31 mars 2008

L’odeur du vieux papier

Après avoir abandonné ma série littéraire des grandes batailles et autres désastres militaires, je me suis mis en quête d’un ouvrage à dévorer. J’ai un instant envisagé retourner à « ma » libraire, du moins celle que j’estime m’offrir non seulement une compétence commerciale mais avant tout un accueil chaleureux, j’ai dû me raviser avec effroi : muté ! Ayant changé de mission technique (ce qui est le lot des prestations informatiques), je me suis vu éloigné de ce Byzance de la plume, mon paradis aux remparts de papier et aux tours de guet bâties à coups de dictionnaires. On ne se rend vraiment pas compte de l’importance de l’humain dans le commerce : quoi de plus agréable que d’être abordé avec le sourire et un « Je peux vous aider ? ». A chaque fois que j’ai eue le plaisir d’acquiescer ce fut toujours suivi d’une conversation riche d’enseignements et de connaissances manquant cruellement à mon bagage personnel. C’est un drame je vous le dis : de la froideur des étals d’un supermarché sans âme et d’un libraire amoncelant les perles, je préfère l’odeur particulière des livres dans ces refuges culturels. Telles des grottes pour ermites fuyant l’automatisme et l’électronique, je me serais volontiers enterré dans la luxure de la gloutonnerie littéraire… Sans omettre l’accessoire détail qui précise que les vendeuses étaient d’un charme indéniable, mais là je m’égare.

Pâte de papier, couvertures diverses allant du carton au cuir le plus noble, tranche à peine distinguée ou dorure la plus fine, le livre vit, vieillit et s’anoblit avec le temps. Quand j’entends ces maniaques de la blancheur ammoniaquée se targuant de conserver des exemplaires non ouverts ni même cornés, je hurle et peste sans retenue. Le livre est fait pour être lu tas de parasites des librairies. Si votre but est d’arborer l’intégral de Zola en édition limitée cuir de kangourou numéroté à la main, et que la moindre tentative d’ouverture de ces ouvrages vous semble être un viol total du « précieux », permettez-moi de vous dire que vous êtes à la littérature ce que l’alignement de containers à ordures est à l’art urbain ! Non messieurs dames, le livre n’a pas à stagner dans une vitrine, il doit vivre, respirer et offrir son essence à celui qui souhaite s’en imprégner. D’ailleurs, l’odeur d’un livre qui a déjà vécu est inimitable : mélange étrange entre le bois légèrement acidifié par la pourriture et le parfum âcre de l’encre séchée, sa couleur même semble être celle d’un whisky ayant vieilli dans un fût plus de dix années consécutives. Savourez donc la qualité de ce parfum en humant la tranche fermée, puis ouvrez donc lentement la pièce que vous tenez en mains. Magie du temps, il est d’un brun très clair, uniformément réparti sur les pages qui défilent. Même la texture de chaque feuille semble s’être bonifiée, plus souple, plus agréable au toucher, ce cher bouquin devient alors un compagnon intime et pas un vulgaire « vite lu vite oublié » de gare.

Le bon vieux livre qu’on a du lire au lycée, ou celui qui ressort d’une malle après des décennies d’oubli… ces annotations faites par des mains malhabiles ou inconnues, ces tampons aux numéros de téléphone périmés depuis des lustres, et que dire de ces adresses et codes postaux n’ayant plus de sens ! C’est aussi ça l’âge d’un livre, c’est une époque, une pensée, des doigts ayant longés les feuilles avec soin, le marque page oublié à la fin entre la page finale et la couverture... Songez donc à ces tranches de vies qui sont racontées sans être écrites quand on reprend un livre imprimé il y a plusieurs décennies : était-ce avant la guerre, appartenait-il à quelqu’un disparu, a-t-il été protégé des autodafés criminels, fut-il interdit ? Le livre raconte donc son histoire et celle d’un temps perdu. On peut juger qu’un auteur fut un sombre besogneux sans talent, qu’un autre fut un génie et qu’une dernière plume fut aussi utile à l’humanité que le téléphone en forme de Garfield, mais tous ont étés lus, écrits et appréciés à divers degrés. Il n’y a pas de « mauvais livre », il n’y a que de mauvaises histories. A chacun d’en apprécier à sa juste valeur le contenu autant que j’en apprécie le contenant.

Là, à présent je me replonge dans un de mes classiques, une œuvre dont le papier fleure bon un passé de lycéen, un numéro de téléphone à huit chiffres, et un jauni qui me fait frémir. « Des fleurs pour Algernon » ressort de l’étagère, je l’ouvre, je plonge avec volupté dans les remous d’un Daniel Keyes pas assez connu à mon goût, et lentement mon esprit divague… Que c’est bon de sentir encore et encore les volutes boisées du livre tant apprécié. Cela pourrait mériter un poème tant c’est agréable, mais c’est en chacun de nous que celui-ci s’écrira, chacun à notre manière, chacun utilisant ses souvenirs propres pour en déclamer toute la complexe alchimie hésitant entre le dégoût des classiques imposés par l’école et l’inoubliable larme pour un héros disparu…

Des fleurs pour Algernon

30 mars 2008

Le visage dans la lunette.

A toutes les époques le régicide fut employé pour changer le cours de l’histoire soit pour que ce meurtre permette une nouvelle autocratie, soit dans l’espoir d’un peu plus de démocratie. Quoi qu’il en advienne, cet acte extrême d’éliminer un chef d’état est souvent autrement plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, si la cible est un personnage aussi puissant, peut-on facilement admettre que sa mort soit un véritable changement ? Est-on en droit d’éliminer un tyran sans se poser la légitime question du « Et après ? ».

L’Histoire comme je le disais recèle quelques exemples de meurtres perpétrés au nom d’un changement d’orientation ou bien de maintien d’une situation au profit d’un successeur : César, Cléopâtre, Henri IV, Sadi Carnot, Paul Doumer, Hitler, Kennedy, De Gaulle, Indira Gandhi, la liste est longue pour ces cibles gouvernantes dont certains eurent la vie sauve. Certains me feront remarquer qu’au milieu de cette liste rares sont ceux qui n’ont pas été des bourreaux de leur peuple, et étrangement ceux qui survécurent aux tentatives ne furent pas forcément les plus populaires, loin de là. Observons donc avec un regard glacé les conséquences de ces assassinats : combien menèrent à de véritables changements radicaux ? Combien purent se targuer d’avoir remis un ordre « nouveau » dans la politique du moment ? A mon sens aucun, tous furent perpétrés avec un manque flagrant de considération pour le changement, ou alors justement doit-on en déduire que jamais le changement ne fut visé ? Ce serait donc que le régicide n’est pas un acte révolutionnaire mais au contraire un conservatisme forcené ?

Entre causes et conséquences il est important de faire une distinction très précise. En effet, des causes identiques ne mènent pas nécessairement aux mêmes conséquences, et qui plus est la plupart de ces meurtres (ou tentatives, j’y viens par la suite) sont majoritairement le fait non pas de décisions mûrement réfléchies mais au contraire d’actes d’idéalistes voire de fous espérant que la mort d’une tête puisse faire périr l’hydre gouvernante. Sottise, surtout si l’on prend patiemment le temps d’analyser les évènements : César était encore en pleine guerre, cela changea à sa mort ? Henri IV fut traité comme le bourreau des protestants, la tolérance revint-elle à l’honneur pour autant ? L’attentat manqué contre Hitler en 1944 aurait-il fait cesser les combats plus tôt ou l’Union Soviétique aurait-elle roulée jusqu’à Berlin ? De Gaulle, en périssant, aurait-il cédé la place à un « modéré » ou bien au contraire le pouvoir aurait-il été pris par l’armée ? Enfin, lorsque Kennedy mourut à Dallas en 1963, fut-il abattu pour la fin du conflit au Vietnam ou au contraire pour le maintenir ? Toutes ces questions nous orientent donc vers une difficulté plus profonde encore à savoir que, si c’est un pouvoir et non un fanatique qui œuvre pour la mort du gouvernant, comment les services de sécurité supposés protéger la personnalité ne se rend pas compte de ce qui se trame ?

Il m’est très difficile d’admettre qu’un chef d’état ne soit pas entouré de personnes compétentes pour assurer sa sécurité, et qui plus est tout un pan des services secrets pour maintenir sous surveillance l’entourage proche du président/dictateur/roi. Un peu de lucidité voulez-vous ? Tout gouvernement se doit de préserver son image en maintenant sous bonne garde son propre chef de manière à éviter tout débordement. Un chef d’état accessible c’est une victime potentielle tant pour le fusil d’un fou que celui d’un professionnel. Il n’y a pas d’idéologie dans les services secrets, il n’y a que la fonction de servir l’état, quelque soit sa forme. N’oublions pas non plus que les présidents passent, mais les hommes de l’ombre demeurent. Dans ces conditions, soit il y a laxisme, soit une volonté délibérée de laisser passer le moment opportun. Recadrons : une enquête récente a démontré que César était au courant pour ce qui se fomentait et qu’il a sciemment choisi de se sacrifier pour que les ambitions des comploteurs soient anéanties. Il aurait tout aussi bien pu les faire tuer… et devenir alors un tyran, chose qui ne convenait pas à l’image qu’il avait bâti à Rome. C’était donc un suicide assisté pour que le pouvoir reste en place et que pardessus tout ceux qui attendaient au portillon soient déboutés. Encore plus étrange : avec une Gestapo et le SD (SicherheitDienst ou sûreté intérieure) omniprésente dans l’armée, on ne peut que croire qu’il y eut une décision de laisser faire les comploteurs pour voir Hitler mort, et ce non pour changer de direction mais simplement pour qu’il n’interfère plus dans les actions menées par l’armée. Et que dire de Kennedy ? Certes Oswald fait un coupable trop parfait et la théorie du complot menée tambour battant est séduisante, mais je me demande s’il n’était pas réellement derrière le fusil et simplement sacrifié par ceux qui ont fait en sorte de le mener à la lunette.

En tout état de cause l’assassinat d’un chef d’état ne mène pour ainsi dire jamais à une révolution. Tout président, empereur ou roi se repose sur des subalternes compétents et dévoués, et la mort du chef ne peut qu’inciter un ambitieux de la hiérarchie à prendre sa suite dans la même veine. Franco en mourant dans son lit fut maintenu dans un état comateux par ses proches et sa « cour » pour s’assurer qu’aucun changement brutal ne se produirait. Quiconque aurait pressé la détente contre lui n’aurait fait qu’inciter l’armée à maintenir un statu quo et même à instaurer la loi martiale. Lorsque Gandhi mourut tuée par son garde du corps, les Sikhs furent alors exclus de tous les postes à pouvoir des administrations de l’Inde, aussi bien dans les bureaux que dans l’armée. Ce ne fut donc pas un acte révolutionnaire, mais juste une vengeance : le sang par le sang. On peut donc raisonnablement affirmer que si l’acte est décidé par des gens de pouvoir, cela ne sera jamais dans l’espoir de changement. Que se passe-t-il lorsqu’un personnage aussi influent meurt assassiné ? Il devient une icône, un symbole soit d’une cause ou bien d’une façon de gérer le gouvernement. Kennedy est idéalisé alors que, finalement, on ne peut pas vraiment affirmer qu’il a été un président au dessus de tout soupçon. Hitler, mort par suicide, est encore idolâtré par des fanatiques et ce même après plus d’un demi siècle. Un politique ne tuera que si cette mort lui est profitable et un martyr n’est jamais un bienfait. Alors pourquoi ? Parce que le bilan est alors positif : occupons l’opinion publique avec la mort du président pour que les affaires d’état, elles se gèrent dans l’ombre. L’attentat du petit Clamart ne fut jamais autre chose qu’une revanche de l’OAS, une vengeance dénuée de la moindre efficacité politique. Dans ces conditions, il est même nécessaire de se demander la nécessité de tuer un tyran.

La révolution se fonde non sur le sang mais sur le changement, mais malheureusement le changement se fait bien trop souvent dans le sang. L’assassinat politique peut avoir un dernier aspect très pratique : quand on a un opposant, autant le faire tuer et mettre ce meurtre sur le dos d’un ennemi réel ou supposé. Trotski fut assassiné sur ordre de Staline, mais sa mort fut instrumentalisée à outrance. Les exécutions de ministres, juges, politiques et même de personnes sans grand pouvoir mais avec une influence sur le peuple furent éliminées sans remord, simplement parce que menacer la foule avec la mort d’un leader coûte bien moins cher que d’affronter la foule elle-même. Poussons le vice jusqu’au bout : pourquoi prendre le risque de mettre un professionnel au travail si l’on peut employer un véritable fanatique ? La méthodologie terroriste et l’attentat politique ne diffèrent guère que sur les buts mais les méthodes sont les mêmes. Conditionner pour tuer, former pour exécuter, sacrifier le pion en question pour s’assurer son silence. L’exemple le plus connu demeure Oswald qui fut probablement la pièce d’échiquier la plus connue du monde. C’est d’ailleurs un personnage exemplaire dans son genre : formé à l’espionnage, impliqué dans les basses besognes de la CIA pour assister les réfugiés cubains, puis finalement mis sur le devant de la scène avec l’assassinat de Kennedy. Splendide ! Il fut donc brûlé sur le bûcher, tué à son tour en pleine lumière, l’exemple type du sacrifice du pion aux échecs. Faites le avancer pour qu’il meure et qu’il permette à la reine de vivre…

Souvent le président est éliminé de manière à ce que la résistance s’effondre par manque de leader. C’est pour ça qu’on peut supposer qu’Allende périt dans le palais présidentiel en 1973. L’histoire affirme qu’il s’est défendu jusqu’au bout et qu’il est mort l’arme à la main. Fort bien, je ne conteste pas, mais je peux supposer sans difficulté que personne ne désirait le maintenir en vie. Du changement vous dites, une dictature ? Hélas, la vérité sur Allende fut embellie par la passion communiste d’un état démocratique, mais ce serait oublier le désastre économique provoquée par ses réformes, ainsi que le désastre social qui mena le pays au bord de la famine. Aussi dramatique que cela puisse paraître le putsch fut soutenu par une partie du peuple et non juste par l’armée, révoltée de voir diminuer ses prérogatives. Cynique vous dites ? Alors finalement, le changement fut un échec et donc confirme ce que je disais : tue ton président, tu ne feras que tuer l’espoir.

