire de bruit ou d’esclandre, cherchant juste ta pitance dans mon bout de gazon mal foutu. Mais là y a de l’abus quand même. Et l’instinct de survie, tu connais ? Je me penche, t’embarque délicatement pour te déposer hors du territoire du sac à puces, et fais en sorte que celui-ci ne vienne pas te saluer comme il songe visiblement à le faire. Quelle épopée ? Moi, te tenant tout près de moi pour que je fasse écran contre le chien devenu kangourou curieux, avançant avec précaution vers la zone franche symbolisée par le grillage marquant la frontière du jardin de la voisine. Doucement, ne pas se vautrer dans la boue, ne pas avoir l’air d’un con à une heure indue, et éviter de jurer, et ainsi réveiller tout le voisinage avec mes vociférations…

Voilà qui est fait… Et l’autre con de clébard qui reprend sa ritournelle ! Un coup de botte dans el croupion pour lui signifier mon mécontentement et mon désaccord concernant ses vocalises nocturnes, et enfin, assommé par l’envie de dormir, retour sur le matelas m’appelant de ses mots doux tels que sommeil, rêveries, ou encore apaisement. Et je m’effondre lourdement, recouvrant ma paillasse de la couette qui commençait déjà à me manquer…

Mais quand j’y pense, deux personnes m’appellent « hérisson », eu égard à mes cheveux toujours coupés très ras, formant ainsi une sorte de tapis de tout petit épis soi-disant doux comme du velours… Et quoi ? Mon blase, c’est aussi le museau de ce fouineur empêcheur de roupiller en rond ? Bon. Je peux aussi saisir le fait qu’un hérisson soit hérissé de pointes, tout comme je peux l’être verbalement pour préserver ma tranquillité, mais de là à en faire une analogie aussi incongrue… Quoique, après tout, le hérisson a cette tendance à être ventripotent, peu difficile sur son régime alimentaire, et qui plus est assez solitaire.

Lointain cousin à épines : évite de revenir quand le clébard est dans le coin, fais en sorte de squatter le jardin qui lui est inaccessible. Ta santé et mon sommeil te diront tous les deux merci…

24 novembre 2009

Arghhhhh!!

Ici Londres, ici Londres. Les Français parlent aux Français.

Et tout d'abord quelques messages personnels:
« J'ai trop de boulot sur mes projets, je ne peux pas poster un message complet. »
Je répète :
« J'ai trop de boulot sur mes projets, je ne peux pas poster un message complet. »

Radio Paris ment, radio Paris ment, radio Paris est Allemand...
(Ach, Nostalgie!)

23 novembre 2009

Le futur, en tout cas un futur

Je me demande souvent ce que penseront les archéologues qui se pencheront sur notre passé. Jusqu’à présent, les médias n’étant que de format papier, nous devions nous appuyer sur une lecture circonstanciée de l’histoire à travers des documents parfois douteux, souvent fragmentaires, en tout cas teintés par l’air du temps. Or, l’enregistrement de la voix et de l’image étant devenus des choses ordinaires, comment vont réagir les scientifiques dans un lointain futur ?

Il y a déjà de quoi douter des résultats et analyses de ces chers scientifiques. Loin de moi l’envie de remettre en doute leurs réflexions et analyses (vu que je suis encore plus incompétent qu’eux), c’est juste que tout est sujet à caution. Quand on sait que nombre de personnes parlèrent de « hiéroglyphes » concernant des graffitis (certes très anciens) à Rome, on ne peut que rester perplexe sur la fiabilité des raisonnements. Avec l’art et la manière de décortiquer scientifiquement l’histoire antique, il arrive très souvent que des théories soient révisées, voire même infirmées à la lumière des nouvelles découvertes. Dans ces conditions, imaginez un peu la réaction d’un archéologue mettant à jour notre présent, et se penchant sur nos outils, nos us et coutumes, ou encore nos déités. Si j’aborde également la réflexion sur la foi, c’est que, mine de rien, celles-ci sont aussi temporaires que nos civilisations. N’oublions pas par exemple que le Panthéon Grec n’a plus cours, pas plus que la multiplicité des divinités Incas. Tout au plus reste-t-il de ces différents passés quelques traditions orales, ou quelques danses au sens perdu dans les limbes du temps.

Alors, vous pensez bien qu’un magnétoscope, une vidéo amateur, ou encore un de ces gadgets numériques aussi inutiles qu’indispensables semblera incongru et même incompréhensible. A titre de comparaison, nous « comprenons » dorénavant la destination de tout un tas d’objets, sans réellement nous rendre compte de leur impact au quotidien : une amphore, une lampe à huile, ou encore une urne funéraire, tout ceci n’a pour ainsi dire plus de sens dans notre temps, alors qu’il s’agissait là d’objets tout à fait communs. Je vois bien le scénario… Une équipe creuse, met au jour un ordinateur antédiluvien, et passe des semaines à en décortiquer le fonctionnement plus que primitif. De là, les voilà entrés dans le système, scrutant de la musique du fond des âges (merci les mp3), des photographies d’une autre civilisation (merci le Jpeg), et plus encore des véhicules, lieux et vêtements qui ne ressemblent plus à quoi que ce soit de connu. Ce serait comique de les entendre rire en tombant sur des données de l’Internet d’aujourd’hui avec ses guerres, ses magouilles, son H1N1, ou encore ses rubriques qu’on ose qualifier « d’expression libre ». Qu’est-ce qu’ils vont se marrer ! Rétrogrades, arriérés, ou encore « Sans cervelle », ce sont des qualificatifs dont on nous affublerait sans difficulté je pense.

Et puis, dans l’hypothèse d’une telle situation, il est tout de même intéressant de constater que les civilisations dont je parlais précédemment sont toutes disparues. Leurs héritages respectifs existent, persistent, mais en tant que tel nul ne vit plus à la Romaine, pas plus qu’on honore de dieux dans des temples dédiés à Zeus ou bien Diane. Eh oui : l’archéologie travaille sur le disparu, et si un archéologue travaille un jour sur nous, ce sera donc sur des restes d’un monde qui n’est plus. Quels seraient les phénomènes provoquant une telle situation ? Pandémie amenant l’humanité au bord de l’extinction ? Nous la frôlons avec le SIDA par exemple. Guerre totale avec usage de l’atome ? Que de sueurs froides pendant la guerre du même nom. Phénomènes climatiques majeurs ? Nous craignons le réchauffement mondial, et les cataclysmes qui pourraient en découler. Dans ces conditions, notre civilisation que nous pensons si toute puissante est susceptible de disparaître en quelques instants.

Mine de rien, tout ceci m’amuse. Si un descendant lointain tombe un jour sur mes écrits, peut-être rira-t-il de ma maladresse, de mon manque de clairvoyance, ou pire encore trouvera le tout enfantin et sans intérêt. Après tout, j’écris en mon temps, avec mes maigres connaissances, en espérant qu’un peu de colère pourra amener un peu de meilleur dans un monde particulièrement imparfait. Ce futur, qui sait, pourrait être fait d’un bonheur universel, sans guerre, autant que par un monde totalement sclérosé dans des guerre sans fin, des batailles d’opinions et d’intérêts, tout comme en notre millénaire, et ceux qui nous ont précédés. Comme quoi : rien ne changerait tant que ça alors !

20 novembre 2009

Envies de white Spirit

C’est irrépressible chez moi, il y a des jours où j’userais volontiers plus du bidon d’essence et de l’allumette salvatrice, que de la discussion sagement établie entre personnes civilisées. C’est ainsi : il y a des sujets qui me fâchent, d’autant plus quand ils tentent de pénétrer mon quotidien de prostré acouphène aux informations et aux médias. Ben quoi ? Je ne suis pas tenu de m’informer, vu que la majorité des gens qui s’informent le font sur LCI et TF1… Horreur, malheur. Bref, bien qu’il me soit déjà arrivé d’être tolérant, là, ça déborde. Ah, vous attendez une explication du « ce qui m’irrite la couenne à cette heure » ?
(Je prends une grande inspiration… expirer… se détendre…)
LE FOOT !
Plein les esgourdes des exploits des guignols cavalant en short sur du gazon bien tondu ! Ras les miches des cris d’extase des supporters braillards lors d’un but, d’une faute, … à tout moment du match en fait. Vous me gonflez ! C’est clair ça !? Pourquoi briser les noix à celles et ceux qui se tamponnent le neurone avec une babouche des résultats sportifs ? Ca ne vous suffit donc pas d’avoir des chaînes payantes pour assouvir votre faim, encore faut-il tenter la conversion de vos proches ! A croire qu’aimer le foot, c’est être dans une sorte de secte, de celles qui vous lessivent la boîte à gamberges à coups de slogans bien sentis. Ecoutez les beugler ! « OM ! OM ! On (censuré) !!! ». Ca ne vous rappelle pas les lyriques « Dieuuu ! Dieuuu ! Tu es notre sauveur ! » des Krishna venus sonner chez vous l’autre dimanche ?

