02 décembre 2009

Echanges de courrier avec Corbier

Chouette, une rime dans le titre, je vais pouvoir faire le malin et apparaître « culturé » ! Eh oui, le titre est explicite : j’ai eu le grand plaisir de pouvoir échanger quelques propos avec monsieur François Corbier (voir le texte de la veille), et ainsi pu avoir quelques précisions de sa part. J’ai été flatté qu’il prenne le temps de me répondre de manière aussi complète et circonstancié, et heureux de pouvoir admirer sa culture et ses connaissances.

Je vous préviens toutefois, j’ai remis le tout sous forme de « questions réponses », de sorte à rendre le tout lisible et agréable pour vous, chers lecteurs. Si vous souhaitez une transcription exacte, il suffira de le demander par le biais des commentaires. Je précise également que c’est avec l’accord de monsieur Corbier que je diffuse cet échange ci-dessous !

(Bordel, que je suis content !)

Voici la première partie de l'échange.

JFPALF : Tout d'abord la sempiternelle forme de politesse... Bonjour, ou bien bonsoir!

Bercé des années durant par les voix et les exubérances du "club Dorothée", je me suis un jour retrouvé face à un doute étrange: est-ce que ce chanteur barbu était autre chose qu'un pitre promis à l'oubli ou à la nostalgie de bas étage, ou bien, au contraire, quelqu'un de bien plus riche et complexe qu'il n'y paraissait. C'est en errant sur la toile que je suis tombé sur le site de "François Corbier", et que je me suis attardé sur les chansons. Et là, stupéfaction, magnifique découverte: un chansonnier! "Diantre, regarde donc et lis donc cette plume agile!" (oui, il m'arrive souvent de me parler à la deuxième personne du singulier, schizophrénie de l'Internet je suppose).

Je dois apparaître comme un de ces obséquieux qui font courbettes et ronds de jambes pour flatter l'ego de l'inconnu en privé et personnage en public, mais je ne saurais taire un seul mot: merci. Tout d'abord merci pour ne pas être, comme trop de gens sortis du petit écran, aigri ou amer vis-à-vis de ce que fut l'émission. Je n'ai ressenti aucune amertume ou déception, au contraire même, une certaine fierté (que je trouve légitime) du passé, tout en déclarant sans hésitation "c'est du passé.". Ensuite, le second merci va au côté entier. Rares sont ceux qui parlent honnêtement, plaisantent du monde et d'eux-mêmes. C'est une qualité rare, et j'en apprécie d'autant plus toute la portée quand j'observe le cirque quotidien des sérieux constipés à coups d'informations bourratives, de propagande vomitive, et de publicité dégoulinante de mauvaise foi.

JFPALF : Merci à vous
F.CORBIER : Merci pour ce long mot bien aimable et tout à fait plaisant.

JFPALF : Tout d'abord merci pour ne pas être, comme trop de gens sortis du petit écran, aigri ou amer vis-à-vis de ce que fut l'émission. Je n'ai ressenti aucune amertume ou déception, au contraire même, une certaine fierté (que je trouve légitime) du passé, tout en déclarant sans hésitation "c'est du passé.".
F.CORBIER : Non je n'ai pas d'aigreur vis à vis de mes années télé. Juste un peu de lassitude d'y être sans cesse ramené. Les nostalgiques sont bien plus nombreux qu'on ne saurait l'imaginer et le besoin de se rassurer encore bien plus fort qu'on ne le pense. Mais je ne suis ni le père Noël, ni une fée et je ne peux pas ramener toutes ces personnes à leur enfance. Et c'est très bien comme ça !

JFPALF : Trève de flatteries, ce qui m'amène à vous écrire, c'est probablement l'envie de comprendre un peu mieux ce qui peut modeler un texte. L'univers que je découvre à travers les vidéos, les extraits est si vaste que je me fais l'impression d'être un tout petit bonhomme face à un adulte qui a "roulé sa bosse". Qui est François Corbier?
F.CORBIER : Qui je suis ? Un type assez ordinaire qui lui un peu, de moins en moins parce que mes yeux sont abimés par le diabète, je suis comme bien des gens un sportif devant la télé, j'aime la cuisine raffinée et les voyages. A cet égard je suis assez gâté. Je parcours la France en long en large en diagonal pratiquement sans arrêt et je m'en porte bien. J'en profite pour chanter mes chansons là où je suis invité à le faire, et ça aussi c'est du bonheur. Qu'on permette au vieux bonhomme que je suis devenu de continuer à faire l'andouille sur scène, et qu'on me paye pour, c'est plus que de la chance surtout quand je vois les difficultés qu'ont les jeunes pour se faire reconnaitre.

JFPALF : Quelles passions hors de la musique guident-elles sa plume et ses doigts sur les cordes?
F.CORBIER : A part ça j'écris. Laborieusement, car je déteste que les mots que j'emploie ne soient pas le reflet de ce que je veux exactement dire. Je mets donc énormément de temps pour livrer mes chansonnettes au public. Depuis 1999 j'ai fait quatre albums, ce qui fait une moyenne de deux ans et demie pour composer chacun. Rien de bien extraordinaire...
A propos de composer. Je suis souvent en butte avec des journalistes, des animateurs de radio ou socio-culturels à propos du terme "Musique". De plus en plus j'entends employer ce mot pour remplacer "Chanson". Or quand on fait de la chanson, on ne fait pas de musque, mais... de la chanson ! La musique se passe aisément des mots... Pas la chanson. Donc je fais de la chanson. Si j'étais Bach je ferai de la musique. Je ne suis pas non plus Rimbaud ni Aragon, ni Hugo... je ne fais donc pas de littérature non plus... Donc ce que je fais, comme 99,99% de mes collègues s'appelle de la chanson et c'est très bien comme ça !