Un dernier point: regardez cet extrait du film I comme Icare: il est stupéfiant à plusieurs titres. Tout d'abord il est tiré d'un des meilleurs films parlant de l'assassinat d'un président, et d'autre part il étaye l'idée qu'on peut manipuler un homme pour en faire une arme. Ici, c'est l'expérience de Milgram sur la soumission à l'autorité. Regardez... et frissonnez parce qu'il ne s'agit pas de cinéma, la dite expérience est réellement effectuée dans ces conditions. Sachez qu'il y a des gens qui ont poussés jusqu'à la dernière manette à plusieurs milliers de Volts! Vous comprendrez mieux en regardant cette vidéo jusqu'au bout.

28 mars 2008

Ca y est je suis un vieux con

N’étant pas d’âge canonique, j’ai pourtant la désagréable impression d’être une de ces reliques que les « jeunes » observent avec commisération et inquiétude, comme si toute parole émanant de mes lèvres pourrait rapidement leur être défavorable. Ne me sentant pas spécialement adepte d’un jeunisme à la mode, j’ajoute au surplus que mes propos ne visent que rarement la proportion d’adolescents boutonneuse de notre population pour le simple égard que je leur dois. Moi aussi je fus un avorton braillard et revendicatif, moi aussi j’ai arboré avec complaisance l’anarchisme de circonstance aux manifestations saugrenues de fausse virilité estudiantine. Ah la première cuite vécue par mes camarades, les premiers émois érotiques, les premiers slows langoureux avec des filles aux prénoms perdus dans les limbes de mes neurones carbonisés… tout ceci pourrait faire croire à une certaine nostalgie, mais il n’en est rien : je ne suis pas un nostalgique du lycée pas plus qu’un poilu n’a jamais fait acte de nostalgie concernant la canonnade à Verdun.

L’adolescence est cette étape pathétique où le corps se transforme pour rejoindre l’inévitable pourriture de l’âge, mais c’est aussi et avant tout les moments où la conscience de soi s’éveille au détriment de la conscience du groupe. L’égoïsme naît quand l’enfance meurt, et les plus grands égocentriques sont finalement les adultes contrairement à ce qu’ils affirment. Oui l’enfant et l’ado cherchent la reconnaissance et l’identification du soi en rendant dingues leurs aînés, mais c’est dans l’objectif salvateur d’être pris au sérieux et non d’obtenir une compensation à leur état de non décideurs. Pourquoi ne suis-je alors pas pour le jeunisme ? Tout simplement parce que la jeunesse a le terrible handicap de s’accompagner d’une bêtise sans borne nommée « idéal ». Ils rêvent les imbéciles, ils fomentent un avenir radieux alors que nous autres, adultes accomplis dans notre besogneux devoir de produire, nous bâtissons des gouvernements et des armes en nombre suffisant pour nous mettre à la rôtissoire de l’enfer nucléaire. Jeunes de tous les pays, pacifistes et autres écolos aux idées neuves, ne vous inquiétez pas de votre différend moral avec les vieux, vous y viendrez tous comme on vient tôt ou tard à l’aspirine pour s’éviter un devoir conjugal. C’est ainsi : vous vieillissez et les cyniques comme moi se marrent à l’idée de vous sentir dépités dans vos espérances.

Je suis donc cruel ? Hélas je suis un pragmatique forcené. Le rêve est magnifique quand celui-ci ne s’orne pas des tambours et trompettes de l’illusion, car à mon sens il faut distinguer le fantasme du lucide, notamment pour ce qui est de la politique. La raison du plus fort ? C’est nécessairement la meilleure sinon pourquoi fait-on des armées ? De l’expérience naît la sagesse ? Bien entendu que la sagesse est le résultat abâtardi d’un accouchement au forceps de nos erreurs passées, sinon que ferait-on si ce n’est répéter nos conneries jusqu’à plus soif ? Les slogans, aphorismes et autres flatteries intellectuelles ne valent que si ceux-ci subissent l’épreuve pyromane du feu de l’expérience, et dans bien des cas l’expérience n’est que le signe d’une bourde monumentale. A ce propos, je suis hilare à l’idée que les « jeunes » puissent croire que toute évolution scientifique soit le fruit de recherches précises et méthodiques. La pénicilline n’est que le produit d’un éternuement hasardeux, la science du nucléaire de l’exposition des Curie à la radiation jusqu’à la mort, et puis pardessus tout la science fait si souvent des erreurs menant à des réussites qu’il y a de quoi douter sur les principes fondamentaux de la recherche… Bref, l’espoir d’un monde fait d’intelligence et de constructivisme n’est et ne sera bon qu’à finir que dans des essais philosophiques de lycéens torturés par le baccalauréat.

Oh toi jeunesse qui s’enfuit aussi vite qu’un braqueur de banque avec la police aux miches, n’es-tu donc qu’une garce, une maîtresse malsaine qui nous pousse à faire les malins pour ensuite nous coller au mitard de l’âge qui avance ? Tu es pourtant séduisante avec tes filles trop belles, tes expériences trop essentielles pour être ignorées, et puis au bout du compte tes souvenirs qu’on se doit de chérir pour pouvoir en parler à notre descendance… c’est étrange comme j’ai peu de ces souvenirs dont on se targue avec un rien d’orgueil. Au sanctuaire des moments inoubliables on se doit (apparemment) de mettre en exergue la première expérience sexuelle ainsi que l’inévitable premier baiser. Mouais, je suis comme qui dirait dubitatif… c’est dingue l’idolâtre attitude que l’on a vis-à-vis de notre maladresse, alors que l’autre, en face, ne fut pas aussi marquée par la première étreinte. Décevante constatation qu’on a plus de facilité à dire « première fois = très bonne fois » alors qu’il serait plus important de dire « Pour toujours = une vraie bonne Vie ». J’admets évidemment qu’on puisse repousser cette fidélité désuète mais qui me tient à cœur, mais c’est sûrement mon côté vieux con qui ressort.

Comment ça je suis déjà un vieux con ? Oui c’est vrai que tenter de communiquer avec un de ces iroquois aux tympans décomposés par une pseudo musique m’est aussi facile que la discussion entre un hérisson et les pneus d’une camionnette… Enfin bon, promis j’essaierai un de ces jours !

27 mars 2008

Alchimie

Un des plus vieux rêves de l’humanité est d’interférer avec les règles immuables de la Nature de manière à les utiliser pour son usage personnel. Entre science et magie, bon nombre de personnes se sont attaquées aux fondamentaux supposés avec les principes des éléments (eau, feu, terre, air) ainsi que sur la possible transformation de certains éléments naturels en d’autres plus intéressants ; ainsi, le Graal de cette « science » qu’est l’alchimie fut d’arriver à une méthode permettant par exemple de transformer le plomb en or. A l’heure de la maîtrise de l’atome, de la recherche sur la naissance de l’univers et du tableau périodique de Mendeleïev, que reste-t-il de ces hypothèses que bon nombre d’hommes ont étudiées à priori en vain ?