L’écume en bouche, j’envisage d’éradiquer cette engeance dans un grand feu de joie, mais dans l’oreillette, un avocat avisé m’explique à l’instant qu’il est possible que je sois ensuite traîné à La Haye après une telle action sanitaire. Alors bon, je vais me contenter de dissoudre au white spirit toute trace de liens ayant un rapport proche ou lointain avec le foot ici même. Ceci dit, ce n’est pas si difficile ni contraignant, il n’y en a pas un seul. Vous avez sûrement remarqué, dans votre grande attention de lecteur avisé (et hop, un peu de cirage sur les grolles des habitués…) que je me contente que de rares liens externes, simplement pour ne pas ressembler à une échoppe de canards bas de gamme. Aucune envie de ressembler à un kiosque à journaux comme peuvent l’être énormément d’autres blogs. Prétention ? Snobisme ? Pédant dans mon attitude ? Elle vous emmerde mon attitude ! J’ai mes idées, pas celles d’un tiers que je repiquerais pour la joie de m’en prétendre propriétaire. Tout au plus puis-je (citation à l’appui) répéter certains génies de la plume.

Ah non ! L’autre con me relance avec le match… Mais bordel de (censure longue, à caractère informatif, pour camoufler une liste fleurie de jurons bien sentis), tu me les lâches, les noix !? Je me contrefous que l’autre ahuri, pardon, Henri, ait foutu ses paluches sur le ballon. Ah ? Ca a éliminé l’Irlande ? Et ça change quoi à la situation du monde là ? Concrètement, ça va faire baisser les impôts, engendrer de l’emploi, ou au contraire créer un cataclysme politique et financier sans précédent ? Rien de tout ça, bien entendu. Alors foutez moi la paix avec sa main, ses pieds, sa tronche, et tant que vous y êtes avec les dix autres bœufs qu’on fout sur le terrain. Le foot, c’est le panaris de la télévision, la pustule sur la grille des programmes, le truc qui s’étend à chaque coupe d’Europe ou du monde, et qui brasse tellement de pognon que c’en est indécent.

Et il parle de Coubertin, de la beauté du sport et j’en passe… Bon, finalement, le white spirit, ça va pas être pour nettoyer le blog, mais pour te le faire picoler en rasades bien douloureuses. Oui je sais que ça n’a pas un coup de Château Margaux, mais c’était nécessaire pour ta santé. Tu vois, tu deviens vert, violet, rouge pâle, puis cramoisi… Allons, ne vomis pas ici, prends le temps d’aller aux toilettes au moins ! Excusez le, il n’est pas habitué à goûter à mon fiel à haute teneur en mauvaise foi. Je disais donc avant que ses ennuis gastriques ne m’interrompent… Ah oui : Les supporters, les fanatiques d’un jour m’horripilent et me les brisent. J’ai en horreur tous ces abrutis qui défilent en rangs serrés, tels des animaux pour l’abattoir, et qui imitent le veau prêt à sentir sa dernière pensée lui traverser l’esprit (sous la forme d’un dard en acier forgé).De vrais zombis. Et tout ça pour quoi ? Un bout de cuir cousu par de petites mains dans un pays en voie de développement. Ah, c’est beau le sport…

Alors : au premier abruti qui me reparle de foot ici bas, je lui promets une mort honteuse et douloureuse.

Des candidats ?

19 novembre 2009

Analyse personnelle de soi

Je me fais parfois l’impression d’être un de ces petits lutins malfaisants qui peuplent les idées noires des gens. Vous savez bien, ces êtres sans véritable forme définie, qui viennent vous chatouiller les pieds quand vous dormez, qui provoquent des accidents aux causes inexpliquées, ou encore qui s’amusent à engendrer des cauchemars dans l’esprit des enfants. Eh oui, je me vois ainsi, bestiole malsaine au regard cynique et cruel, et qui n’hésite jamais à appuyer sur la plaie qui suppure, ou encore à se gausser du malheur des autres. C’est ainsi, je fais preuve de mauvais esprit

Pourtant, je suis comme n’importe quel être humain, né dans la matrice d’une femme ordinaire (mais extraordinaire à mes yeux), éduqué avec quelques règles élémentaires de savoir vivre en société, comme par exemple « tu ne tueras point » (sauf si c’est vraiment un sale con), « tu ne voleras point » et j’en passe. Donc, on va dire une scolarité banale d’un banlieusard sans grand intérêt, et pas plus de misères que n’importe quel imbécile de mon âge. Oh, il y a bien eu cette phase de l’adolescence que je n’ai traité que comme étant un impératif désagréable, où j’ai plus raisonné sur les obligations de l’adulte que sur les qualités comparées des petits et des gros seins. L’éveil à la sexualité passé (sans les misères du faciès moucheté par les hormones en pleine guerre interne), je suis donc devenu le quidam moyen, l’abruti moyen s’abreuvant à la lueur de la télévision, à la bière bon marché, et à la tambouille probablement surchargée en pesticides.

Mais alors, dans ce cycle d’une affligeante banalité, où ai-je bien pu pêcher ce fond de cynisme digne des pires ordures de l’espèce humaine ? C’est à douter des préceptes de (je cite) « l’inné et l’acquis ». Oui ma bonne dame, j’ai bien de manière innée l’envie d’étriper l’être humain, et j’ai bel et bien acquis quelque part diverses explications à cette tendance meurtrière. Le psychiatre, en tout cas le praticien s’essayant à désamorcer mes tempéraments, armé de sa toute puissante science de l’esprit, serait bien en peine face à la grenade dégoupillée que je suis. Tiens le mou du ciboulot, remballe moi donc tes théories fumeuses d’Œdipe ou de je ne sais pas qui : je ne fantasme pas sur ma mère, pas plus que je n’éprouve une quelconque jouissance à envisager un bain de sang. Non, c’est juste un calcul simple : moins il y aura de cons dans mon entourage, mieux je me porterai. Mieux encore, j’améliorerai la condition de fossoyeur, et ma façon de faire sera bénéfique pour l’écosystème. Moins d’humains, moins de pollution.

Ne tiquez pas, je n’ai donc pas eu de formation intellectuelle pour faire de moi l’ordure malséante qui vous pollue le paysage à longueur de journées, pas plus que l’on pourrait prétendre à blâmer mes géniteurs sur cet aspect. Au contraire même, je le crois que trop modérés pour aller espérer que je devienne cet acariâtre aigri que je suis devenu. A vrai dire, je suis même intimement convaincu que ma non formation académique concernant l’écriture a permis, justement, l’émergence de mon mode de pensée. Si j’avais bouffé du Stendhal, Nietzsche, et autres penseurs sous la tutelle d’un professeur bien pensant et gavé d’idées gauchistes, je me serais sûrement tenu à une ligne de conduite sans débordements et sans tache. Malheureusement, j’ai choisi d’aller chercher la connaissance là où elle se trouvait, mais de manière solitaire et sans assistance. Le Gérard d’Aboville littéraire, en quelque sorte. Alors, mélanger des écrits d’une droite fleurant bon le nationalisme avec des ouvrages sur le gauchisme révolutionnaire, en saupoudrant le tout d’une analyse personnelle très orientée et emportée, ça vous donne moi.