JFPALF : Merci de m'avoir lu... enfin, je l'espère.
F.CORBIER : Voilà jeune et élégant bipède ce que ton mot m'inspire. J'espère que ma réponse sera en adéquation avec tes interrogations, mais si quelque chose cloche ou manque, n'hésite pas à m'écrire à nouveau, je répondrai comme d'habitude et sans soucis.
Je suis à Lyon au Thou Bout de Chant Rue de Thou et si c'est dans ton coin, passe donc me dire bonjour. Je ne mords pas.

Salut.
Corbier, épatant chanteur anthume et guitarimeur.

Puis la seconde:

JFPALF :
J'avoue humblement ne pas m'être attendu à une telle réponse aussi circonstanciée et intime. C'est assez délicat de poser les bonnes questions, d'autant plus quand il s'agit de découvrir une facette d'un artiste accompli à qui l'on a collé une étiquette, sans même se soucier de qui il est.

Effectivement, l'abord à la notion de musique et chanson est quelque chose qu'il fallait préciser. C'est de ma part un abus de langage de parler que de musique, d'autant que la voix et le texte sont les supports principaux de tes chansons (voilà je l'utilise!). J'aime à dire et même marteler à mon entourage qu'une chanson n'est pas forcément qu'une ritournelle entêtante, et qu'elle peut tout à fait se faire chantre d'opinions, de pensées et d'humour. Hélas, c'est le mot humour qui les choque, car pour eux, faire rire en chanson, c'est "la digue du cul" et guère plus. Pourtant, rire de tout et de soi, c'est aussi vital et sain que de savourer un bon verre de vin (sans excès? Quoique...) De ce fait, je te rejoins sur ta façon de percevoir la chanson au sens large du terme.

Ce qui me rend curieux, c'est aussi l'univers musical dans lequel tu es toi-même baigné. La comparaison avec Brassens n'est pas usurpée, mais je suis totalement convaincu qu'il y a bien d'autres jalons, d'autres références auxquelles tu tiens. Il y a, je pense, cette "scène" (que j'ai du mal avec ce terme trop de fois détourné et torturé par les grandes compagnies) un peu décalée qui, malheureusement, n'est pas assez mise en avant, mais quels sont les autres artistes qui font vibrer le bonhomme? Mon univers est aussi multiple qu'il est teinté par ma propre histoire: musique Croate (que je suis par la généalogie), Mano Solo, puis aussi les standards des 70's (ça, c'est mon côté faussement nostalgique), ou encore de la musique Japonaise (ça par contre, c'est mon côté enfantin...).

Alors François (ou plutôt Alain, comme je l'ai appris à travers les articles de presse... mais je ne me permettrai pas d'en user, vu qu'il s'agit là de l'identité du proche et non de l'artiste), qui te mets en émoi?


F.CORBIER : Le plaisir d'être en province passe par le temps accordé. Plus lent plus "cosy" si j'ose le terme. Me voilà dans un bistrot du vieux Lyon Siné Hebdo sur la table. La Lumière est douce les chanson Américaines tout va bien. Tien, si j'ai un mail, je vais y répondre. Enfin s'il en vaut la peine...
Tes camarades ne savent pas grand chose de la chanson. C'est sans importance dans la mesure ou ils se taisent mais puisqu'ils donnent leur avis je peux aussi donner le mien.
La chanson des gens, c'est à dire la chanson populaire ou folk ou folksong est très, très souvent, un récit satirique destiné à se moquer des puissants. ( gouvernants ecclésiastiques armée impôts femmes légères épouse infidèles patrons).. Le plus grand chansonnier du 18eme siècle Beranger fit à cause de ces sujets quelques séjours en cabane et ce qu'il nous reste de ce qu'on appelle "les enfantines" n'a jamais été destiné aux enfants mais à un public adulte qui a perdu la clé et n'a gardé que le superficiel. On est prié non pas d'entendre "il court il court le furet" mais il fourre il fourre le curé"... On peut bien sûr trouver cela puéril et ridicule mais c'est ainsi.
La chanson larmoyante est née avec le 19ème siècle. Avant elle est satyrique rigolarde et dansante. Elle est destinée à égayer les veillée et a tenir éveillé le travailleur qui, on le lui pardonnera, ne cherche pas le sommeil aux champs ni à la mine mais au contraire à le repousser. Il s'invente alors des histoires qui l'amusent. Quoi de plus évident de plus naturel. A la moitié du 20ème siècle après les guerres dévastatrices le besoin de rire et de satires refait surface. Même les chansons "yéyé" sont gaies drôles amusantes et dansantes... Mais hélas peu littéraires et surtout plus américaines que françaises. Les "belles" chansons tristes sont donc plutôt l'exception. La chanson pour être drôle ne plonge pas forcément dans le vase de nuit... Mais le genre existe on ne peut le nier.
Moralité ? La chanson française est d'ordinaire littéraire, peu musicale, car écrite par des non-musiciens, satirique et guillerette. (Pas uniquement on l'aura compris mais c'est un véritable grand volet de notre patrimoine chanté).
Quand on aime rien de tout ça il y a la chanson Norvegienne mais là, je n'y connais rien ! Je n'en dirai donc rien.

JFPALF : Je me coucherai moins con ce soir! Merci encore pour ces réponses! Je pense organiser ces réponses sous la forme d'un Q/R sur le blog, bien entendu si tu m'y autorises...
F.CORBIER : No souçaille. Bon fin de journée. Corb

Que ça fait plaisir autant de simplicité dans le bon sens du terme!

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