07 décembre 2009

La liberté du voyou

Le voyou fascine, il séduit, il plaît à la « bourgeoise » qui le veut comme amant, il est haï des maris des dites bourgeoises, et la police lui court systématiquement. C’est assez amusant de se dire que le voyou, le vrai, enfin… celui d’opérette qui nous est vendu par le cinéma et la littérature polar peut être un véritable héros. Paradoxal, si l’on songe au fait que le dit voyou ne respecte pas la loi, triche, vole, et même tue en toute impunité. Alors, qu’est-ce qu’il a de si fascinant, ce foutu braqueur ?

Tout d’abord, demandons nous si le voyou n’est pas tout simplement l’archétype de l’anarchiste. Hé oui, sous ses dehors de mauvais garçon, il semble tout simplement affronter l’autorité et la société ! « Non à l’ordre établi ! » pourrait il hurler à pleins poumons au pied d’une banque, symbole du capital et de l’exploitation des masses laborieuses. Si l’on s’appuie sur ce principe, c’est probablement une des raisons qui rendent un Spaggiari sympathique : voler aux riches, fuir au nez et à la barbe du juge d’instruction, et vivre une cavale digne d’Hollywood. Grandiloquent, provocateur, le personnage a séduit toute une génération de hippies et de crypto anars post mai 68. Alors, le voyou en justicier, le Robin des bois moderne, difficile de ne pas l’apprécier !

Ensuite, s’il est un autre fait évident qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est le côté liberté d’action de ces personnages. Qu’on fantasme leur existence de cavale, de planque et de magouilles, ou qu’on soit honnête et qu’on regarde cette vie comme étant sans avenir, se dire que le voyou n’a ni repère ni barrière est très séduisant. Travailler ? Les autres cons de prolos bossent pourquoi se fatiguer ? Le mariage ? Une donzelle par port, c’est bien suffisant et sans risque de se retrouver dans un appartement miteux de HLM, avec la pointeuse, la pétanque du dimanche, et l’apéro avec les autres abrutis de la cage d’escalier. Le voyou, c’est donc l’image du voyageur, qui navigue d’un immeuble de passe à la maison d’une bourgeoise docile, ceci sans se préoccuper du lendemain.

Pourtant, est-ce vraiment idyllique ? Les clichés ont la peau dure, et l’on distingue à tort le voyou roublard et le braqueur violent qui tue sans pitié. Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est certainement pas le panache qui prime, mais avant toute chose l’appât du gain. Pour vivre, il faut de la fraîche, et un braquage est un moyen comme un autre d’y parvenir. On n’a jamais vu (en dehors du cinéma) de braqueur se délester du magot pour une œuvre de charité, et encore moins accepter sans rechigner de filer sans le pactole ! Celui qui prend la voie du crime sait assez rapidement où cela peut mener : dix piges en centrale, avec en prime le traitement de faveur du système pénitentiaire. Et puis, si vous ramenez le gain à la durée d’enfermement, en partant du principe que personne n’ira croquer le bénéfice, ce sera alors de diviser le magot par le nombre de mois à tirer. Un exemple ? 100.000 sur 60 mois de détentions, ça fait un petit 1667 Euros qui reste en poche… en espérant pouvoir se gaver des 100.000 en question à la sortie ! Et puis là il ne s’agit que de cinq piges, pas dix, auquel cas le gain devient encore plus misérable. Faut ce qu’il faut…

Question violence aussi, on peut tourner la chose comme l’on veut, mais se voir menacé par une pétoire par un excité qui veut faire les coffres, ça n’a rien d’engageant. Bon, Stockholm et son syndrome aidant, on finit souvent par être tolérant et même amical avec le bandit, mais de là à tout lui pardonner et le trouver séduisant, y a du boulot. Me concernant, m’entendre dire par un type cagoulé de coller ma tronche contre le lino de la banque, ça ne m’excite pas des masses ! Ajoutez à cela qu’en cas de bévue, les policiers comme les braqueurs peuvent en venir à utiliser leurs flingues, et là bonjour l’angoisse. Toujours aussi excités par la vie de voyou ?

Cette vie de bohème, est-ce si séduisant… Errer d’un point A à un point B en ayant toujours le doute d’y voir vous y attendre un inspecteur un peu zélé, ou encore de se trouver porte close et barillets changés, c’est tout sauf enthousiasmant. Et que dire du côté sordide de se voir un jour fauché comme les blés, ne plus pouvoir tenir le standing, et donc se mettre à faire des expédients comme vendre de la contrefaçon ou de la fauche bas de gamme… Non, c’est franchement le fond de l’abîme, la « way of life » façon looser. Et puis, il y a toujours Fleury et Centrale pour l’hébergement d’urgence, même si les appartements sont du genre exigus et mal fréquenté. Il ne faudrait pas que le braqueur professionnel aille fricoter avec le voleur de bagnole, le violeur, ou le crétin qui a cru que les caisses de l’entreprise l’employant étaient les siennes.

Clichés vous dites ? Je ne comprendrai jamais la fascination qu’on peut avoir pour des types qui risquent leur peau pour trois bouts de papier imprimés par la banque de France, pas plus que je ne comprendrai un jour celui qui s’échine, jour après jour, à tourner en rond en espérant vainement décrocher « la timbale », Ze plan, celui qui le rendra riche sans souci et sans risque d’être pris sur le fait. Les prisons sont pleines de ces types trop optimistes, et les cimetières regorgent de fosses communes où l’on pourrait faire graver « Ci-gît X, ayant supposé à tort qu’il courait plus vite que les balles ».

Aucun commentaire: