23 juillet 2007

Tentacules

Depuis des décennies on qualifie la mafia de « pieuvre », ceci par analogie avec ses tentacules se collant à tous les secteurs de l’économie et ce qu’elle soit légale ou non, allant jusqu’à envahir le monde politique. Tout état subit malheureusement ce genre de présence, et paradoxalement bon nombre d’entres eux s’en accommodent, comme si un système corrompu présenterait des garanties économiques que ne peuvent offrir des entreprises légales. Pourtant, ce qui caractérise plus la mafia c’est les capitaux colossaux que la violence dont elle fait preuve quand il s’agit de régler ses contentieux. On chiffre aujourd’hui en milliards de dollars les sommes qui transitent de manière plus ou moins illégales, le tout sous couvert d’un secret bancaire malsain.

J’imagine bien qu’on me dira qu’il y a une lutte permanente contre la corruption, contre le trafic de stupéfiants et que les états font en sorte de limiter ces activités, mais reculez un peu, ne voyez plus le patriarche Corleone ni le Al Capone du cinéma, voyez plutôt les méga entreprises qui émergent chaque jour un peu plus du néant. Bien des grands patrons s’offusqueront de ce constat, un Francis Bouygues m’aurait attaqué en justice sur le champ, mais en vérité, quelle différence entre une entreprise qui brasse des milliards dans tous les secteurs économiques et une autre qui brasse ces mêmes milliards via d’autres activités ? Finalement peu, voire aucune car l’une comme l’autre s’acoquinera avec le pouvoir, les gouvernements, les ministères, gangrenant profondément les marchés : corruption des marchés publics, passes droits divers, souplesse fiscale, détournements, truquage des comptes, ça semble tout de suite moins « différent » non ?

Les marchés classiques du crime organisé ne sont plus que des pis allers, des terrains de secours où l’argent continuera toujours à couler, mais le modernisme aidant, c’est à présent l’informatique qui génère plus d’argent via le piratage que l’industrie de la drogue ! Nous sommes tous ou presque dépendants de systèmes informatiques, et par conséquent il y a un marché colossal de la contrefaçon et de la copie illégale. Quoi de plus intéressant que de payer une version non officielle au dixième de son prix dans le commerce ? Ne nous leurrons pas, nous sommes autant victimes que consommateurs tant il est vrai qu’éviter la contrefaçon de produits manufacturés devient un vrai jeu de piste : faux sacs Vuitton dont la qualité va du douteux à l’excellent (et même meilleure que l’original !), CD copiés en masse puis revendus une misère, montres qui n’ont de Breitling que le nom… tout y passe et au final, si l’on se pose les bonnes questions on se rend compte que l’industrie de la copie est décidément immensément productive et bien organisée. On ne fabrique pas des millions de maillots de football contrefaits dans un atelier sombre au fond d’une cave, il faut une usine…

Toute société d’échelle mondiale a des attitudes de conquête digne des guerres de territoire : étouffement de la concurrence, reprise à bas prix des réseaux existants, purge des inutiles puis enfin bénéfices en masse. Quand un Total reprend une société dans son arborescence, quelle différence avec la prise de contrôle d’un secteur ? Aucune, c’est une politique agressive et efficace. Après ça, on va nous parler de légalité, mais les banques sont-elles innocentes ? Qui engendre de l’argent doit le faire gérer, et les coffres forts sont aussi muets que des tombes. De fait, tous nous pouvons parier sur le fait que la magouille n’est donc pas la panacée des mafiosi de grand papa.

Après ces rappels, observons la croissance démentielle de Google : oui, le moteur de recherche… et pas seulement ! Partie de rien ou presque, la société détient aujourd’hui la tête du classement des moteurs de recherche le plus utilisé au monde. Savez-vous ce que représente Google en terme d’échelle industrielle ? Avec ses 450000 serveurs, Google est loin devant Microsoft qui en vise 800000 pour 2011 afin de rattraper son retard. Les résultats économiques sont tout aussi éloquents : Au 31 Mars 2006 pour le premier trimestre de cette année, le bénéfice opérationnel de Google était de 742 millions de dollars et le chiffre d'affaires (à 99% publicitaire) était de 2,25 milliards de dollars. Chacune de ces 450000 serveurs a produit 1649 dollars de bénéfice opérationnel et 5000 dollars de chiffres d'affaires, en sachant que chaque machine coûte environ 1000 dollars. Rentabilité exemplaire non ?

La pieuvre informatique dans toute sa splendeur, Google lit automatiquement tous les sites publiés, les analyse, les décortique, et en tire des statistiques pour alimenter le moteur de recherche. D’un point de vue purement technique cela constitue un annuaire parfaitement utile pour le réseau, mais c’est aussi une arme démoniaque pour connaître le monde et même le commander. On parlait de Bill Gates (Microsoft) comme d’une hégémonie de Windows, mais là, c’est encore plus insidieux : plus vous utilisez Google, plus ils en savent sur vous !

Terminons sur ceci : Google a créé un certain nombre de produits annexes aussi intéressants que Google Earth (une terre en 3D couverte des photographies satellite du monde. Passionnant et instructif sur la géographie), Google Maps (pour vous localiser et que vous le disiez à vos amis), les blogs (et oui je suis hébergé chez un démon car Blogspot est une partie de Google), la vidéo via youtube, enfin bref des dizaines de produits excellents, gratuits… mais loin d’être muets. L’innocent peut dire qu’ils respectent la vie privée, mais je me pose une seule question : où va-t-on aller ? Vers une domination bipolaire Google Microsoft où l’ordinateur sera estampillé de la fenêtre multicolore et le web d’un logo Google ? Ce n’est sûrement pas un modèle sain que ce soit économiquement que techniquement. En cas de défaillance de ce géant du réseau, qu’est ce qui se passera ? N’est on pas devenus dépendants de Google ?

Un "petit" documentaire (en anglais)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

sur les tentacules tu a oublié les ventouses, une fois qu'elles ont pénétré les marchés, elles se collent très très bien dessus! ;-)