Avant même l’étude poussée des atomes, bon nombre de multitâches philosophes / mathématiciens / scientifiques ont revendiqués l’idée que le monde serait fait de particules et que selon le principe énoncé par Lavoisier « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». En gros, le fond de cette loi serait alors qu’on ne peut pas obtenir plus que ce qu’on a donné pour une opération donnée. Le principe qui selon le raisonnement subjectif de valeur faisait que l’or valait « plus » que le plomb posait donc problème aux alchimistes. Or, il est à présent évident que c’est tout sauf une problématique de prix mais une délicatesse atomique qui rend la chose techniquement très improbable même si, à partir de certaines théories sur les atomes, le processus soit envisageable. Mi sorciers mi chimistes, les alchimistes furent donc sur la trace de manipulations chimiques de plus en plus complexes pour réaliser des transmutations de matières… y réussirent-ils ?

Certaines légendes prétendent que des alchimistes se soient enrichis du jour au lendemain et qu’ils furent de véritables mannes financières pour les cités les accueillant, ceci expliquant probablement pourquoi rares furent ceux qui finirent au bûcher alors que la nature même de leur science aurait dû être proscrite en vertu des préceptes de l’église. Nul alchimiste n’aurait supporté un simple interrogatoire sans même passer par la « question » étant donné leur idée de changer la nature d’une chose en une autre. Ces alchimistes légendaires ont-ils réellement réussi ce que la science semble infirmer ? Je serais enclin de par un esprit cartésien à parler de fumisterie ou même d’arnaque pour camoufler des crimes, mais le romantisme latent m’impose tout de même quelques doutes. Après tout, n’a-t-on pas traité Gama de fou et de menteur quand il a affirmé l’existence du charbon en Chine ? La poudre, en Europe, n’a-t-elle pas été l’arme du diable avant qu’elle devienne une arme? Il y a de quoi se perdre en conjectures tant la nébuleuse des vérités et folklores se mêlent concernant cette profession à présent pratiquement disparue.

Peut-on résumer à la transmutation du plomb en or l’étendue des recherches de l’alchimie ? Une seconde légende court concernant les buts à atteindre dans ce domaine : la pierre philosophale. Comme je l’ai précisé précédemment, l’échange équitable entre ce qui est donné et ce qui est alors obtenu est semble-t-il immuable. C’est pourquoi la dite pierre philosophale fut si intensément recherchée. Sans aspect précis, elle aurait le pouvoir de s’affranchir de telles règles et donc d’interagir directement sur la matière. Quelle belle rêverie lance le scientifique qui sommeille en chacun de nous. Mais un cyclotron brisant les atomes, n’est-ce pas là une sorte de pierre philosophale en plus pragmatique ? L’idée même de concevoir une telle pierre séduirait tout scientifique, si tant est que cela soit réalisable. En effet, qui ne serait pas tenté d’exploiter un tel pouvoir pour découvrir les fondements du monde ?

La face sombre de l’alchimie concerna malheureusement la tentative de créer artificiellement la Vie. Créer l’homme artificiel, l’homme « parfait » pour éventuellement permettre de devenir immortel, voilà pourquoi la pierre philosophale fut si intensément recherchée. Nommés hononcules, les hommes artificiels restent tout à fait légendaires et sans réelle description pas même succincte de la part des rares alchimistes ayant écrits sur la question. Cependant, il est notable que l’on peut rapprocher l’hononcule de l’eugénisme ou de la reproduction ex vivo si décriée de nos jours. Les bébés éprouvette sont nés de par des problèmes biologiques compris et identifiés, mais le clonage, finalement, sans mère porteuse, n’est-ce pas là nos hononcules à nous ?

Enfin, si l’on reprend le ton philosophique et romantique, l’alchimie n’est-ce pas aimer, le cœur n’est-ils pas la pierre philosophale puisque son contact transforme en or (bonheur) la personne que l’on aime sincèrement ? Toute science a sa face sombre… je me plais à croire que les alchimistes furent majoritairement de doux rêveurs emprunts d’une humanité dont trop de scientifiques modernes se sont départis. Dire que la science est supposée apporter le bonheur…

26 mars 2008

Monologue de foi

La prière est un acte personnel de communion avec une autorité supérieure qui peut être soit représentée par une iconographie complexe, soit en solitaire par réflexion et introspection. L’acte de foi est donc profondément lié à l’âme et aux convictions qui nous sont propres. Maintenant, si nous, pauvres humains parasites nous réfugiant dans l’obscurantisme dès qu’une catastrophe nous ramène à nos fondamentaux de bétail sans foi ni loi, avec qui les dites autorités communiquent-elles ? Sont-elles comme certains d’entres nous des schizophrènes maladifs qui se cherchent alors refuge dans une seconde personnalité ? Osons imaginer l’impossible, la blasphématoire retranscription d’un monologue d’un Dieu, quel qu’il soit. Chrétiens pardonnez mon offense par avance, n’ayant pour ainsi dire aucune connaissance liturgique je pense que les propos à venir seront truffés d’infamies et d’inexactitudes… Bon d’accord là je cire des pompes mais c’est pour m’éviter des plastiquages ou des voitures suicides. Ah bon ? Ca ne se fait pas trop chez les cathos ? Ouf, je peux donc m’en donner à cœur…. Non finalement.


Et encore une cuite au vin de messe. Quelle plaie ce vin, cette invention de mortel pour détruire des mortels. A vrai dire, c’est plutôt rare que je me prenne une biture avec ces trucs là, étant donné ma pureté supposée il m’est difficile d’enfourner une quantité suffisante pour que l’ivresse se saisisse de moi. Bien heureusement d’ailleurs, sinon je serais foutu de faire une connerie aussi monumentale que celle de créer l’Humanité. Tu parles d’une bavure… des bestioles ordinaires, ni rapides, ni si futées que ça, juste le pouce en opposition pour tenir l’outil ou l’arme dans la main. Si j’avais voulu merder je ne m’y serais pas pris autrement ! Non franchement, après avoir collé le requin dans les océans, l’éléphant dans les forêts ou la savane, ou même le faucon, qu’est ce qu’il m’est passé par la caboche de me coltiner un blaireau pareil. Je ne dis pas qu’il n’est pas agréable d’être élevé en divinité ou de voir des temples dédiés à ma gloire, mais franchement servir d’alibi à des génocides ou à des dictatures, ça a le don de me mettre en colère…

Foutue migraine. Ca me reprend… ils se plaignent « Oh aidez moi Seigneur, sauvez moi ! » ou encore l’inusable tirade du « Je veux pas mourir, je suis trop jeune ! ». Trop jeune ?! Et Jésus ? Sympathique les mecs, on le laisse se faire agrafer à des planches (sacrée ironie pour un fils de charpentier soit dit en passant), il y reste avec les souffrances qui vont bien, je fais un geste puisqu’il est le sauveur, et voilà qu’on me le représente tout le temps cloué à la croix ! Merde alors, Je ne l’ai pas sorti de sa boîte pour qu’il finisse en poster ! Sans déconner, quand ça merde on se pend au cou du curé mais quand tout va bien on se pend au cou du banquier. Et c’est qui qu’on accuse de ne pas faire attention au sort du monde, c’est bibi ! Plein les sandales d’être encore et encore le responsable de tous les malheurs du monde : un ouragan, c’est moi, les volcans, c’est encore moi… et la Nature, vous la prenez en compte bordel ?! J’ai laissé le monde aller et fonctionner sans mon intervention pour justement donner une possibilité de libre arbitre aux hommes, et voilà qu’ils me demandent de faire tout le contraire. Un comble !