Je me suis souvent penché sur les autres, notamment pour clouer leurs cercueils en gloussant de plaisir. J’ai même suggéré qu’on leste les dites boîtes pour garantir qu’elles restassent bien au fond d’un océan lointain, de sorte à éviter tout culte des abrutis que je désirais enterrer en toute discrétion. Et là, en me penchant sur ma propre tombe, je me rends compte qu’à défaut d’avoir une foule larmoyante déposant des fleurs sur mon marbre, je vais sûrement avoir quelques admirateurs qui vont cracher dessus en vomissant des insultes diverses et variées. J’espère honnêtement survivre à ceux que j’ai fustigés, de sorte à ce qu’ils ne profanent pas mon monument… ou alors, plus drôle, je vais me faire incinérer pour que je puisse faire progresser l’avancée des orties sur leurs monuments à eux. Salaud ? Juste pragmatique : on ne s’approche des orties que pour y aller chercher le ballon des mioches, ou pour en faucher la verdeur et s’en débarrasser au plus vite. Il y a bien des cinglés qui en font de la salade ou des tisanes… mais passons.

Où est cette belle humanité dont je suis supposé être doté ? J’ai beau me faire les poches, m’ouvrir la brioche au scalpel, elle semble bien planquée. A moins que ce soit cette tumeur résiduelle qui s’agrippe perpétuellement à mon âme, avec le malin plaisir de la pressurer à chaque fois que j’y attends de moins. Foutue conscience, toujours à me battre les tympans avec du « Tu ne devrais pas dire ça, ce n’est pas bien ». Ta gueule ! Si je le pense, je le dis. Alors quoi ? Je suis malsain ? Oui ! Un sale con parfois ? Encore oui ! Et alors ? Des gens pour me dire le contraire ? Ca fait de moi un humain je crois.

Et merde…

18 novembre 2009

Les percussions du cœur

De mes doigts, j’ai pu frôler quelque chose qui devrait être impalpable. De mes yeux, j’ai pu effleurer un sentiment qui est supposé être invisible. Et pourtant, je les ais tenues en main, ces décorations, ces médailles, cette fanfreluche aussi vaine qu’indispensable, ce métal symbolisant tant le courage d’une personne que la reconnaissance d’un peuple pour ses actes. J’ai serré ces surfaces dorées et frappées par la tristesse et la fierté mêlées, je me suis senti ridicule et minuscule face au poids du sens de ces médailles. Aujourd’hui, une bonne partie des gens estiment qu’il n’y a pas de raison de soutenir ceux qui défilent en kaki, et que le militarisme est une valeur du passé. Comment dois-je réagir, après avoir serrés les médailles de mon oncle ?

Bien souvent, ces décorations n’ont de sens que pour ceux qui savent les identifier. Ainsi, il nous est impossible de saisir l’ampleur de ce qu’est une bataille que lorsqu’on la vit, et, de plus, il nous est tout particulièrement impossible d’en juger l’importance. Ceux qui furent décorés à titre posthume ont donné leur vie pour une cause, qu’elle soit juste ou non n’ayant plus d’importance. Pour nous autres, ces civils ingrats qui acclament les soldats le lundi et les insultent le jour suivant, une étoile épinglée à la boutonnière n’a qu’un sens prétentieux et ostensible, mais pour ceux qui arborent la dite étoile, c’est un acte de fierté et de respect pour tous ceux qui furent près d’eux dans les pires moments. J’ai l’immense fierté de savoir que mon oncle s’est battu, qu’il a assumé son volontariat jusqu’au bout, et qu’il a pu en parler avec moi après la guerre.

Ne vous méprenez pas, la guerre est quelque chose que je trouve honteux et dégueulasse, qu’elle ne résout rien, et qu’en plus elle engendre que haine et frustrations pour le futur. A mes yeux, ce que j’honore ce n’est pas le combat au sens large, mais le courage de ceux qui le mènent. Je n’irai jamais cracher sur la tombe d’un soldat, aussi brutal ou honteux qu’il fut. Nous n’avons pas le droit de juger du courage, mais nous pouvons juger la cause défendue. Ne crachons pas sur les soldats de 1914, pas plus que sur ceux de 1940. Tous ont défendu des idées, des opinions, tous les cimetières et fosses communes contiennent des gens s’étant vaillamment défendu pour cela. Ils ne méritent pas d’être humiliés parce qu’ils n’avaient pas le bon insigne à l’épaule ou sur le cœur. Ceux que l’on doit humilier et punir, ce sont ceux qui décident, ceux qui revendiquent, les colporteurs de malheur, les assassins par la plume, les bouchers par la décision.

J’ai souvent une colère intérieure, celle des médaillés de la légion d’honneur. Nous n’avons pas à distribuer ce titre honorifique à n’importe qui, pas plus qu’à l’épingler au revers de n’importe quelle ordure qui a fait sa place au soleil par la tricherie et le mensonge en politique. La légion d’honneur, c’est un titre, mais c’est aussi un devoir de mémoire pour tous ceux qui furent décorés de cet ordre pour faits d’armes, ou pour un véritable courage. Je ne mettrai jamais dans le même sac puant le musicien sans talent mais adulé par les foules, et le résistant ayant subi la torture de la Gestapo. Je ne donnerai jamais autant de valeur au ruban rouge des poilus, à celui d’un dessinateur de BD devenu célèbre grâce à son irrévérence. Décorer quelqu’un, c’est, à mes yeux, lui adresser le message fort que la patrie lui est reconnaissante. Pas qu’on veut en faire une vedette parmi tant d’autres dans un annuaire mondain des « décorés de la légion d’honneur ».

A chaque fois que les villes et villages célèbrent les grandes dates, j’ai un pincement au cœur en voyant ces hommes et ces femmes qui s’alignent près des monuments aux morts. Ils ont de l’émotion dans le cœur, et de la fierté sur la poitrine. Eux, ils savent le sens du mot sacrifice. Eux, ils connaissent le sens du mot camaraderie. Où qu’ils furent, que la guerre fut juste ou intolérable, ils furent là, au service de leur nation, se battant pour les trois couleurs. J’ai honte pour cette jeunesse qui les dénigrent, qui les conspuent même en ne voyant en eux que des « troufions ». Tas d’ingrats, d’ordures satisfaites par la chance de vivre en paix, remerciez les plutôt d’avoir versé leur sang et détruit leur âme pour que vous, générations suivantes, puissent savourer la liberté et le droit de s’exprimer. Les décorations qu’ils portent sont autant de signes des étapes qu’ils eurent à surmonter pour survivre, et cracher sur eux, c’est cracher sur tous les autres anonymes tombés au champ d’honneur. Il n’y a pas de honte à les saluer, il n’y a pas de honte à raconter leurs histoires individuelles et celle, tout aussi importante, collective.

J’ai un battement au cœur, une percussion silencieuse pour les autres mais bruyante en moi. Elle bat la mesure de l’émotion pour ces portraits qui s’alignent dans les cimetières ou dans les salons des familles arborant fièrement leurs morts. Nous sommes tous les héritiers d’un passé, et, si douloureux soit-il, nous devons en assumer les conséquences sur notre quotidien. Verdun, le chemin des Dames, Dunkerque, Omaha Beach, Dien, Beyrouth, ces lieux sont autant de souvenirs, de batailles, de dates qu’on enseigne plus ou moins à l’école. Mais ce sont surtout des hommes et des femmes, des gens, des vies et des morts. Les oublier, voire même les fustiger serait de l’ingratitude et de la bêtise. Honte à ceux qui ne veulent pas comprendre, et pire encore, honte à ceux qui ne veulent pas expliquer à ceux qui ne comprendraient pas.

Les percussions roulent, ils défilent en rangs serrés. Ils sont nos fantômes, ces millions de fantômes de nos morts à tous, de notre histoire commune, celle du monde tel qu’il est aujourd’hui. Ils sont vêtus d’uniformes, de tenues de civil, certains marchent main dans la main, d’autres au pas de l’oie. Tous sont l’âme et le sang d’une terre que l’on croit être nôtre. Pourtant, eux se battirent pour des frontières, des causes perdues, parfois pour un pâté de maison ou moins encore, mais ils furent là, jusqu’au bout. On raconte que des résistants Français, au moment de leur exécution, chantèrent l’hymne nationale. On dit également que les soldats chargés de presser la détente se sentirent humiliés de tuer ainsi des personnes courageuses. A celui qui sifflera l’hymne qu’ils défendaient, je dis attention : tu siffles et insultes des gens honnêtes, au sens pur du terme. Suis-je nationaliste ? Peut-être, mais l’essentiel n’est pas là : je ne cracherai pas sur un drapeau, je cracherai toujours sur des idées et je maudirai les idéologues pervertissant le sens premier des courants d’idées.

