15 septembre 2010

Provocations

Si je n’ai pas réagi pour le neuvième « anniversaire » du 11 Septembre, c’est avant tout parce que j’estime avoir déjà abordé la question de manière somme toute assez complète pour moi, mais également parce que j’ai attendu la suite des évènements concernant l’affaire des corans brûlés. Refusant l’amalgame et l’analyse simpliste, je me suis donc dit : laissons le temps faire son travail, et observons si l’autre illuminé en mal de médiatisation va, ou non, pousser sa provocation jusqu’à l’acte. Or, il n’en a rien été, et ce à mon grand soulagement. J’entends déjà les esprits chagrins et provocateurs me tancer en affirmant que je dis cela de crainte de représailles d’islamiques. Pour votre information, il n’en est rien. Je suis soulagé pour la simple et excellente raison que l’autodafé n’a jamais été une bonne solution, pas plus que l’oubli ou la suppression de l’information. Brûler des corans, c’est une idée autant sacrilège, puisque l’Islam est une religion, et le coran son livre sacré, mais en plus une bêtise innommable, car cela amalgame des millions de pratiquants raisonnables et ordinaires avec les extrémistes les plus sordides. De ce fait, je soupire de soulagement, cela n’aura été qu’une menace débile de plus pour mettre de l’huile sur le feu.

Cette thématique m’amène à la pensée du jour sur la provocation : cette nuit, Paris a été victime de deux fausses alertes à la bombe, l’une dans la gare de Saint Michel, et l’autre à la tour Eiffel. La première alerte, non contente de provoquer la peur, rappelle de véritables attentats perpétrés dans cette même gare, le 25 juillet 1995 contre une rame du RER B. Si ce n’est pas jouer sur le souvenir de la terreur engendrée par ce monstrueux souvenir, je ne sais pas ce que c’est. N’oublions pas qu’au surplus nous vivons sous vigipirate depuis les attentats de cette époque, et qu’à aujourd’hui le dispositif est toujours en place. A mes yeux, vu que les deux alertes se sont révélées fausses, je ne vois que deux raisons potentielles : la première, celle détestable du canular, la seconde, pire encore, celle de la provocation contre l’état Français. Je hais l’idée même du canular, au titre qu’elle peut nous amener à la situation de celui qui crie au loup : plus l’on a d’imbéciles qui crient vainement au loup, plus il y a de chance que le jour où le loup se présentera, plus personne n’y croira. Je considère donc cela comme irresponsable et dangereux. Pour ce qui est de la provocation brute, alors là je suis déjà plus inquiet : combien de temps ces alertes resteront des provocations, avant de devenir des véritables attentats ?

Revenons à notre illuminé Américain. Dans un contexte difficile de retrait des troupes d’Irak, et du maintien de forces en Afghanistan, les USA vivent une période de doute profond concernant leur propre façon d’envisager le monde. Il y a un projet d’installation d’une salle pour permettre aux musulmans de pratiquer leur culte… à quelques pas de Ground Zero. Nombre d’Américains classent cela comme une provocation, et le pasteur a proféré ses menaces d’autodafé pour profiter de ce problème. Si je me mets à la place des employés, des familles des victimes du 11 Septembre, ou encore des habitants à proximité du site du drame, difficile d’accepter sereinement une communauté qui pratique le culte d’une religion qui, justement, a servi de prétexte aux deux attentats suicide. C’est en quelque sorte, pour eux, tolérer le loup dans la bergerie, ou plus exactement de tenter de leur faire accepter que tout l’Islam n’est pas un danger. J’aimerais que ce soit la tolérance qui prime, mais l’honnêteté veut qu’on ne saurait facilement oublier une telle blessure, d’autant plus que New York porte encore les stigmates bien visibles de ce double attentat. Provocation ? Le candide peut éventuellement avoir envisagé la chose comme un geste d’apaisement. Espérons que cela ne sera pas pris comme la provocation de trop.

L’art de provoquer les états, la police, ou toute officine de sécurité publique, est de trouver un moyen efficace et marquant pour que la population se sente concernée. Menacer de faire sauter des bombes dans des quartiers très peuplés, parler de produits nocifs telles que les bombes sales (la secte Aoum, en 1995, a validé l’existence de cette menace à travers des attentats au gaz sarin dans le métro de Tokyo), tout ceci ne peut qu’amener à une paranoïa ambiante, et malheureusement légitimer une politique plus stricte, voire despotique de la part des états. Quand le peuple se sent menacé, il est bien moins réticent à la présence policière, à l’usage de méthodes douteuses pour les enquêtes, et n’arbore plus la même certitude sereine contre le fait de bafouer le droit individuel. Tout me monde sait bien que le réseau est aujourd’hui un vecteur monstrueux d’informations, mais aussi de propagande. De ce fait, les lois de filtrage, de contrôle et de censure n’ont pas pour but que de rassurer et « préserver » l’industrie du disque ou du cinéma. Ces lois sont également de nouveaux outils dans la recherche, l’enquête, et donc potentiellement la censure des opinions non conformes, et donc, à terme, des facilités dans la censure des opposants au régime en place.

Je me demande quelles seront les prochaines provocations. On peut s’attendre à une recrudescence de problèmes, ne serait-ce qu’au quotidien. Avec la crise amorcée entre l’Europe et la France sur la reconduite des Roms en Roumanie, on peut donc envisager énormément de choses. Des actions plus musclées, comme la dégradation de lieux symboliques telles que les préfectures ? L’allumage de crises communautaires, prenant la forme d’émeutes ethniques, comme il s’en est produit aux USA ? Je n’ai pas d’élément pouvant valider cette vision, mais je crains qu’un engrenage de violence gratuite puisse se lancer, mécanique dangereuse pouvant offrir un terreau fertile à l’extrême droite aux visées sécuritaires et nationalistes, tout comme au pouvoir en place, ceci pour leur donner une légitimité dans le discours du « On vous avait dit qu’il fallait les virer ». J’espère simplement que je suis trop pessimiste, et que rien ne se produira de cette manière.
Résumé de l'attentat du RER B, sur Wikipedia
l'attentat au gaz sarin à Tokyo, sur Wikipedia

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