Dans le genre boulot pénible le mien se pose là : jamais peinard ; toujours sollicité de tous les côtés pour me battre contre le Mal, on va jusqu’à foutre des slogans en mon nom sur des bouquins et des maillots. Qu’est-ce qu’il y a de plus pénible que d’être encore plus emmerdée qu’une rock star ? Tout le monde ne porte pas la tronche de Mick Jagger autour du cou, non vous me refoutez du Jésus crucifié en médaillon. Sympa la solidarité ! Lui il peut absorber encore et encore les douleurs et souffrances de son peuple, moi je crois que vous, les souffrances, vous les lui donnez gratos pour vous en débarrasser ! C’est pas un peu facile, ça ? C’est comme la confession ! « Lavé de vos péchés ». Une douche spirituelle quoi, le cachet moral pour tringler la voisine, s’envoyer en l’air avec le postier et faire des moutards qui sont de on ne sait pas trop qui. Et au bout du compte, et allez qu’on me demande ma bénédiction avec le baptême. Ca va pas non ? Et les dix commandements ? C’est fait pour faire joli dans le caillou ?! Bordel, on leur file les clés d’un Eden, tu leur files le mode d’emploi et, sympa le gars il file même la possibilité de raisonner pour trouver des moyens d’améliorer les choses, et l’Homme lui, meuh non il vous bousille tout, massacre ses potes pour un oui ou pour un non et vient au bout du compte coller de jolies croix sur les tombes en chialant que je suis injuste. INJUSTE ?! Vous m’emmerdez ! C’est vous et vous seuls qui agissez, qui teniez l’épée ici ou le fusil là, pas moi. Mais ils vont crever en me foutant la paix ou quoi…

Et c’est rien tout ça, c’est rien comparé à ces blaireaux qui viennent de foutre de vous concernant certaines de vos créations… Ah la girafe qu’elle est conne avec son cou démesuré, et c’est quoi ce machin d’ornito je ne sais quoi qui pond des œufs mais qui est un mammifère ? J’étais bourré ! Voilà ! Qu’est-ce que ça peut vous faire si c’est moche tant que ça fonctionne ? Je vous ai créé moches, cons et égoïstes, encore heureux que je n’ai pas pris le temps de réfléchir sinon vous auriez finis à la corbeille avec les chimères, les bestioles de légende comme les licornes et à côté de quelques démons un peu trop virulents à mon goût. Alors quoi, ce monde il ne vous plaît pas ? Moi il me plaît comme Je l’ai créé. Pour info les râleurs vous n’êtes pas à MON image… manquerait plus que ça tiens pour finir cinglé. Voir des milliards d’abrutis avec ma gueule, non merci !

Ah si, j’ai une bonne nouvelle quand même : aussi têtus et casse noix que vous êtes vous crevez tous tôt ou tard. Heureusement que je n’ai pas oublié de ne pas mettre « immortalité » dans votre CV les mecs…

25 mars 2008

Ca va de soi

L’affirmation lapidaire, l’acte mettant en principe terme à toute tergiversation est une des armes préférées de l’arsenal du minus intellectuel dans le sens où cette phrase lui offre une échappatoire fort pratique. Quand le « Ca va de soi ! » tombe, il est difficile de rebondir et c’est là que fond le lâche pour s’éviter l’opposition ou la rhétorique d’un adversaire. Vous avez déjà subi la diatribe glaireuse aux relents racistes d’un imbécile prétendant avec emphase que l’étranger est un fainéant ? Systématiquement un « ça va de soi » se camouflera en tâche de fond de sorte à rendre toute nuance impossible à exprimer. Oh, je sais bien que les clichés ont la peau dure et qu’il est plus simple d’en user que de broder autour, ceci dit c’est tout de même trop facile de laisser la responsabilité du discours aux prédécesseurs plutôt que de forger une explication sur ses idées « propres » (si j’ose dire).

Ce n’est pas pour rien que le contact avec l’extrémisme m’irrite : tel un poil à gratter moral, j’ai du mal à m’approcher du défenseur des grandes idées de la « Realpolitik » sans me prémunir d’un collier anti-puces. Le poux fascisant a le don de me pomper le sang à grands coups de propos absurdes et dégorgeant de démagogie, et pourtant je suis bien obligé, tôt ou tard, de m’employer à l’écouter pour pouvoir alors lui répondre du point sur les i en attendant le poing sur la gueule que ses idées de fond de poubelle ne sont pas miennes. Certes, l’éructation spasmodique d’un leader endimanché en kaki semble exciter le fanatique du « ça va de soi », lequel saura colporter le bouillon croupi à coups d’affiches et de slogans grandiloquents. Prenez le FN … non c’est presque trop facile, prenons donc un adorateur du despotisme en général et plongeons le dans une foule bigarrée. Qu’observons nous : une réaction épidermique d’urticaire s’ajoutant à une incroyable production de salive le menant à avoir la bave aux lèvres. La colère montant, son corps s’agite, il est prêt à hurler sa rage contre la différence, et voilà que la SPA le fait piquer pour le bien de tous. Et oui, l’enragé est donc condamné comme le renard l’est au matin d’une battue de nettoyage de nos chères forêts. Où je veux en venir ? Tout simplement qu’autant le chasseur que l’honnête homme nous battons de la campagne pour chasser les renards bruns de nos belles contrées !

