31 mai 2011

Un drapeau qui flotte

C’est en observant par l’une des fenêtres de mon bureau que je peux, au quotidien, observer un drapeau tricolore qui bat au vent. Engoncé entre des bâtiments ternes, il semble pourtant flotter dignement, insouciant de l’expansion de la ville qui le cerne sans vergogne. Pourquoi est-il là ? Est-ce une école, une caserne quelconque, une administration ? Ce n’est pas là le plus important, ce qui compte, à mon sens, c’est le rôle qu’il est supposer jouer dans ce paysage urbain morne et sans véritable autre relief que la rectitude crasse des immeubles anonymes. Pourtant, ces dernières années furent le théâtre d’une forme de réaction, à savoir que brandir cette bannière est dorénavant non pas un acte patriote, mais perçu comme un acte nationaliste. Alors, en le voyant claquer, onduler, je me demande ce qu’il représente encore en France…

Et c’est là une question on ne peut plus fondamentale ! La foule n’a eu de cesse d’exacerber le débat de « l’identité nationale », comme s’il s’agissait là d’un dialogue nauséabond. On a eu le droit à tout : à des analogies avec le régime de Vichy, à des sous-entendus parlant à mots à peine couverts de nazisme et j’en passe. De là, je me suis interrogé avec perplexité sur le sens même de ces attaques : était-ce tourné contre le débat lui-même, ou contre le gouvernement en place ? Dans un cas comme dans l’autre, j’ai eu l’impression que le racisme ne se trouvait finalement pas là où on le prétendait. Pourquoi refuser de dialoguer sur cette question fondamentale qu’est de savoir ce qu’est un Français aujourd’hui ? Est-ce si dérangeant de se demander à quoi ressemble le citoyen moyen, l’homme de la rue, vous, moi, les autres qu’on croise à longueur de journée ? A ma connaissance, la seule chose qui soit véritablement dangereuse, c’est d’associer, justement, la dialectique fasciste au débat, au lieu de se concentrer sur le fond. Alors, dans ces conditions, la question ne fut, d’une part, pas résolue, et d’autre part, s’est révélée une bonne manière de cristalliser les opinions négatives envers le président en poste. Joli détournement médiatique, non ?

Celui qui use et abuse du terme « fascisme » est celui qui le pratique avec le plus d’aisance. C’est un constat fondamental, parce qu’il faut bien se dire que se voir étiqueté « fasciste », c’est un raccourci confortable pour faire de vous un monstre, une sorte d’horreur inhumaine qui n’a pas le droit à la parole, ni à celui, élémentaire, d’avoir des opinions. Mais celui qui vous estampille de la sorte, n’est-il pas lui-même le fasciste qu’il redoute justement ? Pourquoi aimer sa patrie est alors considéré comme un acte fascisant ? Probablement parce qu’il faut bien ménager tout le monde, les déçus de la république, les mal aimés, ceux qu’on laisse sur le bas côté sous prétexte qu’ils sont différents… Mais cela ne fait pas pour autant de vous un fasciste, un assassin, un bourreau en puissance ! Le patriotisme est aujourd’hui quelque chose d’apparemment malsain, à tel point que se dire amoureux de sa nation passe pour un propos hors sujet. Je conteste : le patriote aime sa patrie, ses compatriotes, sans distinction de race, de religion, ou de quoi que ce soit d’ailleurs. Je suis donc particulièrement en colère quand on me dit que le débat sur l’identité nationale n’aurait jamais dû avoir lieu ! Si l’on n’en parle pas, comment trouver une place décente à ces générations d’immigrés qui, parce qu’ils n’ont pas le teint de peau qui convient, ne sont pas traités dignement ? Comment ne pas les plaindre, parce qu’ils ne sont pas Français (vu qu’une part de la population les vois juste comme des « étrangers »), pas plus qu’ils sont encore de leur nationalité initiale (puisque né en France, donc, paradoxalement… à l’étranger). Et parler de ça, s’interroger sur les choses à améliorer, c’est malsain ? Je peux alors comprendre, mais pas accepter pour autant, que certains aient une forme de haine contre le drapeau tricolore.

Avoir sa place dans notre société, c’est savoir se trouver une position où tout ce qui nous constitue, à savoir l’identité morale, sociale, et même religieuse, ne pose pas de problème pour autrui. La tolérance, cela passe par le dialogue, et le refuser, c’est le meilleur moyen d’exacerber les frustrations. Je suis profondément malheureux pour celles et ceux qui ne savent plus qui ils sont, parce que nous avons tous une part de responsabilité dans le cercle de l’intolérance. Depuis les propos racistes, en passant par des clichés xénophobes, jusqu’à la mise au ban des gens pour des questions ethniques, nous ne sommes pas des exemples à suivre, loin s’en faut. Et pourtant, on ne veut surtout pas aborder le sujet de manière ouverte, afin de pousser sous les tapis de la république la crasse de notre incurie morale. Il est donc alors évident que le patriote sera un nationaliste.

Et le drapeau, là, que je vois en ce moment même, se fout de ces considérations. Il flotte, il nous représente, que cela nous plaise ou non. Il a été l’étendard des courageux comme celui des pleutres et des vrais fascistes. Il a été le symbole du sang versé pour la patrie et, en droite ligne, pour le peuple de France. Cessons un peu de se mentir, agissons comme ce drapeau : battons fièrement au vent, malgré les tempêtes, malgré les désillusions. La France a besoin de chacun de nous, de nationalité Française ou non. Elle a besoin que nous sachions travailler de concert pour que notre avenir, sous les trois couleurs, soit celui de l’unité, et non de la déliquescence de la culture et de l’histoire d’un grand pays. Nous ne devons surtout pas accepter n’importe quoi, d’autant plus quand il s’agit du respect de soi. Aimer la France, cela va au-delà des clichés, des idées reçues. Aimer la France, c’est nous aimer nous-même… Enfin, c’est ainsi que je le perçois.

