01 juillet 2009

Démon cratie

« Chose promise chose due » vous annonce l’adage populaire… Pour ma part, étant non seulement pragmatique, mais aussi un brin cynique, j’estime que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. De fait, je vais faire preuve d’une surprenante bonne volonté et réattaquer le sujet lancé hier, à savoir se poser des questions sur la notion de démocratie. Les moins prompts de la boîte à gamberge auront bien entendu tiqués sur la faute volontaire dans le titre… Alors, pour eux, allons décortiquer par le biais d’une autopsie en règle le principe de démocratie en France ! Sortons les scalpels, il y a de la viande à découper !

J’estime inutile de rappeler ce qu’est étymologiquement parlant la démocratie. Je vais donc prêter à nos enseignants l’intelligence d’avoir expliqué aux mioches que nous étions le sens de ce terme, et me réserver pour l’analyse de la théorie mise à l’épreuve de la pratique. Sommes-nous en démocratie ? Les braillards mécontents beuglent depuis toujours que nous sommes en quasi dictature, et les satisfaits narcissiques se contentent, eux, de décréter que nous avons le moins mauvais des systèmes. Fort bien messieurs dames, fournissons aux uns et aux autres des armes, juste histoire de récupérer les survivants, et d’en tirer les conséquences. C’est dans l’affrontement des mouvances extrêmes que l’essence même de la démocratie s’exprime le mieux. Absurde ? Souvenez vous : 2002, les électeurs, non, les bœufs de l’électorat, ayant estimés que le premier tour serait une formalité, ont permis l’apparition de l’extrême droite au second tour. « Déni de démocratie ! », hurlèrent dans la rue les crétins, les abstentionnistes et les anars. Navré de vous le rappeler : c’est en refusant le fonctionnement démocratique de l’élection que le duel Le Pen – Chirac fut possible ! Hé oui : une démocratie se juge non à son quotidien, mais surtout à sa résistance aux épreuves. N’oublions pas, par ailleurs, l’expérience historique de la disparition de la IV ème république : celle-ci fut démantelée par De Gaulle, ceci parce qu’elle fut non seulement incapable de gérer l’entre deux guerres (en permettant la montée des nationalismes, et sa souplesse excessive lors de la crise des Sudètes et de l’Anschluss en Autriche), mais également de par sa dislocation totale, ceci à travers la valse des ministères. La V ème république, elle, résiste, aujourd’hui encore, à cette tendance à l’usure du pouvoir.

Dans ces conditions, on peut estimer que la démocratie, du moins une certaine idée de celle-ci, survit encore dans nos institutions. Cependant, penchons nous sur un problème plus délicat. Si l’on parle de démocratie, c’est que l’on espère donc une représentativité populaire à travers les élus du peuple. Est-ce le cas ? Concrètement, je crois que deux écoles s’affrontent. D’un côté, nous avons face à nous un corps de politiques aussi disparates qu’incohérent : extrême gauche inconsistante et populiste, extrême droite se préparant aux prochaines échéances électorales avec la relève du FN, et entre les deux une nébuleuse d’idées et de partis plus ou moins solides. Dans ces conditions, nous conservons donc dans les urnes des gens déjà en place depuis des années (voire des décennies), qui, par l’entremise d’étiquettes politiques soi disant tranchées, maintiennent les choses en l’état. Est-ce vraiment progressiste de voter NPA ? Est-ce intelligent d’aller laisser sa voix pour un parti satellite sans pouvoir ? Est-ce pour autant normal d’aller se noyer dans la masse des grosses machines électorales ? De ce constat, nombre de votants peuvent alors légitimement se demander où se placer. Aussi incrédule que je sois face à l’abstention, je peux toutefois tolérer le discours décrétant que le changement ne semble pas possible par la voie des urnes. La seconde option de compréhension consiste à justement trouver logique que l’ancienne garde soit en place, justement parce qu’elle connaît les rouages complexes du système, et qu’elle sait donc composer avec ses fragiles mécanismes. Du haut de notre pouvoir individuel, force est de constater que notre expertise sur les domaines aussi divers que l’économie, la stratégie militaire, ou encore la politique sociale, se cantonne à notre expérience personnelle et à nos quelques convictions glanées au hasard de notre culture individuelle. Expert en tout ? Sûrement pas. Potentiellement informé ? Déjà bien plus. Devons-nous donc conclure que la démocratie est assurée et comprise par chacun ? J’irais à l’essentiel : nous votons pour élire, nos élus ne sont tenus que par un devoir moral.

Et c’est là le handicap de l’élection !

Comprenons nous bien : comme l’a dit Churchill, « La démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les systèmes ». Je suis en plein accord avec cette idée. Pourquoi ? Parce que nous déléguons nos pouvoirs à une population restreinte de gens, ce qui les incite à utiliser le pouvoir non pour le bien de la communauté, mais plus pour leur bien personnel. En tout état de cause, la démocratie représente tous les travers possibles : corruption, mensonge, manipulations, les coups bas sont légions, et l’intelligence de mettre en doute les gouvernants se doit d’être un réflexe…. Mais un réflexe de bon sens, non de contestation gratuite sans construction. L’anarchisme est une ineptie, du moins sur le principe de compter sur le chaos pour bâtir une société civilisée. Chacun espère prospérer sans craindre son voisin, et surtout nombre de personnes compte sur le paternalisme affiché de l’état pour s’épargner la charge de réfléchir à comment faire fonctionner le monde. C’est compréhensible, légitime même, mais à quoi aboutit-on dans ces conditions ? A un ersatz, une déviance inadmissible des institutions, une forme de ploutocratie qui ne dit pas son nom.