Je coupe la parole comme d’autres coupent la route aux cars scolaires, mais par chance je me contente d’un carnage verbal alors que l’autre semble apprécier le collégien melba. D’une certaine façon c’est désagréable de devoir tolérer une telle impudence de ma part, notamment quand il s’agit de mettre en exergue mes nombreuses tares morales qui font état de ma profonde décrépitude cérébrale. A ce titre, j’aime tout particulièrement contrarier ceux qui supposent que la seule solution à une incurie sociale est une bonne dictature. Pour moi, tomber sur notre fameux « ça va de soi » est du pain béni et même l’hostie libérateur. Que mes péchés soient lavés Seigneur, je vais pouvoir m’en faire un à la matraque ! Comment ça, tu ne tueras point ? Bon d’accord, admettons que le meurtre soit une chose interdite par la morale, alors dans ce cas admettons également la différence et laissons les dire pour qu’ils puissent exister. Ca non plus ce n’est pas acceptable ? Voilà que je me mets à discuter avec le Créateur comme je pourrais disserter avec un camarade de bouteille. Encore une fois au lieu de préserver l’éthique et donc permettre que la tribune des intolérants soit permise je me fais chantre du génocide des cons. Pénible de devoir hésiter entre la justice et l’équité je trouve…

« Ca va de soi » se plaindra donc qu’on ose mettre en doute ses assertions, il sera même le premier à revendiquer haut et fort qu’il n’est pas acceptable de lui saboter son discours, et qu’au fond il est moins méchant que celui qui l’agresse verbalement. Qui t’as dit que je comptais m’en tenir à la seule verve pour te faire ravaler tes idées ? Le râtelier en compote et les dominos au fond des amygdales, bien que ce soit peu incitatif pour une discussion posée, cela aura le mérite de soulager ma conscience outragée. Et puis, pour une fois, notre couineur aura l’occasion de découvrir la gastronomie hospitalière à la paille ainsi que le confort de la literie qui le supportera quelques semaines. Comme ça, il pourra, et ce aux frais de sa mutuelle si chèrement entretenue, apprécier les services de ces étrangers qu’il dénigrait avec tant de virulence. Un retour aux fondamentaux ? Disons que, pour une fois, qu’au lieu d’aller chercher la pulpe au fond de la molaire le dentiste ajoutera de la pulpe entre les oreilles de son patient. N’étant pas amateur de la roulette je crois que cela sera malgré tout un bienfait. En attendant, je vais m’offrir un casque, des fois qu’un petit malin me prenne par surprise et décide de me faire taire par le même procédé revendiqué précédemment !

23 mars 2008

En mémoire d'un jour de Pâques 1916

Je ne puis exprimer autrement que par ces quelques mots le respect que j’éprouve pour celles et ceux qui se sont levés à Pâques, en 1916, contre l’oppression et les fusils, à Belfast. Qu’il soit rendu hommage à ces gens courageux qui ont refusés la répression, qui ont choisis le combat et l’orgueil plutôt que la mort de ce qu’ils étaient. Que les drapeaux irlandais soient placés sur les avenues, qu’on les mette en berne de manière à rappeler la douleur d’un peuple à qui l’on refuse, aujourd’hui encore existence et respect. A ceux qui ont mis leurs pas dans ceux des Michael Collins, de Patrick Pearse, puis plus tard lors du « Bloody Sunday » ceux de John Duddy, Patrick Joseph Doherty, Bernard McGuigan, Hugh Pious Gilmour, Kevin McElhinney, Michael G. Kelly, John Pius Young, William Noel Nash, Michael M. McDaid, James Joseph Wray, Gerald Gerald McKinney, William A. McKinney et John Johnson, je baisse les yeux de honte et salue votre courage et ce dévouement qui mène trop souvent à la mort.

On oublie, on tourne la page, mais eux n’ont pas accepté de tourner celle du grand livre de l’indépendance, ces écrits qui réclament liberté et honneur. Pour la majorité des gens ces mots sont creux, vides de sens tant ils sont vendus leurs âmes à des causes minables et égoïstes, ils souillent la valeur de l’héroïsme ordinaire de leur existence. A exister sans être fier, autant ne plus exister du tout. Sacrifiée sur l’autel des bonnes relations avec l’empire britanniques nous avons fermés nos portes et les yeux quand la répression s’est faite honteuse dans les rues de Belfast. Qui sommes-nous pour oser leur refuser le droit de se tenir droit ? Nous ne sommes même plus capables de regarder en face la vérité simple qui est qu’il subsiste, à nos portes, un système basé sur l’impérialisme et la répression. A quand les prochains coups de fusils pour faire taire les envies de liberté d’un peuple ? Les villes d’Irlande du nord sont les dernières d’Europe où circulent régulièrement l’armée et les blindées au nom du maintien de l’ordre. Qui peut tolérer une telle insulte à la dignité d’un peuple ? Quand ôtera-t-on les barbelés placés sur les murs entourant les quartiers catholiques ? Quand le traitement d’un catholique sera-t-il équivalent à celui d’un protestant ?

L’Angleterre a la mémoire courte : les protestants furent pourchassés, torturés et massacrés de part leurs croyances, l’église romaine leur a fait subir le joug politique du bras armé des états d’Europe. Pourquoi oublient-ils ? Pourquoi répètent-ils le même modèle honteux ? Sommes-nous si arriérés qu’on doive oublier le respect d’autrui ? A l’heure actuelle la gestion du territoire Irlandais tient en deux mots : ordre et soumission. En quoi les négociations faites jusqu’à présent sont-elles profitables à qui que ce soit puisque le Sinn Féin est encore considéré comme un parti terroriste ? L’IRA n’a jamais eu pour but d’être une armée de terroristes, elle a tenté de défendre l’existence d’un état oublié de tous. Je renie donc à toute autorité européenne le droit de critiquer ou même de commenter les actions de ces groupes armés. N’a-t-on pas élevé en héros les combattants de l’ombre de la seconde guerre mondiale ? N’étaient-ils pas considérés par l’occupant comme des terroristes ? Remettre de l’ordre dans notre morale à deux vitesses est une nécessité absolue.

Pâques est symbole de renaissance et non de mort. De part le monde des millions de catholiques se remémorent cet événement, et les autres fêtent tels des païens la venue des cloches. Le chocolat est distribué dans les maisons, mais combien savent que ce jour là, en 1916, des gens prirent leur courage à deux mains pour obtenir ce qui n’était pas une exigence mais un droit, celui de vivre libre. Simplement libre. La foi parle de la renaissance comme d’une chose qui symbolise aussi l’ascension de l’âme vers le paradis, la pureté des convictions face à l’oppresseur armé. Si le Christ a été crucifié ce fut pour symboliser le joug des romains et leur détermination à écraser la foi des chrétiens. L’ironie de l’histoire voulut que l’empire fut peu à peu métamorphosé par cette nouvelle croyance, et pour finalement faire de l’empire Romain le premier empire du monde au gouvernant converti au christianisme. Cette ironie, pourrait-elle arriver en Irlande pour qu’enfin les drapeaux ne soient plus en berne mais flottant à la brise légère d’un printemps verdoyant ?

