08 décembre 2009

Catatonie

Je vous rassure d’emblée, je ne risque pas de devenir catatonique étant donné ma propension à être péniblement virulent en toute occasion. A ce titre, j’aurais tout aussi bien pu occuper une place de choix dans le cirque des politiques, tant je peux devenir insupportable et médisant. Oh, je sais bien qu’il ne sied guère à un libertaire de finir dans un hémicycle, mais l’ambition n’est pas une mauvaise chose dans le fond… bon là je m’égare, ou plutôt je me cherche une échappatoire intellectuelle, tout comme un catatonique en fait !

Le
catatonique semble être une statue humaine, figé dans l’immobilité et l’indécision la plus totale. Cela peut notamment mener à des pathologies très graves d’oedèmes aux membres, et même, dans les cas extrêmes, à de la dystonie neurovégétative (merci Wikipedia pour les précisions, je n’aurais jamais cru qu’un être humain pouvait se décomposer de la sorte par « simple » absence de volonté). Impressionnant, terrifiant, difficile à vivre pour tout le monde, mais techniquement, si je me penche sur les symptômes, que je les compare un à un à l’humanité…

Ah non ! Ce genre de chose pourrait faire très mal, et surtout me mettre en position de méchant bonhomme pas gentil avec ses contemporains ! (Là, c’est la petite voix du fond de l’inconscient qui couine en voulant à tout prix me sociabiliser).

Je disais donc, avant que ma schizophrénie latente me coupe la parole, qu’il est probable que la pathologie catatonique peut aisément être celle d’une société. Détaillons donc ensemble l’idée générale de cette analyse qui, mine de rien, nous amène à décréter que l’humanité est un immense potager où un grand nombre de plantes inutiles et gourmandes poussent dans la plus totale anarchie. Commençons simple : l’inaction. Ah ça, si ce n’est pas une des plus grandes activités humaines… On se complait dans l’inaction la plus totale, l’acceptation par dépit et par facilité des choses les plus pénibles et même infâmantes, et les rares qui osent mettre en doute les bienfaits du laisser faire finissent généralement au pilori, dos au mur, ou au gibet. Bref, l’Homme aime l’inaction, l’oisiveté physique et intellectuelle. C’est par ailleurs sa meilleure excuse pour tolérer tout et n’importe quoi.

Ensuite, second symptôme qui n’est pas contradictoire, le négativisme total. On refuse tout, sous n’importe quel prétexte aussi fallacieux soit-il, et ceci en bloc franc sans détourage. Ah, que l’Homme aime dire « Merde ! » à son voisin, continuer à courir vers la falaise malgré les avertissements, coller la musique à fond pour emmerder son voisinage… Il ne s’agit pas là d’une attitude contestataire puisque le catatonique refuse directement le contact, se referme et fuit le débat. C’est assez proche de l’attitude de votre voisin vous ne trouvez pas ? Plus fort encore : le catatonique, s’il refuse, ne s’en expliquera pas et ne donnera pas de solution pour contourner le blocage. Encore une bonne attitude bien humaine ça : on dit « c’est de la merde », mais sans aller suggérer une solution tierce potentiellement meilleure. Ecoutez donc les conversations de comptoir avec les sempiternels « La politique extérieure de la France, c’est n’importe quoi », sans que cela soit teinté de quelque manière que ce soit d’idéologie. On est contre, juste par principe et par gymnastique de la contradiction. Catatonique quoi.

Ah, les troubles de l’humeur ! Nombre de catatoniques font des allers retours entre le plus grand abattement mélancolique, et le soulagement teinté de plénitude de l’âme… Comme la société ! Un simple mot, une phrase à mots clé et hop, voilà que votre société vous adule (« Nous baisserons vos impôts… »), quelques autres et vous serez bon pour la potence (... mais en contrepartie, nous augmenterons la TVA, la redevance télé et on va tronquer vos remboursements de sécurité sociale »). Pas facile de décrisper un catatonique, pas plus qu’il ne soit facile de déconstiper un homme de la rue. A chaque proposition, il se méfiera, contractera tout ce qu’il pourra, et vous annoncera avec amertume « C’est de toute façon toujours de la merde », avec un timbre digne des plus grandes mélopées tristes du théâtre.

Et puis enfin, l’Homme se braque définitivement. Il choisit de ne plus bouger, de se moquer de tout et de tout le monde, attentiste, cynique, se glaçant le cœur à coup de reproches cinglants faits aux autres. Pas mal, juste une petite absence de nutrition individuelle, ajoutons du mutisme et de l’apathie et voilà un de plus à mettre entre quatre murs sous traitement de choc ! Dites, vous pensez que je peux faire psychiatre moi ? Probablement aurais-je des difficultés à ne pas faire grimper les statistiques de suicide, mais n’est-ce pas là le tribu d’une société qui va mal ?

« Non monsieur, on ne saute pas par CETTE fenêtre, elle donne sur la piscine. Essayez plutôt celle ouverte de l’autre côté, le parking est dix étages plus bas. Et merci de payer avant de faire le grand saut !»

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