24 juillet 2007

Sauve qui peut !

C’est stupéfiant comme les situations de crise peuvent mener à tout un tas de choses différentes allant depuis la couardise la plus immonde jusqu’à l’héroïsme digne d’éloges. Dans l’entre deux, il y a nécessairement toute une variété de gens qui, sous couvert de ne pas trop savoir quoi faire et qui, plus honnêtement, sont plus préoccupés par leur sort que par celui des autres. Sommes-nous des héros, des lâches ou un peu des deux ? Moralement la question est digne d’intérêt tant l’on pourrait analyser sans fin chaque être humain sous la loupe froide de l’analyste que je suis.

Quid de vivisection, commençons calmement par le champion des sauveurs, la cape au vent et le regard acéré, j’ai nommé Norbert. Bon, Norbert ne porte pas de cape, ne met pas son caleçon au-dessus de ses collants et surtout nous épargne la métamorphose de la cabine téléphonique. Pour tout dire, Norbert est assez rond, fume pas mal et porte des lunettes de vue qui lui servent vraiment. Encore un qui a le profil type du célibataire échoué sur la plage de la solitude et qui se contente sûrement de repas au micro onde. Bref, Norbert aperçoit une gamine tombée au milieu de la route, le feu passe au vert. N’écoutant que son courage, le regard vif, la volonté d’acier, il se détend, prend appui et foncer littéralement à côté de la gosse pour la sauver…

Après trois mois d’hôpital et deux broches en acier dans le genou Norbert peut enfin sortir du bâtiment glacé sur ses jambes avec l’aide d’une béquille. Et oui, notre héros est pantelant, mais fier de ses actes, enfin si l’on ose qualifier se prendre un pare choc de plein fouet alors que la dite sale gosse s’était déjà relevée et repartie sur le trottoir salvateur. Hélas n’est pas héros qui veut, et parfois il faut savoir juger une situation avant même de décider d’agir. L’air d’un con le Norbert, mais que l’air. Admirons son abnégation et sa volonté de bien faire, bien que le résultat soit déplorable. C’est ainsi, agir implique souvent prendre des risques… D’un autre côté, le héros est celui qui « revient du front sans baigner sans son sang ». Pas faux même si l’on a élevé quantité de stèles, mémoriaux et autres plaques de marbre pour célébrer ceux sans qui la liberté serait une simple idée et pas un fait quotidien. Je me suis souvent demandé si ces femmes et ces hommes ont vraiment choisis la mort plutôt que la défaite, ou alors si comme le tout à chacun ils se sont mis à trembler face aux fusils punisseurs de l’envahisseur honni. Gloire à celui ou celle qui nous rappellera qu’on est des Hommes et que notre essence même dépend de notre courage.

A contrario il existe tout de même une majorité silencieuse, la pernicieuse attentiste qui sous des dehors bien mis de gens trop vieux, trop jeunes, trop chargés de gosses, bref trop occupés ou impotents pour devenir héroïque se cache l’ordurier profiteur, trop couard pour lever le poing autrement que pour soulever une choppe. Il est plus facile de refaire le monde sur un zinc de comptoir qu’adossé au mur du peloton d’exécution, ce à quoi on vous répondra que vous n’êtes qu’un idéaliste, ce qui n’est pas foncièrement faux. ET après ? L’idéal n’a rien d’insultant, sauf s’il passe par laisser les autres mourir et s’en satisfaire voire en profiter grassement. Ne mélangeons pas le pétochard avec le pétainiste : le pétochard se cachotte alors que le pétainiste lui met au cachot, ce n’est pas du tout pareil. De fait, le couard survivra sur l’immondice alors que finalement le collabo périra à la libération. Un héros qui s’est trompé de camp, toute proportion gardée bien sûr.

Le héros ordinaire est plus chiant, limite prétentieux. Vous le connaissez tous, cet emmerdeur fier de son action dans une association quelconque pour sauver des gens qu’on connaît pas, le gargarisant merdeux se vantant d’avoir été au front, alors que de front il n’a connu que celui de sa cachette à l’état major, et pardessus tout celui qui va avoir sa minute de gloire après avoir tiré mémé des orties sans avoir omis de lui extorquer quelques billets en remerciement. Le héros ordinaire mérite les éloges quand il sait fermer sa gueule, pas quand il s’en targue à tout instant. J’aime la discrétion de celle qui, courageuse, sauve, soigne et adoucit derrières les portes closes d’un hôpital, alors que je hais, oui je conchie l’imbécile montrant à qui veut l’entendre qu’elle va aller fouler la terre d’Afrique pour sauver ces pauvres affamés. Un « ta gueule » dans le fusil pour ma part, voilà ce qui t’attend vantard de mes …

On a besoin de héros, de symboles finalement (me relire pour comprendre l’allusion), car lâches et faibles comme nous sommes nous avons besoins de quelqu’un de mieux pour nous prouver que nous pouvons, nous aussi, agir. C’est pour ça que le sport plait autant : il démontre que la volonté, la discipline et parfois même la témérité peuvent venir à bout de tous les obstacles. Seulement, allez expliquer ça à l’abruti qui méritera sa peine pour « non assistance à personne en danger ». DEGONFLE !

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