11 mars 2008

Actualité « débile »

Les vieux démons rattrapent le monde moderne comme les puces rattrapent l’homme dès qu’il perd pied dans sa société aseptisée. Chaque jour les médias concentrent toutes ces informations souvent idiotes, parfois totalement débiles, rarement émouvantes mais systématiquement liées à l’ubuesque que l’Homme s’entête à créer à longueur de journée. Hélas, si cela restait de l’ordre de l’humoristique bien nous en prendrait, mais généralement le ridicule est associé au rétrograde voire au dangereux.

Ce qui me pousse à réagir aujourd’hui c’est un article classé dans « insolite » et non dans « actualité » concernant un problème invraisemblable : un ancien cinéma a été reconverti en boutique du Ku Klux Klan et son propriétaire légitime est… noir. Dans le genre paradoxal cela ne passe pas inaperçu ma foi. Comique ? D’un certain point de vue l’affaire ne manque pas de sel si cela ne se passait pas dans un état du sud des Etats-Unis où la ségrégation raciale est encore très forte. Comment apaiser les tensions ethniques quand on autorise de tels commerces ? Bien évidemment l’échoppe se contente de vendre tenues et livres historiques sur l’association (que je qualifie pour ma part de secte raciste) et donc évite l’écueil d’être soumis aux lois fédérales. Evidemment, les T-shirts et autres badges aux slogans plus que limites restent accessibles sans que qui que ce soit ne puisse agir. Le lecteur attentif demandera alors « Qu’il vire la boutique s’il n’en veut plus chez lui ! ». Si seulement la chose était possible : la propriété a été transférée en 1997 au révérend Kennedy et à l'église baptiste qu'il dirige, mais ces textes précisent que le propriétaire du magasin, John Howard est autorisé à poursuivre ses activités commerciales jusqu'à sa mort. Par conséquent, il sera nécessaire de faire appel à un tribunal pour obtenir une décision de justice en ce sens.

Perçue de loin l’affaire est donc comique avec un révérend noir « logeant » un commerce ségrégationniste, cependant élargissons un peu le débat : si un tel commerce est toléré et autorisé, c’est que techniquement celui-ci fait du chiffre, donc qu’il vend, et par conséquent qu’il y a des adeptes du KKK en suffisamment grand nombre pour lui permettre de fonctionner. En ces temps où l’on pourrait vanter la relative intégration des minorités aux USA avec un candidat noir aux élections, il est donc foncièrement difficile de croire à cette si fulgurante réussite sociale des noirs là-bas. Le sud véhicule énormément de nostalgie dans la signalétique (drapeaux des confédérés), la musique (émissions contenant des chansons parlant de la guerre de sécession) et donc d’une espèce de contre-culture où l’état fédéral passe pour être trop souple avec les étrangers, tout comme trop curieux de ce que font les résidants « de souche » de ces états. C’est également dans ces états qu’on constate la plus forte concentration de milices privées, de partis politiques d’extrême droite et de sectes de la mouvance directe ou indirecte du KKK. Raisonnablement il y a de quoi douter sur la stabilité d’une union dirigée (hypothétiquement) par un noir ayant autorité sur des régions où la couleur de peau est considérée comme une tare.

Elargissons encore un peu l’observatoire sur ce sujet qui, au départ semblait amusant : les USA s’emploient à maintenir une union basée sur la mixité des pouvoirs, c'est-à-dire un pouvoir fort venant directement des états, et un gouvernement centralisé permettant de chapoter le tout avec fermeté. Ce n’est pas pour rien que des lois sont très variablement appliquées d’un état à l’autre : certains appliquent la peine de mort, d’autres l’ont abolie, le jeu est autorisé dans le Nevada alors qu’il ne l’est pas forcément ailleurs, et ainsi de suite. Conséquence directe : être juriste est une bénédiction financière tant chaque région a besoin de juristes spécialisés dans le droit local, et être dans la situation de passer devant un tribunal peut rendre le résultat final plus que variable d’un coin à l’autre des USA.
N’oublions pas non plus quelques phénomènes tout aussi préoccupants que le KKK : l’armée, à court de volontaires, s’est employée à « embaucher » des soldats parmi les prisonniers dans les pénitenciers. Un échange simple : un tour au Vietnam contre une réduction de peine. Aujourd’hui le principe demeure avec l’Irak, et bizarrement la grande majorité des détenus sollicités sont noirs ou hispaniques. Pourquoi ? Parce que les prisons sont majoritairement peuplées de noirs et d’hispaniques ou bien parce que les autorités parquent ces mêmes communautés dans les si tristement célèbres ghettos. La morale à l’américaine m’aurait déjà sanctionnée parce que je ne dis pas « afro américain ». Désolé, ce genre de détournement pour se donner bonne conscience je n’en ai cure que pour m’en moquer : je suis né blanc, je n’y suis pour rien, il est né noir, je n’y peux rien non plus !

Au demeurant l’actualité qui aurait pu avoir quelque chose de comique est finalement plutôt sordide et inquiétante : on autorise donc de faire commerce du racisme, on permet alors une propagande tournant autour… et l’on espère la paix universelle. Chapeau bas les guignols, balayez chez vous avant de balayer chez vos voisins !

La news en question sur Yahoo

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Et pour la célèbre marque de cigarettes, au paquet rouge et blanc sur lesquels figurent les trois K, on interdit la vente aussi? Question d'aller jusqu'au bout des choses?