Défendons l’identité Nationale : pas celle de la couleur, pas celle de la « foi », celle où chacun se reconnaît comme habitant la même terre, se voit comme le frère du voisin, et où chacun respecte et honore la mémoire collective. Je n’assumerai jamais les actes des autres, j’assumerai en revanche d’être un des détenteurs du souvenir de leurs actes. Oublier, c’est maudire les victimes. Se souvenir et gérer ce passé, c’est rendre hommage à tous, sans distinction ni hypocrisie. Marcher droit, ce n’est pas s’éloigner des autres, c’est aller dans la même direction, avec l’espoir de bâtir une société où chacun aura une place, et où le paria sera un mot dénué de sens. La différence, qu’elle soit par l’origine, l’existence ou l’opinion, sera une richesse, et nous serons alors, je l’espère, riches des enseignements des autres.

Marchons. Tout simplement.

17 novembre 2009

Néant...

Rien ce soir, pas le temps!

16 novembre 2009

Travailler avec une hypothèse

On pourrait prétendre que ce titre laisserait entendre une réflexion scientifique quelconque, voire même une incitation à agir avec les bienfaits de l’analyse. Détrompez vous chers bipèdes ! Si je me suis fendu d’un titre pareil, c’est avant tout pour exprimer ma colère face à l’incurie de certaines personnes, fureur si forte que j’en serais presque tenté d’user de la trique pour corriger les dites personnes. Certains de mes lecteurs ne douteront pas que cette volonté puisse, tôt ou tard, se muer en mise à exécution, d’autres estimeront qu’il s’agit juste d’un cri pour soulager la pression qui s’exerce dans ma boîte crânienne. Je pense que la vérité est à mi chemin.

Quoi de plus énervant que ceux qui lancent des hypothèses sans même se demander si, par le plus grand des hasards, celles-ci sont valides ou non. A l’instar d’un météorologue allant coller un thermomètre dans les miches d’une colline ou d’une plaine verdoyante, ce cher « travailleur » aura l’imbécillité de se dire « Tiens, et si ceci ou cela arrive, alors… ». Bien, jusque là, aucun risque. En effet, une hypothèse, qu’elle soit saugrenue ou non, ne met rien en danger, si ce n’est sa propre crédibilité. Prenons un exemple : tant que vous ne dites pas que vous estimez crédible l’idée qu’un président de la république puisse être un animal de ferme, aucun risque pour vous de passer pour un con. En revanche, déclarez cela devant une assemblée et vous ressentirez les regards narquois de vos interlocuteurs (exception faite d’une situation où votre hypothèse est faite par ironie, ou, mieux encore, dans un but de dérision ostensible). Cela confirme donc le précepte du : « Tu peux avoir des hypothèses, mais évite de les utiliser à tort et à travers ». Et c’est là que cela commencer à merder.

Eh oui ! Notre abruti (que l’on ne nommera pas par décence pour sa famille, risquant, via une délation mal sentie, d’être lapidée en place publique) va poser ses hypothèses, non validées, et sorties d’on ne sait trop quel cerveau malade, et qui plus est, les mettre en application dans le cadre de son emploi. Imaginez donc des gens lançant une fusée, avec l’hypothèse saugrenue du « S’il y a de l’eau sur la lune, il faudrait alors fournir des maillots de bains aux astronautes ». Débile, non ? Alors, appliquons cette façon de penser à notre quotidien et regardons le résultat autour de nous. Ca y est ? Vous commencez à frémir ? Pour ma part, je croise régulièrement des choses qui me font dire qu’au mieux mon prédécesseur se moquait du résultat final, au pire qu’il était suffisamment stupide pour saboter son propre ouvrage. J’en viens à me dire que les idiots sont plus dangereux qu’il n’y paraît…

Quand j’étais petit, on m’a enfoncé dans le crâne que « Les adultes savent ce qu’ils font ». Tiens donc, je serais donc d’une mauvaise foi maladive, et mon regard cynique serait juste le résultat d’un manque chronique de confiance en l’être humain ? Allons bon ! Voilà que je deviendrais donc méchant de manière gratuite et inconsidérée ? Si je suis ce raisonnement, les types qui ont pondus les subprimes étaient sains d’esprit, les architectes qui construisent des maisons dans fenêtres des pointures dans leur domaine, ou encore les constructeurs de routes qui ne mènent nulle part des visionnaires. Vous frémissiez un peu, moi je tremble de toute ma carcasse à cette seule suggestion. Bien entendu, on peut aussi prétendre qu’ils « ne se doutaient pas que cela allait mal se passer ». Bien entendu. On peut toujours se chercher des excuses dans le passé, y pêcher quelque obscure raison de l’échec d’un projet…

J’ai un exemple assez parlant en tête. Vous êtes une région (au sens administratif du terme). Vous pensez faire une nouvelle rocade pour désengorger et détourner le trafic routier des petits villages qui râlent à cause de la circulation, du bruit, et de la pollution. Jusque là, tout va bien. Passons les étapes du tracé, des expropriations et tout le tremblement. Force est de constater qu’il va y avoir des croisements. Bon. Alors deux solutions : coupures (feux rouges, ronds points, et j’en passe), ou alors ponts ? Adoptons les ponts. Quelle est la première question à se poser quand on fait passer des véhicules SOUS le pont ? LA HAUTEUR ! Rien d’étonnant ni de complexe, sauf que, régulièrement, nos chers experts posent l’hypothèse du « Y aura jamais de camions ici ». Bien joué les neurones… Alors : jolie rocade toute neuve, tous les camions (donc la partie la plus pénible du trafic routier) non déroutés dessus, donc rocade désertée par la cible initiale du projet. Grandiose ! Et on me dit de mauvaise foi ?

Là, je regarde mon boulot de la journée, et je me rends compte que je viens de passer la majorité de mon temps à élaguer le même genre de bêtises… « Ca ne sera jamais faux ». Dommage andouille, ça arrive régulièrement ! Et une correction. « Ca ne peut pas être égal à cette valeur ». Encore raté le demeuré, ça l’est souvent. Et de deux… Je me sens un peu Sisyphe sur ce coup là. (Oui Sisyphe, le type qui devait, sans arrêt, remonter le même rocher en haut d’une colline, et qui dégringolait à son point de départ). Merci aux hypothèses hein !

Rrogntudjû !!! (Merci Prunelle)

13 novembre 2009

Avez-vous peur ?

La peur. Jouer avec, se servir des craintes profondes de chacun, les manipuler au point de créer la terreur, c’est un art délicat et complexe qui nécessite de se poser des questions, et d’avoir aussi une certaine culture. En effet, les peurs sont culturelles autant qu’instinctives. Les superstitions, phobies diverses et variées (comme le treize en Europe par exemple), il faut connaître ceux que l’on veut effrayer pour obtenir un résultat maximum. Bien entendu, ce n’est pas forcément simple, d’autant plus qu’il est facile de tomber dans le caricatural. Le cinématographe de genre est souvent victime de l’excès, créant tout un tas « d’œuvres » comique à leurs dépens. J’en conviens, certains réalisateurs savent entretenir la frayeur chez le spectateur, mais la majorité verse dans l’hémoglobine ou les plans tremblotant digne d’un caméraman parkinsonien. Moi, j’aime me servir de ma plume, en faire grincer la pointe sur le papier pour amener au dérangeant, l’inquiétant, et si possible, obtenir un sentiment de crainte primaire. Alors essayons ! (PS : je m’étais déjà essayé à l’exercice sans vraiment en être satisfait, voyons si j’ai un peu progressé).

