25 novembre 2010

Super héros

Quelle branche étrange de la BD que celle des supers héros ! Autant ils apparaissent de prime abord très lisses et colorés, autant les regarder de plus près fait songer qu’il n’y a pas qu’une seule dimension pour les personnages de fiction. En effet, difficile de réduire certains d’eux à des bagarreurs amateurs de justice, car souvent ils sont torturés par des aspects autrement plus profonds qu’un simple désir d’équité et de liberté : insertion sociale impossible de par un aspect physique étrange, difficultés de communication, interactions complexes à cause de pouvoirs encombrants voire même dangereux, être un super héros n’est pas aussi agréable qu’il y paraît, loin de là même.

Les grands titres du genre ont abordé avec une certaine efficacité le sujet : racisme contre les « mutants » (X-Men), fuite en avant d’un scientifique incapable de contrôler son pouvoir dévastateur (Hulk), ou encore dérives de la science et de l’atome (araignée radioactive donnant lieu à l’apparition de Spiderman, ou encore Serval qui n’est qu’un cobaye de laboratoire ayant réussi à s’évader). Tous ces personnages sont donc dans un monde inadapté à eux, où avoir un pouvoir supérieur aux humains ordinaires représente une menace, où la différence est perçue comme un danger immédiat, et où l’homme refuse d’appréhender qu’il puisse être un être faible, un mammifère comme les autres. En y réfléchissant bien, comment réagirions nous si, finalement, il s’avérait que les pouvoirs surnaturels dont parlent certains (et qu’on tourne souvent en dérision) étaient réels ? Nous serions alors face à un problème autrement plus grave qu’une éventuelle « évolution » de l’espèce ! Un tel aurait une force surnaturelle ? Qu’est-ce qui pourrait alors l’empêcher d’en faire usage pour ses propres intérêts ? Un autre pourrait lire nos pensées ? Serait-ce la mort de la vie privée ? Et un dernier qui est capable de déplacer les objets par la pensée ? Comment le contrôler s’il est apte à devenir virtuellement invulnérable ?

D’un point de vue scientifique, je suis un éternel perplexe à ce sujet, bien que je ne sois pas réfractaire à l’éventualité que ces pouvoirs existent. A mes yeux, n’ayant jamais eu l’opportunité de rencontrer qui que ce soit détenant de telles facultés, et ayant majoritairement assisté à du charlatanisme grand teint, je suis tenu non de nier l’existence du paranormal, mais simplement de dire « pas vu, pas accepté ». La démarche est réductrice, j’en conviens aisément, toutefois je me refuse pour le moment de souscrire à des illusions, à des tours de « magie » aussi douteux qu’utilisés pour épater la galerie. Si l’on se contente de chercher l’équation de mise en exergue des pouvoirs surnaturels, nous en sommes donc à des balbutiements, et surtout à des actes pathétiques de publicité. Ceci étant dit, il y a une opinion totalement opposée qui sommeille en moi, et c’est en cela que je reste quand même ouvert à la contradiction sur le surnaturel : les études sérieuses menées par les gouvernements. On le « sait », la guerre froide fut une époque de recherches tous azimuts, et le paranormal ne fut pas épargné : médiums, télépathe, études sérieuses et circonstanciées sur l’activité cérébrale, les sciences sérieuses furent donc mises à contributions pour aller vérifier si les sciences occultes seraient capables de fournir des réponses à des problématiques telles que l’interrogatoire ou l’espionnage. Ridicule ? Plus tant que cela, surtout s’ils sont parvenus à des résultats concluants.

Notre quête permanente de savoir, d’amélioration de la Vie, d’allongement de l’existence, toutes ces sciences mises à contribution pour notre bien-être (et surtout le bien-être financier des laboratoires pharmaceutiques) peuvent potentiellement mener à des réflexions plus dangereuses comme l’amélioration physique et mentale des humains, ceci à des fins militaires. Un soldat qui ne dort plus, c’est un soldat opérationnel plus longtemps. Un soldat capable de tenir des semaines sans s’alimenter, c’est un soldat qui nécessite moins de ravitaillement. Un soldat capable de soulever 300kgs, c’est un soldat apte à terrifier l’ennemi non « amélioré ». Et quid de notre identité physique ? Quid de notre humanité ? Les supers héros, aussi opérettes qu’ils apparaissent dans les BD pour enfants, aussi sombres qu’ils peuvent être présentés dans les films (voir le premier et le dernier Batman pour saisir l’idée), n’en restent pas moins des personnages, souvent des caricatures, et toujours des étiquettes rigoureuses faciles à identifier.

Mais il y a un point plus adulte à voir dans les supers héros, et cela rejoint étrangement ma réflexion sur les sciences, c'est-à-dire l’usage démesuré des pouvoirs, ainsi que la finalité de cette utilisation. Pour un héros, il faut un ennemi. Pour que l’ennemi soit réellement dangereux, il doit être au moins au niveau pour que la confrontation ait un suspens. Mais, si l’on y songe, n’est-ce pas là aussi une propagande ? Captain America n’est-il pas l’archétype du « héros à l’Américaine » ? On peut véhiculer des opinions limites malsaines dans ces personnages faussement enfantins. Typiquement, on me présente Iron Man comme étant un méchant devenu gentil, un riche ayant mis au service du bien son argent et ses compétences. Je dis que c’est particulièrement faux, puisqu’il use, par devers les gouvernements, ses armes et ses idées, et que tuer ne semble pas le terrifier outre mesure. Pire encore, le personnage devient membre d’une organisation secrète... Secrète ?! Donc sans contrôle ni obligation de rendre des comptes ? Et qui contrôle réellement l’organisation ? L’état ? Des riches férus d’une justice basée sur l’autodéfense ? Je n’y vois rien de plaisant, surtout si cela pouvait devenir réalité. D’autres personnages sont tout aussi inquiétant : Batman est névrosé après le traumatisme de la perte de ses parents, et devient un justicier de la nuit, impitoyable et intraitable, V (dont j’ai déjà parlé), bien que chantre de l’indépendance intellectuelle et politique, se révèle aussi être quelqu’un voulant appliquer une vengeance implacable et mortelle envers ceux qui l’ont torturé et défiguré. La fin justifie les moyens ? Et si, dans V, l’ennemi n’avait pas été l’état totalitaire, mais des personnes sans lien avec le pouvoir ? Qu’aurait donné ce personnage ? Aurait-il lutté contre l’oppression dogmatique, ou se serait-il contenté de mener à bien sa croisade très personnelle ? Je vous laisse réfléchir à la question, car moi, je n’ai pas de réponse simple à donner. J’espère simplement que V aurait été aussi sincère contre la dictature, quelque soit les conditions initiales de son drame personnel...

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