Je me sens honteux de ne pas pouvoir mieux rendre hommage à cette volonté de ne pas se laisser briser par la volonté d’un empire, j’ai honte de n’être qu’un homme parmi tant d’autres, de ceux qui ne font que tenir une plume et non un fusil pour, moi aussi, pouvoir présenter ma poitrine et hurler aux automitrailleuses : « Si je dois mourir, ce sera avec fierté. Si je dois vivre, ce ne sera jamais à genoux ! » Gloire à vous, oui gloire et honneurs. Que les verres s’emplissent pour arroser votre sacrifice qui ne sera jamais vain. Malgré l’absence de victoire la mort d’un homme est sans prix : la mémoire d’un peuple suffit à en faire de l’or. Qu’il soit rappelé aux peuples du monde les paroles de Shakespeare concernant une autre bataille, celle de la Saint Crépin :

« Cette histoire, l'homme de bien l'apprendra à son fils,
Et la Crépin Crépinien ne reviendra jamais
A compter de ce jour jusqu'à la fin du monde
Sans que de nous on se souvienne,
De nous, cette poignée, cette heureuse poignée d'hommes cette bande de frères.
Car quiconque aujourd'hui verse son sang avec moi
Sera mon frère; si humble qu'il soit,
Ce jour anoblira sa condition.
Et les gentilshommes anglais aujourd'hui dans leur lit
Se tiendront pour maudits de ne pas s'être trouvés ici,
Et compteront leur courage pour rien quand parlera
Quiconque aura combattu avec nous le jour de la Saint Crépin. »


A toi Irlande, à toi mon ami l’Irish, je dédie ces paroles, et qu’un bouquet de violettes soit déposé sur les tombes pour leur dire que non, nous autres qui ne sommes pas Irlandais, nous n’oublions pas…

21 mars 2008

Sic transit gloria mundi...

Ne me blâmez pas ! Je sais bien qu’il est facile de mettre en doute la validité des raisonnements d’autrui et d’y adjoindre quelques sarcasmes, mais reconnaissez tout de même que certaines situations sont inévitablement impossibles à ne pas critiquer. Dans toute chose malheur est bon déclare un vieil adage aussi creux qu’il est stupide, car j’ai bien du mal à voir en quoi certaines catastrophes peuvent nous donner quoi que ce soit de bon. Oh bien sûr il y aura toujours le cynique qui sait s’enrichir sur le malheur, l’ironique qui profitera de la chose pour en rire et même le commun des mortels qui, par la truchement de la brève de comptoir, se trouva un sujet de conversation à placer entre le dessert et le digestif pousse calories.

Dans le bestiaire des désastres on peut classer les choses en trois grandes catégories : ceux qui nous touchent directement, ceux qui nous indiffèrent et ceux qui sont finalement si bien ancrés dans les mœurs qu’on les qualifiera d’historiques. Raisonnablement on pourrait donc séparer les aspects militaires et guerriers du reste, mais à mon sens ce serait alors séparer de l’âme humaine son côté mesquin et violent, chose à laquelle je me refuse avec obstination. Evidemment que les guerres sont de grands désastres humains, prétendre le contraire ce serait réfuter 10.000 ans d’histoire… mais ce sera pour beaucoup renier des convictions si profondément ancrées qu’elles ressemblent à des dents de sagesse dans la bouche d’un vieillard édenté. Ne nous méprenons donc pas : le désastre ne se qualifie pas par la violence et par le nombre de morts mais bien par sa portée symbolique. Une marée noire mérite tout autant le terme « désastreux » qu’une invasion de sauterelles en Afrique ou bien l’utilisation abusive de l’agent orange sur les orphelinats Vietnamiens. N’oublions pas non plus de dire que le désastre peut aussi être simplement verbal ou visuel : qui a eu le malheur de supporter les interviews hautement philosophiques des candidats guignols des pseudo écoles du « spectacle », généreusement retransmises à la télévision (tout ça pour dire Star Ac’… à croire que je veux faire mon quota de mots …) sait, dans sa grande souffrance, qu’un tel désastre intellectuel mérite autant le bûcher qu’un hérétique prétendant entendre Dieu quand il colle sa tête contre sa soupière en céramique.

Y a-t-il un classement officiel ou officieux des plus grands désastres ? A ce que je sache il n’en existe aucun tant il serait vite soumis à fluctuation. L’actualité et la bêtise humaine étant sans bornes, il serait bien entendu difficile voire impossible de classer avec honnêteté nos carnages divers et variés. Ceci dit, certains laissent une empreinte plus indélébile que d’autres, avec au surplus la force de la médiatisation qui est devenue possible grâce à la fée électricité. Je songeais récemment à ce qu’est devenu Tchernobyl après autant de temps… De désastre à tout point de vue le spectre nucléaire vaut tout de même son pesant de radons je trouve : villes abandonnées, zones sinistrées pour des décennies, nourriture empoisonnée, sans compter un bilan humain atroce entre les morts irradiés et les enfants atteints de maladies diverses, Tchernobyl tiendrait sans conteste une place d’honneur sur le podium. Quoi qu’il en soit, c’est un bel exemple de désastre cumulant tant l’incompétence de politiques friands de décisions absurdes que d’une gestion de crise invraisemblable. L’accident aurait pu être évité… mais ça, bien entendu, l’histoire ne retiendra que le résultat.

Un autre désastre à mettre à notre joli compte c’est tout de même l’état pitoyable de notre environnement après notre passage. Joyeux pollueurs, inconscients des dégâts irréversibles, nous détruisons, rasons et polluons comme des sauvages sans même nous préoccuper du fait que nous sommes en train de scier la branche sur laquelle nous sommes assis. Personnellement, autant nous donner quelques tronçonneuses supplémentaires histoire de solder une fois pour toute notre présence aussi parasitaires qu’inutile en ce monde ! Quitte à être débiles autant l’être correctement non ? Certes, j’admets avec une pointe de tristesse que ce serait un choix extrême, mais la nature, elle saura nous rendre notre sacrifice utile. N’est-ce pas là, le principe de la nature ? Tout recycler ? J’en vois déjà qui me prennent pour un partisan du génocide, un amateur de destruction massive. Mais non, je prône juste l’annihilation… comment ça c’est pareil ? Ah oui, il est vrai que le démon, Satan ou toute autre entité malfaisante n’a jamais été rencontrée ailleurs qu’au cinéma… ça réduit donc le champ d’investigation sur des moyens rapides et surtout efficaces pour nous éliminer. Laissons ce travail aux laborantins, quelque chose me dit qu’ils doivent bien avoir la fiole idéale, le tueur muet qui saura nous faire retourner au néant plus vite qu’un plat cuisiné finit dans la poubelle.

J’ai quelques doutes sur la liste que je pourrais dresser : le LICRA se mettra en branle pour venir me harceler de commentaires sur l’absence de la « shoah » dans mon propos, les indiens d’Amérique réclameront, eux aussi, une place dans la liste des massacrés et oubliés de l’histoire, et enfin la plupart des états africains me regarderont avec méchanceté s’ils n’apparaissent pas dans l’annuaire, que dis-je, le panthéon des désastres. A chacun de vous je vous dis merci ! Oui merci d’avoir participé à la grande œuvre de dépopulation du globe, avec au surplus une superbe réussite sur le thème du « Tuons pour rien ». A qui l’oscar du meilleur bourreau ? Mengele ? Un autre ? Peu m’importe, nous sommes, chacun à notre échelle, de désastreux citoyens du monde : entre ceux qui s’en foutent et ceux qui en crèvent, m’est avis que la communication passe assez mal. Ces derniers temps j’admets une amertume grandissante tant chacun se complait à ne pas se mouiller… ah cette agréable lâcheté de circonstance qui prétend laisser à un tiers élu le soin de se souiller les mains ! Ah, cette visqueuse fascination pour le malheur d’autrui le temps d’un reportage poignant mais toujours oublié sitôt terminé ! Et que dire de nous tous, vils dégonflés, pour qui le malheur n’est qu’une valeur marchande pour faire du tirage ou de l’audimat ? Notre désastre à tous c’est finalement d’avoir oublié ce qui faisait de nous des êtres humains au profit du souvenir de notre dernier achat…

Sic transit gloria mundi...

