18 août 2010

Révolutionnaires de canapé

La mode est à la contestation, à la critique permanente des « élites », des scribouillards, des entreprises, de l’argent, des traders, bref, de tout ce qui s’avèrent être des symboles de notre monde moderne. Entre un Internet diabolisé (pornographie, pédophilie, pirate…), et une communication mal maîtrisée, au quotidien, par nos élus, il y a de quoi exacerber certaines frustrations. Alors, on communique sur les salaires scandaleux des sportifs, sur les malversations des patrons, et l’on met le tout, servi tiède et fade, sous le nez d’une foule qui a pour principale préoccupation de savoir de quoi demain matin sera fait. C’est tellement plus simple d’occuper une foule avec des « affaires » souvent bidonnées, souvent tronquées, et jamais correctement expliquées, que de la laisser s’inquiéter des vrais problèmes de fond.

Depuis que j’ai conscience des choses, j’ai toujours entendu des discours révolutionnaires. Le « ça va péter, je vous le prédis » est un récurrent, à tel point que j’en suis venu à me demander s’il ne s’agit pas là d’un simple slogan, plus que d’un désir réel de remettre en cause le fonctionnement de notre société. Ah, cette jeunesse imberbe qui idéalise la révolution, qui voit en l’anarchie une solution à l’oligarchie et à la ploutocratie ! Que tu es belle, dans tes espoirs enfantins, à porter le ruban rouge contre le Sida, le signe de paix, et le « no future » des punks d’antan ! Et pourtant, c’est toi, jeune con avide de libertés qui, dans vingt ans, votera pour un discours sécuritaire et outrageusement populiste. Et ce n’est pas nouveau d’ailleurs : le mai 68 des élites fut un pet dans le vent, car ces mêmes élites sont celles qui nous dirigent, gèrent le capital, et pressurent sans vergogne l’ouvrier. Alors l’idéal révolutionnaire, vous savez, c’est comme la mayonnaise : elle assaisonne correctement les plats, mais ça se garde très mal, et puis ça n’est pas la panacée pour les vrais grands plats.

Je raille cet esprit révolutionnaire, mais ce n’est pas dans l’esprit de me moquer des espérances qui s’évaporent. Au contraire, je tiens à ce que ces rêves perdurent, car certains continuent à y croire, même après la désillusion du quotidien. Pour peu qu’il y ait un anar’ parmi cette masse de fils de bourgeois qui continue à y croire, alors il n’y aura pas totalement eu échec des espérances de Bakounine. Ceux là, ceux qui portent encore la parole de la révolte, il faut les écouter, tout en prenant des pincettes bien entendu. Toute révolution n’est jamais bonne à prendre, car la révolution n’a jamais menée qu’à la guerre, puis à la dictature. 1789,1917, les révolutions violentes finissent toujours en despotisme et en idolâtrie d’un « sauveur ». De ce fait, c’est la révolution en douceur qui doit s’amorcer. Gandhi avait raison : la violence ne mène qu’à la violence, et la révolte passive a fonctionné, du moins un temps, en Inde.

Malheureusement, là je parle de convaincus, de vrais, de purs idéalistes. Mais combien de révolutionnaires de canapé qui gueulent à qui va devoir l’entendre, qu’ils veulent la révolution ? A tous ces abrutis, à ces ramollis de l’opinion impersonnelle, je vous dis merde. Vous salissez ceux morts sur les barricades de la commune, vous outragez les mémoires de ceux qui se sont battus pour un avenir meilleur. A vous tous, abreuvés de télévision malsaine, de malbouffe, gavés par les journaleux prompts à vous vendre des opinions mâchées et incomplètes, je vous conseille promptement de changer de crèmerie et au plus vite. Le monde va mal ? Mais il s’est toujours mal porté. Le capital, la dictature du bien pensant, le pouvoir des despotes, l’oppression policière, ce ne sont pas des nouveautés ! Il y a toujours eu quelque chose pour opprimer, comprimer, et censurer les idéaux. Faites vous vos opinions, mais cessez donc de vous contenter de celles qu’on vous sert au 20 heures bordel !

Pratique, cette tendance à noircir tous les tableaux. Une entreprise disparaît, on vous en fait des tonnes pour que le péquin moyen ait la trouille pour son job. Une crise sanitaire apparaît, et hop dans la foulée on fout la pétoche à grands coups de slogans parlant de nouvelle peste et j’en passe. On parle d’immigration, et voilà qu’on nous montre les campements des roms, qu’on nous parle d’un durcissement de la politique de répression des sans-papiers. Anxiogènes ? Pas seulement : cela permet aussi de pousser une part de la population vers une révolte contenue, une révolte juste verbale et inactive. Alors, cette même part de révoltés se contentera de ne pas voter, soutenant ainsi les extrémismes les plus nauséabonds. 2002 ? Les gens ont réagis, poussant le pseudo ras-le-bol jusqu’à l’abstention massive. Résultat des courses : pas de révolution, pas de barricade, mais un Le Pen au deuxième tour. Merci qui ? Les révolutionnaires de canapé.

Merci à vous, les trous du cul du monde, les nombrils du peuple. Merci à vous de nous donner les élus que l’on mérite, de nous donner les lois auxquelles on a le droit. C’est ainsi, grâce à vous, que nous pourrons, un jour peut-être, rêver, en parlant au passé, de nos libertés perdues. L’action, elle ne se fait pas que dans le salon en sirotant une bière. C’est aussi en se déplaçant pour voter, c’est en s’instruisant, c’est en réagissant, en argumentant. Il faut oser parler aux autres, exprimer et défendre son point de vue. Militer ? Oui, si c’est avec conviction. J’ai refusé de prendre la carte d’un syndicat pour lequel j’ai été élu dans mon entreprise. Pourquoi ? Parce que je n’ai pas voulu de leur étiquette. J’ai revendiqué, à mon niveau, que je voulais agir dans le bon sens. Pas pour la place, pas pour le statut de « protégé ». En refusant ma carte, j’ai refusé la protection du dit syndicat. Vous n’êtes pas tenus à adhérer à un parti, à une doctrine. Au contraire, soyez critiques, jouez l’alternance, mais uniquement en connaissance de cause.

Votez.

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