Il se tenait là, debout face à la foule réunie sur le parvis de la cathédrale. Vêtu de noir, le sourire arrogant, ses yeux scrutaient l’humanité chétive et craintive soumise à ses désirs. Les bras croisés, il humait le parfum de la terreur s’élevant de chaque âme prisonnière de son joug. Il était le démon, celui que l’on craint, celui qui ne devait pas revenir sur Terre, l’antithèse, l’opposé, Son opposé, sa face sombre. Démon à visage humain, monstre au corps ordinaire, ses pouvoirs dépassaient pourtant tout ce que l’homme avait pu imaginer. On a dit qu’il a anéanti des villes qui, aujourd’hui, n’existent plus dans les mémoires. On a dit qu’une simple parole de lui pouvait tuer un peuple tout entier. On a dit qu’il trônait sur une montagne de morts, et que ses serviteurs étaient des âmes damnées, les âmes des hommes trop faibles pour résister à la tentation. Il tenait au creux de sa paume l’existence même de l’humanité, et cette immense puissance lui semblait si dérisoire à présent ! Lui, le paria, le maudit, l’impie, lui que même les démons fuyaient, était à présent maître de ce monde qui l’avait refusé.

Il leva ses mains au ciel, émit un cri de dément, et le ciel s’obscurcit de nuages sombres. Ses doigts se mirent à frémir et la couverture noire s’ouvrit pour laisser passer une colonne lumineuse. Il s’éclaira, rit aux éclats, et l’esplanade se figea dans le temps. Les feuilles mortes soulevées par le souffle se suspendirent, ceux qui couraient furent pétrifiés dans leur mouvement. Il se rassasia de cette énergie, poussa un second rire grinçant de crécelle, puis il se tourna vers ce musée de cire humaine à ciel ouvert. Dans les regards piégés dans l’éternité, il y avait qu’une seule expression morbide, animale, celle de la peur de mourir. Lentement, les mains dans les poches, il défila entre ses victimes, s’amusant à en faire tomber certaines, au gré de son envie, au gré de sa fantaisie. Chaque statue qui chuta se brisa en milliers de morceaux épars, puis s’évanouit en poussière. Il les tenait, ces humains si faibles et pourtant si satisfaits. Lui, le pire des démons, le maître des enfers, il était de retour, et nul ne pouvait lui disputer sa place de maître du monde des vivants et des morts.

Partout dans le monde on pria, on invoqua dieux et déesses, on supplia les anges d’agir, mais c’était prières vaines venant d’incroyants se raccrochant à des psaumes qui leur étaient, hier encore, totalement inconnus. Les professeurs de la foi se réunirent, débattirent des méthodes pour retenir le Malin, le faire disparaître, mais nul n’offrit la moindre solution. Lui, en revanche, se mit à apparaître et disparaître dans les capitales du monde, exécutant des dictateurs, rendant fou les démocrates, réduisant à néant les pouvoirs de tous les humains. De sa seule volonté, il prit le pouvoir dans les cœurs, imposant ses décisions et ses envies. Il fit bâtir des chapelles à sa gloire, fit raser les traces des anciennes divinités, anéantissant d’un claquement de doigts le passé, le présent, et l’avenir de l’homme. Omnipotent, omniscient, le Malin avait accompli sa plus grande œuvre : faire croire qu’il n’existait pas, pour mieux s’imposer en chef unique du monde.

On a dit qu’il était Dieu. Ceux qui affirmèrent cela moururent dans d’atroces douleurs. Leurs âmes torturées erreraient à jamais entre la vie et le néant, subissant sa punition d’une éternité de tourments. En quelques heures l’équilibre du monde vacilla. Rien ne fut plus jamais pareil. Il fit renaître ses suppôts, décréta comme obsolète l’ordre mondial et élimina tous les représentants politiques et militaires qui tentaient de comploter contre lui. Amusé par l’entêtement humain, il procéda au massacre lent et méthodique de chaque « traître ». Chaque jour, un dirigeant mourut en public. Chaque jour, le monde eut son lot d’exécutions. Entendre qu’il prononçait votre nom, c’était une condamnation à mort sans le moindre espoir de rédemption.

Il provoqua des guerres pour le plaisir de voir s’entretuer les hommes. Il libéra les pires instincts de l’homme pour les voir se massacrer et inventer de nouvelles méthodes de tuer. Il fit du monde l’antichambre de l’enfer, poussant au suicide ou à la folie ceux qui ne se soumettaient pas. En quelques jours, il n’y eut plus de résistance à son pouvoir, son culte devint le culte universel, celui à la gloire idolâtre de son effigie. « Que le vivant tremble, que le mort soit apaisé » dit il à la foule en arborant son sourire carnassier. C’en était fait : l’homme allait périr, victime de sa propre folie d’avoir laissée le mal envahir les cœurs.

Puis au septième jour, il y eut une femme qui s’avança parmi les morts vivants. D’un pas lent et mesuré, elle se présenta face à Lui. Amusé de ce courage proche de la folie, le Malin la laissa monter les marches de l’esplanade. Pas à pas, son teint pâle, sa chevelure blonde et brillante éclairèrent Son visage. Intrigué, Il lui demanda son prénom. Elle ne répondit pas. Courroucé d’un tel aplomb, ses yeux s’enflammèrent d’une étrange colère, de celle que l’on a quand on sent l’impuissance et la vacuité de ses actes. Tranquillement, avec la légèreté d’une plume, elle frôla le Démon et lui murmura à l’oreille « Tu vas disparaître ». Il se redressa pour la frapper et la tuer, mais celle-ci devint comme intangible, fantomatique présence d’une âme pure au milieu des maudits. De rage, il fit trembler la terre et le ciel, déclencha la foudre et les flammes des entrailles de la planète, mais rien ne put l’atteindre. Stoïque et sereine, elle s’avança à nouveau, et posa une main douce et diaphane sur la joue du monstre à faciès humain. Brûlé par ce contact, il vacilla en se tenant le visage. Une telle pureté n’avait rien d’humain, aucune âme humaine ne pouvait être aussi pure et exaltée par la foi. Son cri de fureur explosa et brisa le silence. Les humains fuirent immédiatement ce théâtre colossal, abandonnant icônes et drapeaux à Sa gloire. Le désordre fut total. Quelques uns restèrent cachés pour regarder la dernière marche, le dernier pas du monde vers le néant, ou vers une renaissance.

Il bondit vers elle. Elle ne bougea pas. Il la toucha en plein cœur, et c’est lui qui versa son sang. Il la jeta au loin, et c’est lui qui sentit le choc dans sa chair. Elle se releva, silencieuse, souriant avec douceur à son bourreau qui saignait abondamment. Elle posa à nouveau ses doigts sur le visage du démon, lui infligeant la morsure du feu. « Tu retourneras d’où tu viens », lui dit-elle tendrement. Excédé, il la frappa de plus belle, s’infligeant lui-même les pires souffrances. Et il recommença, encore et encore, jusqu’à être épuisé et incapable de bouger. Rampant, brisé, il voulut continuer à la mordre, tel l’animal blessé et cambré sur sa volonté. Et elle l’embrassa, longuement, comme une mère embrassant son enfant. Et tout deux disparurent en un instant, s’évaporant rapidement comme s’ils avaient été de la neige dans le désert.
On ne sut jamais qui elle fut. On lui donna de nombreux prénoms : Eve, Marie, Marie-Madeleine, mais nul ne sut expliquer ce qui détruit le démon. Dans les instants de la fin, les prisonniers du néant revinrent à la vie, l’obscurité céda sa place à la lueur, à l’espoir, à la chaleur du soleil. On rasa les autels, fit brûler les visages du Malin, mais tous agirent avec peur et circonspection. On dit qu’aujourd’hui encore, certains vénèrent ces images d’un autre temps. On dit aussi que l’Histoire a fait disparaître cette femme rédemptrice pour permettre l’hégémonie masculine.

On dit enfin qu’elle était notre mère à tous, et que lui, le démon, était le seul fils qu’elle ait jamais vraiment aimé.

Hilarité involontaire

Qu’on ne me dise pas que les images et les références n’évoluent pas. Bien qu’il soit généralement admis qu’un cliché n’est valide que pour un temps déterminé, force est de constater que l’humanité aime à préserver les images d’Epinal. Prenons la politique : nul n’est dupe sur la moralité des acteurs de ce Vaudeville quotidien, pas plus qu’on n’ait la moindre illusion sur l’honnêteté de nos élus. Pourtant, nous préservons avec entêtement le vain espoir que nous serions gouvernés par des gens de bons sens. Comédie humaine, spectacle de la rue, tout ceci n’est bâti que sur des conventions que nous voudrions résistantes au passage du temps.

