18 septembre 2012

Armes de destruction passive

On nous aura bourré les oreilles de ces armes de destruction. Depuis les tranchées et les gaz, puis Hiroshima et la fête à l'atome, devenue kermesse de la peur avec la guerre froide, en passant par les gaz sur les Kurdes (on revient toujours aux "bonnes vieilles méthodes"), jusqu'à celles jamais trouvées en Irak, ou bien tout récemment l'atome (encore lui!) en Iran, on agite constamment l'épouvantail d'armes de destruction massive qui, globalement, n'a pour seul but que d'entretenir la crainte et la xénophobie qui débouche tôt ou tard sur la haine. Je m'étonne encore que nombre de mes camarades puissent croire à ces fadaises concernant ces armes. Elles n'ont pas pour but d'être utilisées, juste de nous coller une trouille noire, la bonne grosse pétoche qui nous fait voter sécuritaire, qui fait pencher la balance vers le rejet de la différence, pour finalement légitimer des guerres aussi absurdes qu'inutiles. Qu'on se le dise, la destruction massive, ce n'est pas par l'annihilation d'une métropole que cela passera, mais par l'anéantissement de la conscience individuelle, et donc du bon sens commun.

Notez bien que cela fonctionne très correctement avec les masses qui aiment à se soumettre à des idéologies étriquées, qui, sous couvert de la préservation d'un héritage quelconque (culturel ou religieux) s'empresse d'essaimer haine et racisme à travers des rapports de force absurdes. Que penser d'un type qui crée volontairement un film insultant pour toute une communauté? Rien de bon, d'autant plus qu'un peu de bon sens lui aurait fait rapidement prendre conscience qu'un tel camouflet ne pourrait que mener à des réactions virulentes, si ce n'est radicales et violentes. A l'autre bout du spectre, quoi de plus pratique qu'une telle provocation pour taxer un état (et non l'auteur) de raciste, blasphème et j'en passe et des pires? C'est dans ce genre de situation qu'on fait naître le climat idéal pour des guerres à venir, pour des décennies d'incompréhension et d'instabilité politique. Ce n'est pas en agitant une bombe qu'on invite à se battre, un bout de pellicule couvert d'injures peut fort bien suffire.

Tout est question de méthode. L'art de déclencher des conflits est celui de trouver le sujet qui mènera forcément à l'affrontement politique et/ou moral, et non de provoquer l'adversaire par des menaces, ceci à travers de celui qui aura le plus gros potentiel pour anéantir l'autre. Notre regard doit absolument se poser sur l'Histoire pour ne pas rater de grandes vérités qu'on nous maquille, ceci sous prétexte de maintenir un équilibre supposé précaire. Prenons la guerre froide comme exemple: durant plusieurs décennies, capitalisme et communisme soviétique se sont observés, se sont armés à outrance, avec pour objectif affiché de détruire "celui d'en face" pour des questions d'idéologie. Derrière, que s'est-il passé? Que cette opposition n'avait pour seul but que de se partager le monde, de segmenter en blocs facilement identifiables les nations présentes sur la carte. Malheureusement, quand deux chiens hargneux se retrouvent de part et d'autre d'un seul et même grillage, ils finissent toujours par s'aboyer dessus, et bien entendu, attendre la première occasion pour se mordre. Ramenons cette allégorie du chien enragé à la politique, et soyons clairs: les politiques vendent de la haine, puis finalement les chiots que nous sommes finissent par mordre sans se poser de question sur le pourquoi de cette rage à l'encontre de celui de l'autre côté du grillage.

Qu'en est-il aujourd'hui? Aucune différence ou presque avec cette opposition entre les rouges et les autres! L'ennemi a glissé, il n'a fait que revêtir une autre image, celle du terroriste, de l'assassin d'enfants, du rétrograde qui embastille une gamine attardée pour avoir prétendument brûlé un livre sacré. En bref: l'ennemi passe et trépasse, on le remplace. A partir de là, la capacité de destruction des médias prend largement le pas sur celles des bombes. Prenons des évènements évidents: un dingue se prétendant affilié à un groupe terroriste sème la terreur. On fait quoi? On répète ce qu'il affirme, on le vend pour faire tant de l'image que du papier, et la conscience collective retiendra qu'il était un terroriste, et non un psychopathe usant de l'argumentaire religieux pour assouvir sa soif de massacre. Bien sûr que des enquêtes sont menées pour vérifier si, par hasard, le type ne serait pas un jouet de vrais groupes terroristes, mais qui s'en souciera dans l'opinion publique? Il est basané, il a braillé qu'il était un terroriste, alors c'en est un! Et là donc, on continuera à instrumentaliser la peur, l'arme sera à nouveau pointée sur nos tempes avec pour seul discours "soit tu es avec nous, soit tu légitimes les actes de ces barbares". Parfait comme choix, non?

L'usage voudrait qu'on soit critique, qu'on n'accepte ni ne tolère le filtre idéologique d'un tiers sous prétexte qu'il serait supposé en savoir plus que nous. Le principe même de la conscience humaine est de justement absorber des informations tout au long de l'existence, et non de se contenter d'un dressage aussi succinct qu'incomplet. Il n'est rien de plus dangereux que de se contenter que de ce qu'on nous dit, au lieu d'aller chercher s'il y a d'autres manières d'envisager les choses. Cependant, s'il fallait mettre en doute toute chose, cela voudrait alors dire ne pas se cantonner de se nourrir à une seule source, de ne pas boire qu'à une seule fontaine, et donc de faire la démarche de se déplacer pour voir "s'il y a quelque chose derrière la colline". Malheureusement, cela impose un effort, et pardessus le marché nombre de structures se délecteront de notre incrédulité en nous faisant passer pour des illuminés, ou mieux encore, pour des adeptes de la théorie du complot. Vous voulez intoxiquer un peuple? Nul besoin de sarin, contentez vous de lui faire avoir peur de son voisin, il se chargera fort bien de trouver des raisons de le haïr, que ce soit légitime ou pas d'ailleurs.

Au sortir de cette lecture, je peux affirmer que la passivité des gens est une arme en soi. Laissez le soin aux gens de faire bouger les choses, et vous obtiendrez l'immobilisme. Laissez une élite autoproclamée vous mener pour votre bien, et vous obtiendrez une dictature soit dans les faits, soit dans les esprits. La bienséance, la "normalité" ne sont là que des outils pour s'assurer de notre acceptation, et ce quelqu'en soient les raisons. Je vais énumérer quelques faits, et passez les au filtre individuel du "justifié, pas justifié", et surtout du "ils se sont foutus de nous!"
On rêvait d'une présidence allant vers le progrès, et l'on va vers une austérité qu'on reprochait au prédécesseur. Est-ce que l'austérité passe mieux avec le sourire ou la face bonhomme?
On espérait que les guerres cesseraient, or la tendance mondiale est plutôt aux conflits, qu'ils soient économiques ou militaires. Aurait-on vendu de l'espoir bidon en balançant du "yes we can"?
On a nos épouvantails, on s'en sert à outrance, quitte à friser le ridicule. Une provocation d'un vidéaste qui vend de la haine sur pellicule n'est-elle pas en soi un accessoire idéal pour permettre des actions telles que des meurtres, des manifestations menaçantes, ou encore légitimer l'embrigadement de jeunes dans des idéologies radicales?
Quelle différence faire entre des mouvances supposées libertaires de pirates qui s'octroient le droit de faire justice (par le truchement du piratage informatique) et le KKK qui assassinait (et assassine encore)des gens pour leur couleur de peau? Juge, jury et bourreau?
Où est la liberté de penser quand une vérité se voit censurée parce qu'elle dérange?
Quelle liberté dans des nations qui s'offrent une législation autorisant les écoutes, l'espionnage de nos conversations numériques, qui autorise à des sociétés privées de prendre le pas sur la société publique? Où est la citoyenneté quand celle-ci devient la propriété indirecte de grandes entreprises?
Où est la légitimité d'une société à faire du chantage à travers l'eau, le gaz ou l'électricité? Dans quelle société peut-on décemment décréter des augmentations drastiques des prix, tout en sachant que cela pénalisera les petites gens?
Peut-on encore parler de démocratie quand le droit de penser n'est plus qu'une vague utopie? On a mis en prison des gens pour des "délits" parce qu'ils avaient eu le malheur de critiquer des oligarques. Critiquez donc une entreprise de manière ouverte, et appréciez donc de vous voir passer au tribunal, tout ça pour délit d'opinion… Quant bien même l'opinion se révèle être une vérité.

Nous sommes tous des armes de destruction passive. Nous sommes passifs, donc nous armons les gouvernants. Nous sommes passifs donc nous acceptons leurs décisions. Nous sommes passifs, donc nous renions notre droit à réfléchir et à décider. Refusons cet état de fait, car la démocratie c'est par le peuple et pour le peuple.

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