02 décembre 2009

Vérité bicéphale

Résumer les choses au terme Vérité est une des pires erreurs qui puisse être commise par l’Homme. En quête de réponses, nous courons après l’illusoire et dangereuse vérité unique, celle qui serait supposée immuable et universelle… Or, c’est strictement l’inverse qui se produit, car c’est pour cette vérité maudite que nous avons tué, envahi, massacré et détruit le monde et les hommes sans pitié ni vergogne.

C’est séduisant d’avoir un raccourci intellectuel ou moral, notamment quand les questions sont d’ordre métaphysique. Si l’historien admet plusieurs visions de la même situation, si le scientifique s’appuie sur des théories parfois contradictoires, le théologien par exemple sera le chantre de l’universalité de ses réponses. Universelles ? Où cela ? Si l’on prend les questions fondamentales comme ne pas tuer, ne pas tromper, ne pas voler, on pourrait espérer des choses très proches d’un aspect juridique, mais l’on constate, au fur et à mesure des lectures, que ce n’est pas le respect de la vie ou d’autrui qui prime, mais le respect de sa propre foi. Meurtres, tromperies, les ouvrages « sacrés » regorgent donc de réponses qui se voient infirmées par les écrits eux-mêmes, mais le tout avec la réconfortante affirmation que l’homicide peut être commis pour une bonne cause. Une Vérité en somme.

Celui qui croit qu’une seule réponse convient oublie forcément d’observer le monde tel qu’il est. Moi, comme chacun d’entres nous, j’ai le doute qui m’assaille, l’hésitation aux tripes, et l’envie de ne pas faire le mauvais choix. Or, le choix s’impose à l’homme et non le contraire. Choisir de survivre, choisir de se battre, ces questions se posent à nous, et nous réagissons pour le mieux, avec toujours la possibilité de se tromper, et ce de manière dramatique. Le dogmatisme, qu’il soit politique ou religieux, est une arme terriblement puissante car elle affirme une seule voie de réflexion, et la rend facile à assimiler. Ne croyez pas qu’il s’agisse là que de fascination pour un dictateur charismatique, ou pour une symbolique forte d’ordre et de discipline. L’homme aime que tout soit clair, bien rangé, bien trié et ordonné. Et quand on vous explique de manière caricaturale le monde, mais que cela devient une « vérité », alors soyez en certains, il y aura énormément de gens prêts à avaler les plus grosses couleuvres.

L’honnêteté personnelle est impossible, car nous fondons notre existence sur notre perception de soi, et ainsi sur un fond qui est teinté d’expériences, mais aussi et surtout de préjugés. Faire abstraction de nos idées déjà formatées est d’autant plus difficile quand le sujet nous touche personnellement. La froideur est une tare sociale, et même une maladie mentale (le sociopathe). De ce fait, c’est à la lumière des idées contradictoires, des débats, des analyses que nous devrions pouvoir raisonner sur la vérité, et en tirer le plus de conclusions possible. Seulement, c’est demander à certains de revenir sur des fondamentaux personnels, et c’est souvent inacceptable. L’exemple très connu est celui des pilotes de bombardiers de la seconde guerre mondiale, ou plus récemment au Vietnam. Tous savent pertinemment le résultat des raids, les civils, les morts, les brûlés, mais tous se réfugient dans le devoir, le respect de l’ordre donné, bref, derrière la seule vérité qu’ils ont admis à l’époque : l’ordre doit être suivi d’obéissance aveugle. Ainsi, l’armée, dans ses pires moments, devient tout aussi dogmatique que n’importe quelle secte utilisant ses adeptes pour des tâches terribles.

Où se cache la Vérité ? Derrière les écrits, les analyses, les paroles ? Comprendre l’instant présent, c’est tout aussi difficile que de comprendre le passé. Nous ne savons que ce que nous recevons en héritage de nos ancêtres, et tirons des conclusions que sur des fragments de vérités éparses et surtout, modelables. Le livre écrit par Jules César sur la guerre des Gaules avait évidemment un but de propagande, et ne recense que quelques moments d’échecs. La perfection n’étant pas de ce monde, le livre relate des « faits » à la manière d’un livre d’aventure, entretenant le suspens à coups de demi échecs, ou de l’arrivée de nouveaux protagonistes. Malgré toute la suspicion d’exagération et de déformation que porte l’ouvrage, il n’en demeure pas moins une référence sur laquelle s’appuient des milliers de thèses et autres analyses. Alors, vérité temporelle ? Ce que l’on comprend du passé dépend forcément de l’instant présent. Une chose est sûre, notre vision des choses ne peut être séparée de notre conscience (politique et morale), et donc déformée.

C’est sûrement pour cela que je ne crois pas en la réponse unique, en la solution parfaite. Le doute et la contre expertise se doivent d’être circonstanciées pour permettre une plus large vision des choses. Prenons un petit exemple : le droit à l’avortement. Aujourd’hui, cela semble (plus ou moins) entré dans les mœurs, et nul ne s’offusque plus quand une femme prend la pilule. Mais à l’époque, la réaction a été terrible, Simone Veil traitée ouvertement de « pute » et j’en passe. Notre regard se pose sur ce passé comme si nous pouvions nous croire plus évolués qu’eux à l’époque. Sauf que nous avons tous des discours aussi rétrogrades aujourd’hui encore sur d’autres sujets : le mariage homosexuel, l’adoption par ce même couple… Et ce ne sont que deux perspectives qui se doivent de progresser. Je crains que cela ne se fera que très lentement, alors que nous prétendons être des progressistes. Fumisterie de la « vérité » à une seule facette, seule « vérité » que nous acceptons d’entendre : nous sommes des intolérants qui se mentent grossièrement en trouvant des excuses invalides, mais utilisant des doutes légitimes. Espérons que nous saurons faire fi de cet acharnement à jouer les passéistes.

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