Le racisme, ce comportement craintif des animaux humains qui tremblent face à la différence, est l’un des exemples des plus flagrants. Quoi de plus pathétiquement ordinaire que le raciste qui définit « l’ennemi » à travers la différence de teint de peau ? Tous autant que nous sommes, nous hiérarchisons pour se rassurer, nous classons avec entêtement, en oubliant que le critère primaire devrait non pas être le cireux du visage, ou le crépu de la chevelure, mais plutôt le niveau réel d’abêtissement individuel. Avant toute chose, le con blanc est un con, l’imbécile noir est un imbécile et j’en passe. Je ne saurais trop recommander aux racistes de se souvenir que nulle couleur de peau ne garantit l’intelligence, tout comme nulle obédience ne saurait certifier une appartenance sans équivoque à un groupe de pensées. Je suis hilare quand j’entends parler de « race supérieure », tout autant quand mes oreilles sifflent aux mots « peuple élu ». Je suis ainsi : J’abhorre les cons, qu’ils soient bronzés, blafards ou bien citronnés.

Difficile de ne pas rire devant les mouvements de foule. Ah, les xénophobes, qu’ils sont délicieux quand ils s’excitent, banderole en tête de cortège, hurlant leur dégoût pour tout et n’importe quoi. Je les trouve délicieux tant ils sont prompts à défendre des thèses débiles, et qui plus est tant ils sont prêts à verser leur sang pour leurs idées. C’est un régal de fin gourmet que d’imaginer un de ces fascistes convaincu s’apprêter à une hypothétique et improbable guérilla urbaine, puis, deux semaines plus tard, le voir alité dans un hôpital, jurant ses grands dieux qu’il n’ira plus jamais affronter la cohorte de CRS se tenant en face de lui. Les idées stupides sont souvent celles qui fléchissent le mieux sous la trique…Comme quoi, l’opinion se fragilise aussi vite que le crâne se fend !

Qui n’a pas eu de soubresauts de rire trop violemment face à des déclarations sans logique ni fondement ? Les médias, grands pourvoyeurs de connerie humaine, ne sont jamais avares d’idioties intolérables. Je me suis gardé de critiquer les cérémonies du vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin, ceci parce que l’impact moral et historique sont si forts qu’ils atténuent notablement l’incompétence crasse de l’enrobage journalistique. Que dire d’une « journaliste » bafouillant les noms et date, infoutue d’articuler le nom de grands personnages, et, pire encore que penser du sombre abruti déclarant à la cantonade « Le 9 Décembre 1989 » en lieu et place du 9 Novembre ? Hilare je le fus, en tout cas je me suis retrouvé à rire au lieu d’être ému par les photographies et vidéos de l’ère de l’ex RDA. Dramatique, pathétique, mais drôle.

Comme quoi, je me désespérais de trouver des choses méchantes à dire sur la société, estimant à tort avoir fait le tour de la question. Eh non ! Le quotidien me détrompe sur la question avec un humour qui honore la mémoire des génies du calembour. Nul doute que Monsieur Desproges aurait piqué un fou rire suite aux affaires, se serait chargé de ridiculiser un Pasqua devenu bavard, ou encore un Chirac justiciable. Oui bon, c’est facile de se moquer des escrocs en col blanc, d’autant plus quand ils ont été des gens de pouvoir. Personnellement, je ne me limiterais pas à cela ! Allez, rigolons un peu ensemble : n’est-ce pas de l’humour noir que de faire la publicité pour la fonction de maton, ou encore de proposer des opportunités de carrière dans l’armée ? Les Français ne sont pas foncièrement antimilitaristes, ils sont juste, comment dire sans froisser de susceptibilités… Je ne sais, passons.

En tout état de cause, l’humour se cache partout où on ne l’attend certainement pas. Il faut savoir rire, se moquer de tout (et avant tout de soi-même), et dédramatiser la vie. Quelque part, la vie, c’est tout de même se préparer un pécule pour mourir dignement. Bonne rigolade à tous !

12 novembre 2009

Désert et errance

J’aimerais un jour savoir pourquoi j’ai plus de facilités à décrire des scènes de malheur que des scènes simples et tendres. J’éprouve une grosse curiosité concernant l’histoire, et j’apprécie de pouvoir la décrire avec mes propres mots, quitte à créer des situations qui n’ont jamais existées. A ce jeu, les écrivains peuvent tout aussi bien rendre la situation crédible qu’improbable, et c’est là tout l’art de la plume que de restituer quelque chose d’acceptable. Il n’est nul besoin d’avoir vécu une bataille, une révolution ou une prise de pouvoir pour s’autoriser d’en restituer toute la dramatique, en tout cas j’espère qu’aucun lecteur ne me blâmera pour ce choix. C’est ainsi, qu’une fois de plus, je vais me fendre d’une situation inventée qui, espérons le, saura vous emmener là où je suis au moment où je rédige cet article.

Ils avaient errés, des semaines durant, dans le grand désert. Tous étaient épuisés, hagards, le teint hâlé par la chaleur et la poussière. Derrière leurs masques de tissu, les visages étaient tendus et stricts, comme marqués à jamais par l’intensité de leur lutte pour la survie. Ils s’étaient amaigris, certains étaient morts de soif, d’autres étaient devenus fous à cause de la température digne de l’enfer. Les survivants, eux, eurent le cœur et l’âme tannés par les éléments et l’absence de vie du grand désert. C’est ainsi que je vis pour la première fois ceux qu’on surnommait « la horde ». J’avais déjà entendu parler d’eux, en tout cas sous une forme légendaire. On les décrivait comme des combattants aguerris, impitoyables, vivants sur le terrain, et toujours prêts à lutter jusqu’au bout pour leur existence. Ils étaient dépeints comme de véritables lutteurs, forts, fiers et orgueilleux, mais jamais comme des méchants ou des pillards. Les peuples du grand désert parlaient d’eux avec crainte et respect, un peu comme ces fauves qui n’existent plus.

Juché sur un camion couleur safran, leur chef leva ses lunettes de protection, se dépoussiéra un peu, et fit signe à la horde de s’arrêter. Nous autres, sous nos tentes de fortune, nous restâmes figés par la peur, une peur animale irrépressible de nous savoir faibles faces à ces prédateurs. Il descendit lentement du véhicule, se dirigea vers nous, et demanda le chef de tribu. Le conseil des anciens accueillit l’étranger avec déférence, sûrement par crainte d’éventuelles représailles. Le soleil était très haut dans le ciel sans nuage, il faisait encore et encore cette sempiternelle chaleur sèche et mortelle. Ils se réunirent sous une tente, et discutèrent pendant longtemps. Nous autres, femmes et enfants, fûmes dirigés au loin de sorte à ne pas représenter une monnaie d’échange en cas d’attaque. Mais rien de tel ne se produisit. La nuit commençait à naître et le vent glacé à se lever quand les chefs de la tribu déclarèrent « Faites le grand feu, la horde passera la nuit avec nous ».

Il y eut des festivités, mais je sentis qu’elles étaient comme « obligées », chacun faisant l’effort de communiquer avec la tribu d’en face. Ils étaient tous fortement armés, protégés par tenues de plaques raccordées entre elles. Certaines combinaisons portaient les stigmates de combats, des impacts de balles et même des signes évidents de soudure. Balafrés, peau brûlée, c’étaient tout sauf des visages d’humains pacifiques et sereins. La plupart d’entres eux restèrent silencieux et ne burent que de l’eau. Les rares à boire de l’alcool se contentèrent que de maigres rations, comme s’ils se préparaient à quelque chose nécessitant d’être sobre. Ils tirèrent de leurs engins des caisses de conserves qu’ils échangèrent contre l’eau de l’oasis, donnèrent aux enfants des biscuits secs et quelques bonbons pourtant aussi rares et précieux que de l’or, et invitèrent les adultes à se nourrir à la même table. Nous étions une tribu pacifique, avec pour seules armes celles nécessaires à la chasse. Eux, je le sentis, étaient tendus et sur le pied de guerre. Au milieu du grand désert, il n’y avait plus, et ce depuis la grande bataille, aucune information diffusée par quelque média que ce soit. La radio, la télévision, tout ceci s’était perdu et nul n’en transportait plus avec lui. Nous ignorions donc ce qu’il pouvait se passer ailleurs.

