26 septembre 2007

Pandémie

Ce terme a pour but de définir qu’une maladie réussit à conquérir tout un continent lors d’une épidémie. Typiquement on peut dire que le SIDA est une pandémie à l’échelle mondiale, et que la peste fut pandémique au moyen-âge. Là où je reprends ce terme médical c’est sur des aspects différents, comme la pensée ou la culture. Il est en effet intéressant de constater non sans inquiétude que bien des choses se trouvent multipliées et distribuées à chacun d’entre nous sans que pour autant nous soyons en contact direct avec le sujet considéré.

Observons tout d’abord des phénomènes sociaux classiques comme les peurs et les craintes de l’étranger ou plus spécifiquement la peur des banlieues. Depuis la fin du conflit mondial toutes les nations industrialisées se sont trouvées face au problème du logement à bas prix, et surtout face à une nécessité absolue de loger des ouvriers à qualification basse. Entre les centres villes maudits des USA, avec Détroit comme exemple pour placer à proximité des usines automobiles les familles des employés, et la France avec les barres d’immeubles dédiées aux immigrés travaillant dans les industries implantées non loin de là, on a là les clichés classiques de zones urbanisées à la hâte et sans plan d’avenir. Après des décennies d’inaction et la disparition progressive des emplois premiers ayant suscités ces besoins, les médias se sont emparés de ces gens déçus par leur pays d’adoption puisque relégués au rang de « France d’en bas » ou « citoyen de seconde zone ». Qui n’a pas vu les émeutes dans les cités ? Qui n’est pas tombé d’effroi face aux images rudes et brutales montrant la situation américaine ? En quoi devrions-nous craindre ces réalités puisqu’elles sont le fruit pourri d’une politique dénuée d’intelligence ? Est-ce d’ailleurs aux concitoyens de trembler ou aux politiques de frémir ?
Plus l’on martèle que ces endroits sont dangereux, plus l’émulation grandit dans ces endroits et plus ceux n’y connaissant rien en ont peur. La pandémie commence alors sous la forme de l’association d’idées « Banlieues = zones de non droit ». Victimes d’une propagande interventionniste ? Pas vraiment même si la démagogie de certains élus a pu se focaliser sur des situations effectivement dramatiques mais bien loin des clichés dont on veut bien nous abreuver. Là où tout devient encore plus pervers c’est qu’on rattache ces crises à des populations immigrées, en passant bien évidemment sous silence que les émeutiers ne sont pas nécessairement basanés, et les policiers en face blancs comme du talc.

Dans l’esprit, la pandémie pose d’autres jalons étranges. J’aime à rappeler que bon nombre de terroristes n’ont jamais connu la rudesse de gouvernements ségrégationnistes ou intolérants, que la plupart ignorent tout des enjeux réels des situations dont ils se réclament, et que l’embrigadement est une arme redoutable, surtout quand elle est le fruit de frustrations somme toute légitimes. Lorsqu’on a commencé à prendre conscience (fin des années 80) que les attentats n’étaient pas forcément perpétrés par des « soldats » sortis du rang mais de locaux acquis aux causes revendiquées, on peut alors se poser les questions suivantes : « Qu’est-ce qui les as attirés ? » et surtout « Pourquoi sont-ils allés au bout ? ». La foi n’explique pas tout, bien qu’elle puisse être le vecteur de bien des messages sournois et dangereux. Le fondamentalisme n’est pas en soi un risque car il suppose que les croyants reviennent aux fondements, c'est-à-dire à ce qu’est vraiment leur religion, mais là où le bat blesse c’est qu’après une analyse précise des faits les fondamentalistes se laissent aller à vouloir pousser au-delà même des préceptes dictés il y a des siècles. Qu’on ne se méprenne pas sur les croyants : ils ont une fois inébranlable en leurs convictions et agiront de sorte à être dignes d’elles. Ceci amène donc à deux réflexions : d’une part la pandémie extrémiste est le fruit d’un monde où les gens se cherchent des repères à tout prix et d’autre part l’enfant illégitime d’une politique d’assimilation dénuée de respect. Inciter des peuples différents à croire en la même chose est un bienfait, mais l’y forcer est une erreur. Peut-on faire avaler à un jeune Algérien que Vercingétorix ou bien Napoléon sont ses ancêtres ? Non sens total.

Prenons à présent une information, quelque soit celle-ci et partons du postulat qu’elle s’affiche sous la forme d’une couleur au front des gens. Il serait stupéfiant de voir à quel point cette information est véhiculée rapidement, et à quel point elle peut se déformer en passant de la bouche de l’un à l’oreille de l’autre. Au global, ça serait comme voir un océan changer de couleur au rythme des apparitions et disparitions du soleil derrière les nuages. La pandémie idéologique est un syndrome édifiant : quand Le Pen a commencé à peser sur l’échiquier Français, il s’est avéré que son populisme a séduit bien des gens sur des thématiques qui les touchaient : emploi, immigration, administrations « pourries » et j’en passe. Il est d’autant plus notable que plus Le Pen devenait indésirable avec des discours sciemment provocateurs, plus sa cote montait en flèche. Dans l’esprit des gens je crois qu’il a représenté la diabolisation totale d’un parti et que cette situation a permis aux autres de se poser en sauveurs de la nation. Etrangement, ce sont les mêmes mécanismes qui ont touchés toutes les nations du monde avec un retour en force des nationalismes et des indépendantismes de tous poils. Mettons en parallèle l’indépendantisme Kanak et Le Pen : Leurs points culminants sont bizarrement placés dans les mêmes périodes, comme si les francophones avaient été contaminés par des idées analogues… à des milliers de kms les uns des autres… A méditer.

Bien sûr, on me dira que Le Pen est un phénomène Français et non continental… mais pour autant que je sache tous les pays d’Europe se sont faits peur avec des partis proches voire siamois du FN, non ? Le retour des idéologies fascisantes n’a rien eu d’étonnant au titre qu’elles renaissent à chaque fois qu’une crise sociale majeure (économie en déclin, chômage, immigration difficilement contrôlable…) se place sur le devant de la scène. J’estime d’ailleurs qu’il est amusant de voir que dès qu’une embellie si ténue soit-elle se présente, les gens abandonnent ces extrêmes pour revenir à des positions plus modérées. A votre avis, est-ce vraiment 2002 qui a servi de prise de conscience contre le FN, ou bien est-ce simplement que « C’était moins pire qu’on croyait » qui joue ? Je souris cruellement quand je songe à deux faits avérés : le danger idéologique est inévitable car il brassera toujours des populations fragilisées par la guerre, la crise économique ou morale, et ce danger se fera tout petit dès qu’une défaite aura été cinglante pour les partis extrémistes ou quand la crise initiale se sera résorbée. Reste à savoir dans quelle mesure et par quelle manière on pourra rappeler aux gens que le civisme et le respect d’autrui sont indispensables pour que notre monde se porte mieux.

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