20 mars 2008

Ce soir pas de texte

Pour une fois je me tiens coi... et non par manque d'inspiration mais par manque de temps. Je travaille en effet à un texte urgent qui accapare en ce moment mes dix doigts (et accessoirement ce qui me sert de boîte à neurones).

En conséquence, vous n'aurez donc pas le loisir de lire autre chose que cette excuse...

Par avance désolé,

Bonne soirée à chacun de vous.

Cordialement,
JeFaispeurALaFoule.

19 mars 2008

Cinq ans

Cela fait cinq ans que les américains se sont lancés dans la lessive Irakienne en espérant que les spontex blindés soient plus efficaces que la prise en compte de la situation générale du pays. Comme à leur habitude les questions posées par les observateurs neutres et lucides furent mises de côté et même démontées à coups de propagande. Hélas pour les soldats tout comme pour l’économie mondiale, bon nombre d’analystes furent à la limite de la divination avec des mots tels que « bourbier » et « enlisement inévitable ». En tout état de cause cette guerre qui devrait à mon sens se nommer « situation d’occupation territoriale » ne fait qu’empirer et les sacs poubelles remplacent les fauteuils en première classe pour le retour des boys. Si l’enfer existe, il a un petit goût de Bagdad pour les Gi’s.

Spontanément et ce plus par inimitié avec les USA que par véritable réflexion nombre de personnes se sont opposées à ce putsch qui n’a jamais dit son nom. Les USA ont déposés le président Hussein, et malgré ses crimes, sa dictature et l’usage d’armes atroces, celui-ci avait la légitimité pour lui. La présidence américaine a donc provoquée une haine féroce contre la bannière étoilée, colère totalement justifiée de part l’absence d’un tel précédent dans l’histoire. Se targuer d’être un sauveur tout en poussant dehors le gouvernement en place, il y a comme un non-sens flagrant. Il est d’autant plus dramatique que les troupes américaines soient sur place que les différentes rivalités interethniques se sont exacerbées depuis la chute du parti Baas : chiites, sunnites, tout s’est considérablement délité pour en arriver à une anarchie incontrôlable. L’armée ne peut pas jouer le rôle d’une police et la police recréée de toutes pièces est une catastrophe car le peuple la considère comme à la solde des occupants. Pas de légitimité donc pas de pouvoir sur le terrain.

Revenons sur les critiques formulées dès le départ : l’ingérence américaine fut prise comme un camouflet envers les mandats de l’ONU et notamment contre ses oppositions à cette action. Dans les faits l’ONU est donc devenue une SDN bis, c'est-à-dire un organe verbeux mais totalement inutile dès que les superpuissances décrètent unilatéralement qu’une action militaire est nécessaire. Allons même plus loin, l’organisation s’est vue incapable de sanctionner les USA d’une manière ou d’une autre, ce qui amène donc à la castration pure et simple du dispositif mondial supposé entériner toute action militaire de ses adhérents. La raison du plus fort est la meilleure dirait l’adage, on peut sans conteste lui adjoindre la notion financière : dollar contre Euro, billet vert contre pouvoir mondial, faites vos jeux rien ne va plus ! La plus grande défait médiatique de la présidence Bush au court de ce conflit fut très probablement son incapacité à trouver une justification suffisamment acceptable pour que l’envoi de troupes soit toléré par le peuple, et indirectement par le monde entier. Lors de l’invasion de l’Afghanistan chacun comprit l’idée de revanche après le 11 Septembre, mais accuser l’Irak de soutenir le terrorisme et parler d’armes de destruction massive amena l’administration de l’époque au fin fond du ridicule médiatique. La règle est pourtant simple : n’affirme rien que tu ne puisses prouver !

L’escalade est assez similaire avec celle constatée pendant le conflit vietnamien : plus cela se complique plus on envoie de troupes. Plus il y a de troupes plus la population se révolte donc plus le besoin de soldats se fait sentir…et ainsi de suite. Le bilan de cinq ans de guerre est lamentable : un pays sans économie, sans sécurité, réduit à la féodalité afin de contrôler un minimum les différents peuples, du terrorisme « légitime » de par la relation occupé occupant, et surtout une radicalisation des opinions. Nul ne saurait trouver une réussite dans cette guerre si ce n’est la possibilité de spéculer sur le cours du brut. Le prix du baril a littéralement explosé et il ne diminuera probablement plus jamais. Les pays producteurs de pétroles sont aujourd’hui contraints d’absorber la demande tout en sachant que le débit maximal est déjà atteint. Malheureusement pour les consommateurs américains, ce jeu d’offre et de demande biaisée les as menés à bouder les véhicules produits par Ford et consoeurs… de par une consommation indécente. Quand le portefeuille prend un coup c’est toute l’économie qui tremble.

Dès le premier jour des manifestations et des mouvements « populaires » sont apparus pour dénoncer cette action aux buts obscurs et tout sauf patriotiques. Comme pour tout mouvement contre la guerre, ces actions furent prises pour ce qu’elles sont, un frémissement dans l’indifférence générale. Là où la colère s’intensifie c’est dans les familles des soldats morts qui ne comprennent pas pourquoi leurs fils, leurs filles, leurs frères sont tombés là-bas et sans le moindre résultat tangible. Encore une fois le trauma NAM est très présent parmi les habitants, sans compter l’obstination de Bush à admettre les difficultés rencontrées. La seule chose qui soit visible c’est l’allocation de budgets colossaux à l’armée ainsi que la réduction des libertés individuelles.

A terme Bush disparaîtra des cartes puisqu’il ne pourra légalement pas faire un autre mandat. Cependant, tout comme Nixon avant eux, les candidats en lice pour la présidence auront cet héritage nauséabond sur les bras. Parmi eux Mc Cain continue à soutenir l’action. Intérêts économiques, déterminisme au patriotisme faisandé, ou tout simplement véritable conviction personnelle ? L’essentiel est d’attendre la fin des élections pour voir lequel sera élu et s’il (ou elle) osera prendre le problème à bras le corps. A l’heure actuelle les USA ne peuvent décemment plus se retirer : ce serait d’une part un désastre politique comparable à la guerre de Corée et socialement ils laisseraient un pays en proie au chaos total. Demandons nous donc quelle solution saurait empêcher l’extrémisme de prendre le pouvoir à Bagdad mais aussi comment réduire le plus possible la fuite en avant pour que ce conflit ne soit pas une nouvelle guerre de 100 ans. L’image choisie par certains analystes fut celle des croisades avec son lot de raisons politiques et religieuses, et ne fut en fait qu’un prétexte pour pouvoir contrôler l’économie des flux de marchandises en provenance et à destination de l’orient. Les USA seraient-ils donc les nouveaux croisés, sans le lustre de ces illustres prédécesseurs ?