La nuit était bien avancée quand un grand vacarme se fit entendre. Au loin, des moteurs vrombissaient, et l’on se doutait bien, à la réaction de la horde, qu’il n’y avait rien de bon dans ce son sinistre. Ils se levèrent, nous remercièrent poliment, ils serrèrent la main à tous et, sans un mot, ils retournèrent à leurs machines. Je vis le regard bleu délavé du chef, ses joues lardées de cicatrices, et sa brosse poivre et sel malgré son jeune âge. Il me frotta le crâne du plat de la main, sourit et adoucit ses yeux en me regardant, puis il grimpa sur son véhicule. Sans un mot, il leva la main droite, fit quelques mouvements de doigts, et la horde s’élança à toute vitesse à travers les dunes.

Je courrai. Dune après dune, je remontai la piste pour avoir de la hauteur et les voir dans le creux du désert. Au loin, les feux des engins éclairaient le relief, la colonne de poussière semblant être un nuage de lucioles. En face, une autre colonne fonçait sur eux, tout aussi déterminée. Puis ce fut la bataille, indescriptible, effrayante. Des explosions signaient la fin de nombreuses vies, des panaches de fumées marquaient des tombes éphémères pour des combattants inconnus. J’ignorais qui était leur ennemi, j’ignorais même pourquoi ils se battirent cette nuit là, mais, des années plus tard, alors que j’étais déjà devenu un homme, on me conta ma bataille, celle de la horde contre des pirates du désert. Les pirates, une bande de hors la loi, de pillards, de tueurs sans morale, arpentant le désert en quête de proies telles que notre campement. On dit que les pirates furent anéantis, et que nombre d’autres groupes furent ainsi éliminés, ceci permettant au commerce des caravanes de reprendre.

Dans ce monde dévasté par la grande guerre, dans ce désert né des bombes et de l’anéantissement de la vie, la horde représentait la légende, la survie, celle d’un petit groupe de gens convaincus que les faibles avaient une place dans le système. Etaient-ils payés ? Etaient-ils des soldats d’un gouvernement ayant survécu au désastre ? Ils n’étaient qu’une poignée de volontaires, d’hommes et de femmes ayant choisi leur camp, celui d’une justice terrestre, expéditive et droite. On ne sut jamais si la horde fut battue ou démantelée, mais tous furent des héros…

11 novembre 2009

Ireland... Kilkelly

Kilkelly, Ireland, eighteen-and-sixty
My dear and loving son John
Our good friend the schoolmaster Pat McNamara
Is so good as to write these words down
Your brothers have all gone to find work in England
The house is empty and sad
The crop of potatoes is sorely infected
A third to a half of them bad
Your sister Bridget and Patrick O'Donnell
Are going to be married in June
Your mother says not to work on the railroad
And be sure to come on home soon

Kilkelly, Ireland, eighteen-and-seventy
My dear and loving son John
Hello to your missus and to your four children
May they grow healthy and strong
Michael has got in a wee bit of trouble
I think he never will learn
Because of the dampness there's no turf to speak of
And now we have nothing to burn
Bridget is happy you named the child for her
Although she has six of her own
You say you found work but you don't say what kind
Or when you'll be coming home

Kilkelly, Ireland, eighteen-and-eighty
Dear John and Michael, my sons
I'm sorry to give you this very bad news
Your dear old mother has gone
We buried her down at the church in Kilkelly
Your brothers and Bridget were there
You don't have to worry, she died very quickly
Remember her in your prayers
But it's good to hear that Michael's returning
With money he's sure to buy land
The crop is still poor and the people are selling
Any price that they can

Kilkelly, Ireland, eighteen-and-ninety
My dear and loving son John
I suppose I must be close on to eighty
It's thirty years since you've gone
But because of all of the money you send me
I'm still living out on my own
Michael has built himself a fine house
And Bridget's daughters are grown
Thank you for sending your family picture
They are lovely young women and men
And you say you might even get home for a visit
What joy to see you again

Kilkelly, Ireland, eighteen-and-ninety-two
Dear brother John
I'm sorry I didn't write sooner to tell you
The Father passed on
He was living with Bridget, she says he was happy
And cheerful down to the end
You should have seen him play with the grandchildren
Of Pat McNamara our friend
We buried him alongside of Mother
Down at the Kilkelly churchyard
He was a strong and a feisty old man
Considering his life was so hard
And it's funny, but he kept on talking about you
He called for you at the end
Oh John, why don't you come home for a visit
We would all love to see you again

We would all love to see you again

10 novembre 2009

Merci

Un seul mot, simple, élémentaire même, de ces mots qu’on utilise sans trop y penser. Pourtant, ce mot semble trop rarement prononcé avec une véritable pensée. A croire que nous sommes trop chiches de nos pensées pour aller au bout de la démarche. A bien y regarder, je dirais même que « merci » n’est utilisé que par convention, un peu comme si remercier sincèrement n’avait aucune valeur.

Je ne dis que rarement merci car je ne demande que très peu de l’aide aux autres. Autonome, têtu et orgueilleux, si je dis ce mot c’est lorsque j’estime qu’il est mérité par la personne en face de moi. Acte tant de politesse que de respect, je remercie alors avec honnêteté celui ou celle à qui je m’adresse. Pourtant, il y a plein de gens que j’ai envie de remercier, tant des anonymes que des personnages qui sont passés à la postérité. A eux tous, je dis alors « merci » parce qu’ils méritent qu’on pense à eux. Et dire que sans ces âmes, ces forces de caractère, nous ne serions que peu de chose, d’insignifiants égocentriques se moquant de notre prochain. Grâce à ces cœurs que j’espère purs, nous progressons, nous avançons, et ce même si ce n’est que d’un petit pas.

A ces gens qui luttent contre la mort au quotidien, qui s’épuisent pour notre santé, qui prennent des décisions lourdes de conséquences mais souvent salutaires, je dis merci. Ces infirmières qui hantent les couloirs des hôpitaux la nuit, ces médecins qui, dans l’urgence, rafistolent les blessés, à vous tous je dis merci. Vous êtes pour beaucoup le dernier recours, cette main qui serre celle de celui qui se sait condamné, mais qui vit ses derniers instants sans peur. Les gens observent sans voir, ils parlent sans connaître, et se supposent clients dans les services hospitaliers. Qu’ils prennent en charge tout ce que la société a de plus effrayant : maladies fatales, violences diverses et variées, handicap, gériatrie, tout ce que nous ne savons plus gérer nous-même se retrouve tôt ou tard entre leurs mains. Et on ose leur reprocher d’être froids et insensibles ? Sans détachement, il est impossible de pratiquer des soins nécessaires et pourtant douloureux. Je doute que le médecin pratiquant une amputation le fasse de gaieté de cœur, pas plus qu’il soit simple de prendre soin d’un nourrisson ayant été maltraité. S’attacher, c’est déjà trop se donner, au point d’en perdre son âme. Alors, merci pour cette lutte aussi vaine que sublime contre le destin et la mort qui nous attend tous.

A vous autres soldats du feu, policiers, bidasses en uniforme, je vous remercie. Quelque soit la réputation qui s’accroche à vos tenues, quelques soient les décisions prises par les gouvernements, vous assurez un service difficile, peu reluisant, et qui plus est dangereux. Les gens vous reprochent votre autorité, ils vous assènent des « vérités », et se comportent comme des imbéciles… qui vous appellent ensuite à l’aide en cas de situation de crise. A ces mal aimés de la république, à ces hommes et ces femmes agissant au quotidien pour notre sécurité, je vous dis aussi un grand merci. On me reprochera de le faire, d’autant plus vu le ton que j’ai concernant les débordements et les risques de dictature inhérents à la gestion du droit commun. Nous sommes malheureusement trop obnubilés par notre désir d’indépendance totale pour comprendre que vivre en société, c’est vivre avec des règles. Anarchie ? J’aurais aimé y croire, mais l’homme, encore et toujours lui, sera à jamais le frein à une telle autogestion. J’ai cessé de rêver le jour où j’ai constaté que même les plus grands libertaires de mon entourage se tournaient vers l’autoritarisme et l’extrémisme à la moindre remise en cause de leurs acquis personnels. De ce fait, merci à vous d’exister.

