10 janvier 2011

Testostérone !

Je dois admettre que je suis quelqu’un de facile à amadouer quand il s’agit de cinéma. Non que je ne sois pas exigeant, mais simplement que je n’ai pas vraiment de mauvaise opinion des films trop facilement classés comme « pop-corn ». Dans l’absolu, j’estime qu’un film doit avant tout être un divertissement, et donc à ce titre me faire passer un bon moment, ceci même si le scénario tient sur un timbre poste. Typiquement, les films d’action, les comédies, ou tous les films qui ne demandent pas de réfléchir me conviennent fort bien. Toutefois, je crois qu’il est essentiel de ne pas trop en faire. Entre action pure et exagération stupide, il y a une marche que je me refuse très clairement de gravir. Dans ces conditions, je peux alors décortiquer l’archétype du film qui m’insupporte : le film farci à la testostérone.

Explication de texte : je n’aime pas qu’on tente d’agiter mes hormones masculines à coups de gros flingues, de répliques machistes, et de minettes sexy mais malheureusement décérébrées. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas forcément besoin de mettre une montagne de muscles en avant pour qu’un film soit agréable, et encore moins de réduire la femmes à l’état d’objet sexuel pour que le tout soit agréable. Je songe par exemple au dernier film en date que j’ai eu la mauvaise idée de regarder : The Expendables. La « chose » est une (je toussote) réalisation de Sylvester Stallone, et fédère une quantité d’acteurs réputés pour leurs rôles dans des films d’action : Stallone lui-même, Jason Statham, Jet Li, Dolph Lundgren, ainsi que Mickey Rourke. Le tout est même crédité de deux apparitions de poids avec Bruce Willis et monsieur ex-gouverneur, c'est-à-dire Arnold Schwarzenegger ! Joli casting pour tous les amateurs de cinéma d’action, de quoi en faire rêver plus d’un. Hélas, trois fois hélas, le film est pour moi une des pires erreurs dans la carrière de Sly, et il représente à mes yeux ce qu’on peut faire de pire dans le domaine du film à hormones.

Prenons les choses dans l’ordre : une équipe de mercenaires est recrutée pour exécuter un dictateur sur une petite île cliché qu’on appelle Vilena, mais qui aurait pu s’appeler Cuba. Deux des mercenaires s’y rendent, découvrent un pays corrompu par l’argent de la drogue, et l’un des protagonistes tombe « amoureux » d’une jolie jeune femme presque révolutionnaire (et pourtant fille du dictateur). Par « chevalerie », l’équipe complète va donc donner l’assaut à l’île, massacrer à la pelle les soldats, et déposer le dictateur soutenu par un ancien de la CIA (comme par hasard) qui s’est révélé être une ordure pourrie par l’argent des stupéfiants. Alors question clichés, allons y : île tropicale sous régime dictatorial, CIA pourrie jusqu’à l’os (puisque commanditaire initial du coup d’état), soldats de fortune finalement héroïques, relation amoureuse contrariée, et même évocation des souvenirs d’anciennes batailles… Et là, c’est même le pompon : des « vieux » de la profession qui philosophent sur l’âme perdue des mercenaires ! Quand c’est trop, c’est trop, et Sly a hélas pris le parti d’en mettre un peu trop. Désolant, alors qu’avec un tel casting, il y a de quoi faire.

Question action, c’est l’orgie : fusillades nerveuses, scènes de combat mettant en avant tant le physique que l’adresse des acteurs, explosions à la pelle, et même course poursuite en voiture, tout y est ! J’adore quand c’est mené tambour battant, quand on arrive à y « croire », mais j’ai été très largement dépité par l’agencement maladroit et incongru du tout. Je suis bon client, j’accepte les écarts de crédibilité, mais de là à tout avaler, désolé, je ne sais pas faire. Pire encore : à force de vouloir insister sur le sentimentalisme du personnage central, en le faisant revenir, et ce sans rémunération, sur l’île de Vilena, c’est aller au-delà du tolérable. Me faire croire qu’un type entraîné à tuer depuis des années irait risquer seul sa peau pour les beaux yeux d’une inconnue, cela me dépasse totalement. Il y avait mille manières d’agencer différemment le scénario : un collègue fait prisonnier, un chantage quelconque, une menace terroriste, que sais-je d’autre encore, mais là, non, juste pour les beaux yeux d’une brune latine ! C’en est insultant pour le spectateur.

Question rythme, seconde déception de taille. Stallone se montre moins alerte que dans John Rambo (dont j’ai déjà parlé avec plaisir), et l’on sent le poids des années sur ses jambes. Nombre de combats sont surnuméraires, et semblent avoir été montés pour allonger la sauce… Mais à force d’allonger, on finit par y perdre le goût. Sans rire, on pourrait ôter vingt bonnes minutes sans que cela nuise au rythme global du film, sans même que cela se remarque. Le remplissage nuit donc à l’ensemble. Pourtant, là encore il y a de quoi faire : un pays avec une jungle dense et inhospitalière, quoi de mieux pour mettre une pression visuelle et sonore ? Là où John Rambo était impérial (avec des scènes haletantes de chasse à l’homme à travers la jungle birmane) Expendables se révèle plat et sans saveur. C’est rythmé, mais ça n’émeut pas un seul instant.

Et question clichés, au secours ! Les brutes au grand cœur, le dictateur qui finit mal, la fille du dictateur qui veut libérer son pays, l’ex de la CIA en costume sombre, son acolyte qui torture, qui se bat comme un diable, et qui porte la tenue cliché du mercenaire… N’en jetez plus ! C’est l’overdose ! Pourquoi faut-il systématiquement en faire des caisses, alors que tous nous traînons un lourd passif de clichés cinématographiques ? A quoi bon nous abreuver de tripes et de haine, quand il suffirait de mettre tout cela en scène avec un brin de sobriété intelligente ? La vie des mercenaires peut être intéressante, hors du commun, à tel point que je suis surpris que personne ne se soit attelé à faire un film sur leur vie (si ce n’est un vieux film daté nommé justement « mercenaires », que je vous conseille par ailleurs).

Finalement, j’avais encensé John Rambo à plusieurs titres : bien réalisé (bien que un peu court), rythmé, bourré de vraies émotions vous prenant aux tripes, the Expendables a été, dans une large mesure, une grosse déception. Je ne m’attendais pas à autre chose que de l’action pure et dure, à un scénario réduit à trois fois rien, mais hélas Sly a malheureusement été trop loin dans l’expression de l’action à tout prix. J’espérais simplement qu’il ne pétrirait pas la pâte de ce film avec les ingrédients qui ont fait de lui un acteur connoté (avec nombre de films moulés à la louche et remplis d’hormone à en faire péter les analyses d’urine), et il a hélas pris le parti de flatter l’ego des bourrins et autres fanatiques de films d’action de quatre sous. Conclusion ? Vous aimez les explosions, les panpans qui tuent, les têtes qui se font arracher, les tripes et les bastons ? Foncez, vous serez ravis. Les autres ? Passez votre chemin, sous peine de prendre le tout sur le ton involontaire de la pantalonnade second degré. Un nanar ? Pas loin…. Hélas !

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