07 octobre 2009

Juri comédie

A force de moderniser le monde et d’y ajouter des lois pour l’entraver dans sa course folle, nous en sommes arrivés à un monde des plus surprenant. D’un côté, nous réclamons de plus en plus de libertés, nous colportons la démocratie (qui n’est qu’une belle utopie), et a contrario nous nous noyons dans les procès et les débats de juristes. De nécessaires, les interventions dans les tribunaux sont devenues de véritables Comedia dell arte, d’autant plus quand les sujets traités sont de plus en plus ridicules.

Savez-vous le pourquoi de certaines choses étranges ? Je prends un exemple : sommes-nous si demeurés qu’on en soit réduits à lire la documentation d’un four électrique ? Non ? Alors pourquoi rédiger ce bout de papier anti écologique, traduit n’importe comment, et fourni nonchalamment dans un sachet que nul n’ouvre ou presque ? Parce qu’à l’autre bout de la chaîne, il y a nous, le consommateur, l’abruti congénital à qui il faut tout expliquer, tout mettre sous forme de jolis schémas. Hé oui : les notices sont conçues pour des attardés, afin que par la suite aucun juriste ne puisse accuser le fabricant de « ne pas avoir alerté sur les risques potentiels d’un usage non conforme de l’appareil ». Magnifique ! Donc, explicitement en plus, il y a dans la notice d’un four, que mettre un animal vivant dedans peut le tuer. Elémentaire ? Non. Juridique ? Oui.

On en vient à tout mettre face aux tribunaux : mon voisin est un con qui ne sait pas baisser la musique ? Hop, un petit procès aux miches et le type vous fera un petit chèque pour sa paix morale. Vous pensez avoir été floué par un garagiste ? Paf, une plainte, une conciliation, et une réparation pas payée alors que légitime. Tenez, un truc authentique : un abruti est allé porter plainte contre un journal parce que l’horoscope de son signe ne lui était pas favorable ! Non seulement je ne ris pas malgré le ridicule de la plainte, mais je pleure les frais engendrés par de débile profond qui a déclenché la plainte. Vous croyez qu’une plainte ridicule est systématiquement rejetée ? Hélas non, c’est une obligation légale que de traiter toutes les plaintes, si débiles soient-elles. Mais j’imagine bien la réaction du juge d’instruction annonçant, à mots couverts et avec les tournures de phrases qui vont bien que (je traduis en français non juridique) : « Hé du con ! L’horoscope, c’est un truc inventé, et le canard là, il en a rien à péter que ça te fasse râler. Et puis t’en as pâti, de leur truc ? Non ? Alors ta gueule. »

C’est un drame. L’Homme, dans sa grande passion de mise en équation de toute chose, s’est empressé de rédiger lois et préceptes de sorte à ce que ses contemporains puissent pleurer misère. Combien de lois restent valides alors qu’elles sont aujourd’hui au mieux dépassées, au pire inacceptables ? Tout juriste qui se respecte saura jouer des contradictions entre les règles, les phrases absconses et faciles à détourner, et faire d’un coupable infâme un innocent à la virginité cardinale. A force de vouloir en faire, nous en avons trop faits. N’importe quelle loi peut contenir des ajouts, des corrections, des rectifications, avec en tâche de fond une belle somme de prises de tête entre experts. « La loi X dit que… mais la loi Y dit le contraire. Chouette ! Le juge va être largué ». Et accessoirement, nous aussi.

Etre hors-la-loi est à la portée de n’importe qui. Il existe tellement de règles dans tellement de domaines que toutes les respecter tient de la gageure. J’aime à croire que le bon sens dicte les actes et les sanctions de nos képis, mais force est de constater que, parfois, le mouton noir (le gros con caricatural à uniforme imbu du pouvoir de son insigne) trouve le moyen de vous tourmenter pour rien. C’est ainsi : nous voulons légiférer, et ainsi nous tirer une balle dans le pied. J’adore (avec ironie) le système de gestion des durées de peine par exemple. Lorsqu’on condamne quelqu’un a de la prison, une durée est annoncée pour ce qu’on appelle du « ferme » (c'est-à-dire derrière les barreaux). Est-ce la peine réellement exécutée ? Non. C’est une durée de détention donnée, mais qui se réduit selon la mécanique suivant : un barème réduisant la peine par tranche d’un mois pour une année passée en prison. Ensuite, il y a la révision et la libération anticipée. De là, on a instauré la peine de sûreté, garantissant (en théorie encore) le maintien en détention d’un détenu. Or, un juge d’application des peines peut, unilatéralement, balayer les décisions et décréter que « le détenu X est réhabilité, qu’on le laisse sortir ». Alors, dans méli-mélo de règles contradictoires, de décisions et de pouvoirs, n’a-t-on pas rendue notre justice obèse et inapplicable ? Je lance la question sans savoir quoi répondre d’emblée… Bonne chance, j’en ai déjà mal au crâne !

Allez, je porte plainte contre ma boîte pour fatigue et pression excessive. D’ici à ce qu’un juge me donne raison et fasse que mon patron soit tenu de me faire un chèque… ça peut valoir le coup de tenter !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Que ce soit la sensualité, la douceur, la colère, la révolte, le simple constat... que de diversité dans les thèmes abordés... reste toujours la même constance : l'excellence des écrits. Alors Madame la Plume, surtout, continuez à vous échiner pour notre plus grand plaisir...

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