Je précise, à celles et ceux qui seraient tentés de me dire fasciste ou xénophobe, que je moi-même fils d’immigrés. De fait, je crois fermement que l’immigré n’est pas l’ennemi à abattre, ce n’est que notre peur de l’autre qui l’est.

2 commentaires:

Randolf Carter a dit…

Bonsoir à vous.

Citation : "Pourquoi refuser de dialoguer sur cette question fondamentale qu’est de savoir ce qu’est un Français aujourd’hui ? Est-ce si dérangeant de se demander à quoi ressemble le citoyen moyen, l’homme de la rue, vous, moi, les autres qu’on croise à longueur de journée ?"

Ce n'est pas tant le fait de débattre (l'humain est bavard par nature) qui m'ennuie, mais les concepts mêmes qui seraient censés être l'objet du débat.

Ainsi le concept de "Français". Etant juridiquement défini, il ne souffrira pas de débat, sauf dans le cadre des institutions législatives. Passer outre, avec derrière la tête des relents "d'appel au peuple", comme un certain Eric S. le fit il y a peu, me semble extrêmement dangereux pour un état de droit.
Et si nous admettons ce fait, alors la question de départ n'a plus de sens.

Plus dangereux encore à mon sens est la seconde question (ou plutôt le second aspect de la question) :
"à quoi ressemble le citoyen moyen ?"

Ouvrant de grands yeux ahuris, d'aucuns me demanderont : "Mais pourquoi dangereux ?"

Parce que le "citoyen moyen", ça n'existe pas, ou du moins pas encore !
Parce que d'aucuns aimeraient bien que cette notion passe du stade de concept purement abstrait à l'expression d'une réalité tangible. Toujours est-il que ce n'est pas encore le cas.

Alors de quoi discuter, ami et cher camarade, si d'une part le fait "d'être Français" n'est pas discutable, et si d'autre part le terme de "citoyen moyen" ne recouvre qu'une notion statistique actuellement non définie ?

Pour aller juste un peu plus loin : dès qu'on a la volonté de caractériser, catégoriser un groupe humain (les "ceci", les "cela"), on se heurte, si on est de bonne foi, à des difficultés considérables.
Parce que, là encore, ces moyens de caractérisation ne sont que statistiques, et avec, de plus, un arbitraire total quant à la définition des critères statistiques, des méthodes et moyens de traitement des données, d'exploitation de celles-ci, etc.

Pour conclure, je n'ai rien contre ce drapeau qui sert d'argument à votre article. Il représentera, soit l'appartenance à un groupe juridiquement défini, tant au plan national qu'international, soit, pour d'autres, une marque d'appartenance à un groupe de type tribal, mal défini, ou plutôt défini par ses membres autoproclamés. Et cette dernière considération, en tant que citoyen français, je ne saurais l'accepter.
En vous souhaitant tout le meilleur,
Randolf Carter

JeFaisPeurALaFoule a dit…

Je vais avoir la dent dure... parce que le commentaire, bien écrit, argumenté, me semble user d'un argument passablement "lâche", parce qu'il se réfugie derrière plusieurs choses que je n'accepte pas.
1) La loi ne définit pas le Français au sens où je le conçois. Ocrtoyer une nationalité, ce sont effectivement des droits, mais également des devoirs. Lorsque ces devoirs réciproques ne sont pas effectifs, alors l'identité de la personne est douteuse. Tant quelqu'un qui n'agit pas de manière citoyenne en respectant les symboles des institutions, que les instutions qui ne respectent pas ses citoyens sont à montrer du doigt. Et ce ne sont pas des lois rustine, des arrangements divers et variés qui sauront corriger cette dérive inacceptable.

Notons également une chose flagrante: la remontée du FN est élémentaire et normale, parce qu'elle se nourrit du mécontement des gens qui, justement, demandent à comprendre pourquoi l'on se déclare "français" sans en assumer les devoirs fondamentaux. Et qu'on n'aille pas me parler des immigrés, il s'agit notamment de l'abstentionnisme de masse, des corporatismes rétrogrades cambrés sur des avantages antédiluviens et injustifiés, tout comme celles et ceux qui ne voient la France que comme une vache à lait.
2) Se refuser à admettre que la France se doit d'identifier qui sont ses citoyens, c'est fantasmer clairement sur une société qui n'existe pas. Il ne s'agit pas seulement d'une problématique de natonalité, mais surtout et avant tout de responsabilité individuelle et collective concernant cette identité. C'est tout particulièrement utopique, pour ne pas redire lâche de se réfugier derrière le simpliste cliché du "c'est raciste comme attitude". Non: ça n'a rien de raciste. Ce qui l'est, c'est de refuser d'admettre que la France change, et qu'il faut savoir la regarder en face, pour en accepter les progrès, même s'ils sont bien trop lents (comme l'intégration inachevée, pour ne pas dire bâclée et gâchée des immigrés).

Et je me doutais, pour finir, que j'aurais un commentaire de ce calibre. Je me fais donc un plaisir d'y répondre de manière circonstanciée.

Bonne soirée à vous aussi.