Merci à ces anonymes qui luttent au quotidien pour des causes parfois perdues. Depuis ces petites mains qui aident les sans abris à avoir un peu de réconfort, jusqu’aux sœurs dans les favelas, merci à tous. Vous êtes des phares d’humanité, vous ne réclamez rien, mais vous donnez tout. Donner son cœur est autrement plus difficile que de donner son argent, et vous prouvez, jour après jour, que l’espoir peut naître dans les pires endroits du monde. Vous êtes comme ces résistants qui vivent et meurent pour des idées, comme ces gens courageux qui bravent les interdits des dictatures pour faire entendre la voix de la liberté. Tous, vous êtes unis derrière le même drapeau, celui de l’humanité. Merci de montrer à quel point le monde peut être meilleur quand nous nous en donnons les moyens. Votre combat, même s’il semble vain, ne le sera jamais. J’aime énormément une phrase : « Celui qui sauve une seule âme est comme celui qui a sauvé le monde entier ». Cette phrase est tirée du Talmud Juif, mais j’aimerais tant qu’elle soit une devise pour le monde entier…

Et merci à vous, Monsieur Gorbatchev. Bien que je sois convaincu que votre rôle dans la fin de l’URSS, et du communisme en Europe en général fut souvent exagéré, je reste persuadé que votre désir de détente et de paix eut un impact majeur sur le monde. Vos traits tirés pendant la commémoration à Berlin, ce regard empli d’un mélange de tristesse et de fierté n’était pas feint. Vous représentez la dernière pierre, le dernier symbole d’un système mort et enterré. Vous avez agi pour que l’armée n’aille pas tirer sur la foule, vous avez accepté les conséquences de la dislocation de l’URSS, et même prôné celle-ci pour éviter des guerres civiles. Rien que pour cela, Monsieur Gorbatchev, merci à vous. Je regrette amèrement que Monsieur Kohl, ancien chancelier de la RFA, n’ait pas participé aux cérémonies. J’aurais préféré que ce soit lui qui pousse le domino Berlinois, en lieu et place de Monsieur Walesa. Mais c’est une autre histoire…

09 novembre 2009

Soir du 9 Novembre

Bonne écoute!


Soir du 9 Novembre

Bonne écoute!

Souviens toi, souviens toi.

Je reprends le commentaire de « V », héros révolté et révolutionnaire du film « V pour Vendetta » que j’ai déjà chroniqué. C’est un des plus grands films sur le courage, l’oppression et la révolte. Bien qu’il y ait eu toute une population incrédule qui a traité le film comme un sous produit de la culture DC Comics, je l’estime comme étant très représentatif d’une mémoire éludée et tronquée. Les gens n’aiment pas qu’on leur montre qu’ils sont dociles et avilis, ils n’aiment pas qu’on leur jette en pleine figure leurs tares et leurs lâchetés quotidiennes. J’aime ce film pour ce poing dans la gueule… Mais j’y pense, aujourd’hui, c’est jour de mémoire, jour de repentance pour les européens ! On fête les vingt ans de la chute du mur, et nombre d’états se font fort d’en parler, voire même d’organiser des cérémonies ! Et songer à la minute de silence pour toutes les victimes de la guerre froide ? Quelqu’un va y penser ?

Souviens toi, peuple sans mémoire, adolescence sans orientation morale, souviens toi qu’il n’y a pas si longtemps tu te devais d’être silencieux et soumis, obéissant à un dogme politique sans fondement. Jeunesse, demande à tes ancêtres ce qu’ils furent, ce qu’ils firent en leur temps. Les jeunes n’ont pas le droit à la parole dans la plupart des pays du monde parce que c’est la parole de la candeur, celle qui demande sans hésitation « pourquoi ». Le pourquoi, c’est la seule chose qui puisse mettre mal à l’aise n’importe qui, c’est ce qui pèse le plus lourd dans les actes. Le où et le quand ne sont que jalons, seul le pourquoi est essentiel. Si l’on explique, on peut comprendre, si l’on justifie, c’est déjà un peu assumer ses actes. Or, combien assument réellement ? Combien font la démarche de se regarder en face ?

Les miroirs ne jugent pas, ils reflètent sans pitié ce qu’on leur présente. Les yeux de nos enfants sont notre miroir personnel, impossible à camoufler ou à déformer. Ils aiment, ils détestent, avec cette désarmante honnêteté qui peut terrifier même les pires des bourreaux. Il y a de l’inhumanité dans le regard d’un gosse, parce qu’il n’a pas encore eu le temps de pourrir son cœur au contact de l’être humain. Il y a de la froideur dans les pupilles de notre descendance, parce qu’elles n’ont pas encore eu le temps de se réchauffer au foyer doux et malsain de notre conscience. Ne soyons pas lâches, assumons, regardons en face notre monstrueuse humanité, celle qui tue, avilit, bafoue sa propre morale. Nous nous asseyons en premier lieu sur nos propres règles, parce qu’elles ne sont valides que pour soi. Homicide volontaire, guerre, torture, mort, barbarie, nous avons dû créer des mots pour décrire nos maux et nos horreurs. Quand une chose devient ordinaire, on la nomme… et nous osons nous nommer « humains ». Quelle banalité dans notre mensonge et notre force d’auto persuasion.

Souviens toi, oui, souviens toi de ces pays aujourd’hui oubliés, ou de ceux fraîchement bâtis avec le sang des civils. Souviens toi des prétextes religieux, politiques ou historiques, souviens toi de cette insulte faite aux morts quand on tire à travers les terres des lignes artificielles nommées frontières. Vois comment l’on défigure une capitale en y tirant au cordeau une barrière bien réelle pour une différence artificielle. N’oublie jamais le calvaire de tout un monde qui a eu pour seule raison d’exister celle d’affronter un ennemi aussi temporel que ridicule. Nous justifions l’édification de miradors, la pose de mines, la construction d’armes et de missiles par la peur de l’adversaire. La peur, c’est elle qui efface la mémoire, celle elle qui démolit la conscience individuelle au profit de l’inconscience collective. Au quotidien, nous craignons, tremblons et fuyons car on nous vend la peur : peur de l’étranger, peur de la différence, peur de la violence urbaine, peur du terrorisme. Avoir peur, c’est déjà oublier qui nous sommes pour devenir des animaux dociles et lâches.

N’oublie pas qui tu es. N’oublie jamais qui furent tes ancêtres. N’aie pas honte de leurs actes, assume les avec prestance sans pour autant les revendiquer. Toi, l’Allemand, l’adolescent, tu n’es pas né avec la croix gammée dans le cœur. Toi, l’Africain, tu n’es pas né avec des fers et des armes dans l’âme. Toi, le Coréen, tu n’es pas né soumis à l’étoile rouge. Toi, le Russe, tu n’es pas un Staliniste par ta naissance. Toi, l’Américain, tu n’es pas impérialiste par tes gènes. « Remember, remember » dit V en songeant à la révolte, en songeant à la sanction de celui qui s’est révolté et qu’on oublie. Ne cautionnons pas par l’oubli, n’admettons pas l’inadmissible de la perte de mémoire. Les Allemands vont se souvenir aujourd’hui, ils vont faire la veillée de la renaissance d’un état unique, d’une capitale réunifiée. Nous, il est de notre devoir de se souvenir de notre passé commun, et pas uniquement celui de notre nation, mais celui de l’humanité. Oublier, c’est offrir aux bourreaux le repos. Oublier, c’est donner la chance aux dictateurs de prendre pied dans nos nations. Oublier, C’est enfin accepter que le passé n’ait pas servi de leçon. Est-il possible d’oublier ? Nous avons pour habitude d’inhumer sous le marbre nos morts. Nous gravons sur la pierre des noms, des dates, et même des explications. Alors, pour ceux qui ont la mémoire courte, regardez les vains monuments aux morts, les inutiles stèles qu’on fleurit, parfois, parce qu’on se doit de le faire.

Le 11, on fleurira la pierre des mausolées à la « gloire » des morts de 14-18. Ils ne sont pas différents de ceux tombés avant, après, en ce moment, à tout jamais. Ils sont notre mémoire, notre honte collective, celle de devoir en venir au sacrifice de la vie pour que la Vie, justement, puisse continuer.

Souviens toi, souviens toi…