14 septembre 2010

Death note

Sur les conseils d’amis visiblement avisés, j’ai découvert une série de dessins animés Japonais (comme d’habitude) dont le thème est assez étrange et décalé. Parte du postulat suivant :

Si vous aviez un carnet permettant, rien qu’en y notant le nom et le prénom d’une personne, de la condamner à mort sans possibilité de sauvetage, que feriez-vous ?

Le carnet maudit a été volontairement abandonné sur terre par un démon (shinigami en Japonais), pour la seule et unique raison qu’il s’ennuie ! Et c’est un jeune homme très intelligent, manipulateur, et visiblement intéressé par les pouvoirs que fournissent ce carnet. Tout le scénario tourne donc autour de ce jeune homme dont l’ambition n’est rien moins que de devenir un Dieu sur terre, ceci en appliquant une justice expéditive à travers le dit carnet. Celui-ci est fort à propos nommé le « Death note » (le carnet de la mort). Entre enquête policière pour se saisir de ce tueur en série, analyse psychologique tant des personnages (enquêteurs, assassin, victimes) que de notre société, cette série a le mérite de poser énormément de questions profondes sur notre capacité à assumer des responsabilités qui nous dépassent.

Comment s’utilise le carnet ? Il faut connaître le visage, le nom et le prénom de la victime. En remplissant le carnet, soit l’on précise une façon de mourir, ce qui permet de manipuler les victimes avant leur inéluctable décès, soit l’on laisse le sort faire, auquel cas la sentence est exécutée quarante secondes après l’écriture, sous la forme d’une crise cardiaque. L’idée même de ce pouvoir peut tout à la fois être grisante que terrifiante. Que feriez-vous, personnellement, d’un tel carnet ? Il est bien entendu évident qu’une telle puissance n’est pas sans coût : celui qui a renseigné le cahier n’ira ni en enfer ni au paradis, et de plus, en cas de perte ou de destruction du carnet, son propriétaire périra.

Maintenant envisageons la question sereinement. Vais-je jouer les justiciers, en appliquant une sentence de mort à tous les « criminels » ? Vais-je être en mesure de porter un jugement non seulement équitable, mais efficace pour chacun des cas que j’inscrirai dans le carnet ? Le jeune homme se sert de la télévision, des médias pour cibler les criminels, ce qui amène peu à peu le public, et bien entendu, la police, à comprendre qu’il y a plus que des crises cardiaques derrière la mort de dizaines, de centaines, de milliers de criminels et de détenus. Nombre de nations ont aboli la peine de mort, ceci pour énormément de raisons dont il n’est pas sujet. Toujours est-il qu’en prenant possession du « death note », nous devenons alors le plus efficace des bourreaux, car rien ne peut interrompre la condamnation à mort. Une fois notée, la victime est désignée, sans espoir d’être sauvée. Va-t-on aller à l’encontre du système pénal en prenant les devants ? Ce n’est pas anodin, car il s’agit donc là de meurtres !

Allons plus loin : le « héros » de la série se voit comme un Dieu justicier, légitimant toutes ses actions à travers son pouvoir démesuré. Impitoyable, retors, manipulateur, tout est bon pour assouvir son ambition de refondre la société, pour en faire un monde idéal dénué de criminalité. Bien entendu, si cela se produisait, les exécutions « magiques » seraient médiatisées, et tout criminel serait alors terrifié de subir la sentence de mort, ceci réduisant donc mécaniquement la criminalité ! Alors, l’opinion publique soutiendrait-elle ce « Dieu », ou le craindrait-elle, de peur qu’il choisisse de devenir de plus en plus radical ? Aujourd’hui les criminels, demain les gouvernements ? Où sont les frontières d’un tel pouvoir ? Et nous, où stopperions-nous notre ambition ? Il est bien entendu grisant d’avoir une telle capacité à tuer sans même être à côté. Les implications sont infinies : élimination des mouvements terroristes, disparition définitive des fugitifs dangereux, destruction de gouvernements criminels… Mais à quel prix ?

La série pose donc la question initiale non sans ironie, car, finalement, nous sommes à mon avis incapables de prodiguer individuellement une justice équitable et juste. Nous devenons tous des bourreaux impitoyables, et, tôt ou tard, par instinct de préservation, nous pourrions être amenés à tuer des innocents de sorte à ne pas être découverts. Songez enfin qu’il n’y a pas de retour en arrière, si ce n’est l’oubli absolu de la note et des exécutions, si l’on renonce à la possession de la Death Note. Seulement… cela ne rétablit en rien votre droit au paradis ou à l’enfer…

Et enfin, il y a un contrat complémentaire à faire avec le Shinigami : au lieu de devoir connaître le nom de votre victime, vous pouvez obtenir des yeux de démon, qui permettent de « voir » le nom et le temps de vie de restant de tout être humain. La contrepartie ? La moitié de votre espérance de vie. Sacrifier la moitié de son temps restant pour décupler son pouvoir ? Question difficile, car, après tout, celui qui « voit » le temps restant des autres ne peut pas le voir pour lui-même.
Le shinigami, finalement, est le seul gagnant de cette histoire: toute victime mourrant avant son heure, voit la différence de temps perdue accordée au démon. Ainsi, il est virtuellement immortel. Et puis, dès le départ, n'est-il pas simplement descendu sur terre par ennui?

Quel pari feriez-vous ? Accepter le carnet maudit ? S’en servir ? Et prendre les yeux du démon pour être plus efficace ?
Death Note, sur animeka.com

Aucun commentaire: