08 juin 2011

En référence au baccalauréat

Enoncé :
« Qu’est-ce que le culot ? »

Réponse :
« C’est ça. »

Cette vieille boutade sur l’examen de philosophie du baccalauréat me semble aujourd’hui bien lointaine. En effet, du haut de mes presque 34 années d’existence terrestre, je me rends à présent compte que mon BAC est, comme un bon whisky, gardé en cave depuis 16 ans. Amusant, quand j’y pense, ce temps qui passe : on parlait encore en Francs, la France allait passer de la « gauche » de tonton à la droite des pommes, et nous étions tous convaincus (les étudiants s’entend) que l’avenir passait par une révolution. Hé oui, les esprits malléables de la jeunesse, à qui l’on inculque que le progrès est forcément de virer à gauche. Enfin bref, je ne me faisais pas que des amis en revendiquant bien haut et fort que je contestais ces idées, ce qui m’a valu l’inimitié de certains professeurs, et, étrangement, une forme d’amitié avec mon professeur de philosophie.

Le professeur de philosophie, parasite universitaire des établissements inférieurs, a généralement le visage d’un type torturé, aux idées débridées, et à la tenue cliché qui fait songer au cercle des poètes disparus, et non à un cours magistral sur la pensée unique. J’ai d’ailleurs du mal à saisir le sens profond d’aller coller un prof de philo dans un lycée technique, quand plus de la moitié des élèves qui s’y présentent au BAC sont quasi illettrés… Probablement une lubie de l’éducation nationale espérant enfourner quelques vertus morales dans les crânes mous d’élèves, alors que la priorité serait d’y caser quelques notions fondamentales de français, mais là je diverge du sujet initial. Bref, la philosophie, c’est le parent pauvre de l’éducation dans les sections autres que littéraires, et qui plus est le cours qu’exècre généralement les étudiants.

Mais pourquoi une telle hantise du cours de philo chez ces chers remplisseurs de copies doubles A4 ? Parce qu’il est difficile de mettre en équation des choses qui n’ont pour seul support que la pensée ; Un adolescent, c’est plutôt rare que cela pense. Un ado, cela réagit, cela agit, quitte à se planter lamentablement. Dans ces conditions, demander à un gamin se croyant adulte de jouer avec l’abstraction, l’antithèse, le débat moral, c’est comme demander à un singe de résoudre des équations du second degré ! Alors, les copies du BAC sont majoritairement d’une platitude exemplaire, une sortie de mélasse réchauffée au fourneau des clichés généreusement servis par le professeur quelques semaines avant la date fatidique, et dont la seule lecture a de quoi faire grimper l’action BOIRON en bourse. De ce point de vue, encore, le BAC de philosophie se révèle donc un bon examen sur le bachotage, mais certainement pas un contrôle de la capacité de réflexion des élèves. Pire encore, tout élève un tant soit peu lucide gardera pour lui ses opinions, ceci afin de se conformer à la « morale » prévue dans le dit examen. Il serait en effet stupide de défendre une chapelle différente de celle qui vous donne la note finale, non ?

Après, on pourra me dire que la philosophie, c’est s’ouvrir l’esprit, s’approprier des concepts complexes, s’affranchir des clichés, et constater que l’homme a toujours pensé aux questions fondamentales. Soit : Socrate n’est pas né hier, tout comme il y a une littérature foisonnante d’auteurs qui sont encore d’une criante actualité. Ca, je ne peux qu’en convenir avec honnêteté. Par contre, avant d’espérer pétrir nos chers bacheliers avec du Kant, ne serait-il pas plus approprié de mettre la philosophie à leur portée ? Le « Je pense, donc je suis » est magnifique, bourré de sens, et fait gamberger depuis un paquet de temps… Mais est-ce que cela effleure réellement celui qui vise son BAC ? J’en doute. Je garde un souvenir émouvant de cette époque où, comme souvent, je faisais le contraire de ce qu’on pouvait attendre d’un élève moyen. Quand d’autres lisaient l’équipe pour savoir le dernier ragot sur le football, je m’envoyais des dizaines de livres, dont quelques classiques politiques comme le capital (bien qu’il soit d’un ennui profond de le lire dans son ensemble). Quand d’autres absorbaient des pages et des pages du livre de philosophie, ceci afin de formater leur future « composition », je lisais les auteurs cités, plutôt que leurs pseudo explications faites de raccourcis et autres omissions chroniques. Plus passionné des lettres ? C’est possible, mais c’est aussi et surtout parce que je ne tolérais pas qu’on m’enfonce dans le crâne des vérités sans que je sois en mesure d’en peser la valeur.

Amusante anecdote : mon professeur de philosophie m’a réellement apprécié le jour où, face à une dissertation ordinaire sur la liberté et ses limites, je me suis fait l’apôtre de la dictature. Amusé par ma manière de répondre à la question, tout en refusant la facilité, celui-ci m’a alors avoué, des années plus tard, qu’il avait eu un fou rire en constatant mon indéniable sens de l’ironie (selon lui je précise). Comme quoi, il y a parfois des professeurs se sentant investis par le plaisir de voir l’esprit chez leurs élèves, quand d’autres ne voient que des espaces de stockage à informations formatées et préparées à l’avance. La philosophie, à mes yeux, c’est comme la cuisine : si l’on vous livre un plat tout préparé en barquette, n’espérez certainement pas y trouver une quelconque finesse. En revanche, si vous préparez vous-même votre plat, si simple et élémentaire qu’il soit, vous y trouverez toujours la petite différence qui saura vous satisfaire…

Alors les bacheliers qui se seraient perdu dans mes lignes, ça pique toujours autant, de rester des plombes prostré face à un sujet aussi incompréhensible qu’inintéressant ?

1 commentaire:

jerome b a dit…

aller coller un prof de philo dans un lycée technique...cela s appelle l ouverture d esprit qu ils puissent se rendrecompte de ce que c est.mais apparement ca ne rend ni cultive ni intelligent