Ploutocratie : (du grec ploutos : richesse ; kratos : pouvoir) consiste en un système de gouvernement où l'argent constitue la base principale du pouvoir. D'un point de vue social, cette concentration du pouvoir dans les mains d’une classe sociale s’accompagne de fortes inégalités et d’une faible mobilité.

Nous avons diabolisés le FN, taillés en brèche le communisme pour son désastreux passé, raillé lutte ouvrière pour son attitude datant des manifestations de 1936, et enfin réduits à néant l’opinion publique en médiatisant nos élus comme des vedettes de cinéma. Par la faute même de l’opinion, celle-ci s’est donc bâillonnée et ainsi permis l’émergence d’une classe politique étrange, hésitant entre le pouvoir de l’argent et le pouvoir des institutions. Si l’on taxe le président Sarkozy de populisme, si on lui reproche ses relations avec les milieux riches de la France, c’est aussi grâce à cet aspect « people » qu’il fut élu. Démocratie ? Ca ? Ce n’est pas lui qu’il faut taxer de bêtise, c’est aux électeurs qu’il faut alors faire la leçon ! Je suis tout de même surpris que les gens ne se rendent pas compte que la situation actuelle, ainsi que ses actions, étaient prévisibles, et même annoncées par ses soins. Il ne me semble pas si évident que cela que Sarkozy se soit caché d’un déterminisme et d’une certaine connivence avec le modèle américain, loin s’en faut même ! Avant même les élections, je me souviens avoir mis en avant ces faits, et annoncé que l’on pourrait avoir des doutes sur le résultat final. Nous y sommes : faisons un bilan provisoire alors ! Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le système est encore solide et démocratique car ce sont les urnes qui parlent. Concrètement : il fut élu, l’assemblée aussi, les deux lui donnant un pouvoir quasi absolu sur son mandat. Les Européennes viennent d’être bouclées, avec un repli significatif de la gauche, et un maintien évident pour la droite… Le tout sur fond d’abstention, encore une fois. Les élections sont donc libres, indispensables, mais peu respectées par ceux même qui réclament le pouvoir. Allez comprendre : en légitimant le pouvoir par les urnes, la France s’est offerte le président qu’elle méritait : déterminé, populiste, franchouillard même dans ses gaffes, un rien roquet dans certaines attitudes, mais toujours convaincu de son bon droit. Si l’on demandait à un étranger sa vision sur le Français moyen… il le décrirait dans les mêmes termes ! Prenons en bonne note : la France est démocratique, ses instances fonctionnent, son système judiciaire si imparfait soit-il n’est pas délabré, c’est avant tout l’implication populaire dans la vie politique qui n’est plus suffisante. A force de tout laisser passer, à force de supposer que le vote sécuritaire est une bonne décision en cas de crise, nous ne serions donc que des moutons réitérant l’erreur Allemande des années 30.

Enfin, à celles et ceux qui pensent qu’une manifestation fait reculer le gouvernement (CPE, les étudiants et j’en passe) : le droit de grève, c’est le droit de revendiquer. Pas celui d’obtenir satisfaction. En amorçant à chaque fois une reculade visible, les gouvernements en place furent toujours prompts à revenir à la charge, mais de travers. A croire que la stratégie est : « Filons leur un os à ronger, une loi intolérable… laissons les brailler, une fois calmés on leur collera tout de même une réforme sous le nez, et ils l’accepteront sans broncher. » Je n’ai vu quasiment personne bondir quand R.Dati s’est lancée dans une politique digne des méthodes de la Gestapo. J’ai gueulé « Schutzhaft ! », et personne n’a réagi. Preuve à l’appui : les pâturages de la démocratie sont donc bien propices aux pires mauvaises herbes…

Adolf Hitler a bien profité de ce concept, tout autant que Mussolini, ou bien Napoléon, ou encore César.

« Accorde toi la bienveillance du peuple, et celui-ci te suivra jusqu’en enfer ». Cela aurait pu être de Machiavel, mais pour une fois, c’est de moi.

A bon entendeur...

PS: ces deux liens sont sur mon blog... par curiosité, observez les dates de rédaction.
La Schutzhaft est de retour
Un parallèle osé (concernant N.Sarkozy)

2 commentaires:

Thoraval a dit…

La France n'est pas une Démocratie, c'est une République. L'amalgame des deux termes est dangereux.
De plus, si nous lisons les frontons des momuments de cette République, il est inscrit: Liberté, Egalité, Fraternité. D'antan était inscrit le ciment de cela: Humanité. Mais avec le massacre des 14 provinces sur les 27 que contenaient la jeune République, l'Humanité fut enlevée. La Terreur de Turreau en Bretagne ou celle de Robespierre en France ne s'y accordaient point.
Egalité: principe platonicien.
Liberté: principe aristotélicien.
Qu'un philosophe arrive à faire se concilier les deux et il deviendra le Philosophe du III° millénaire...
De plus, la qualité d'un Etat ne vient pas de ses "élites", mais de sa base. Peut-on demander à des moutons d'être carnivores? Les moutons brouttent du starac ou du gogolstory. Que leur demander de plus?
Le pire, si tu y regardes bien, JFPALF, c'est que les gens, qui vont défiler contre le FN et son idéologie, sont ceux qui sont le plus imprégnés finalement de pougadisme stérile(Voir Pierre Poujade et Lepen, pour les plus jeunes: http://www.herodote.net/histoire/evenement.php?jour=19560112 ). Lecture édifiante sur les retournements de l'Histoire.
De la rebellion à la petite semaine, les "révolutionnaires" de maintenant.
La Démocratie est une responsabilité de tout instant. Et ce n'est pas aux "élites" de la sauvegarder, mais au Peuple. Peuple si veule, si lâche, si fainéant.

JeFaisPeurALaFoule a dit…

Merci pour ces précisions. Je ne suis pas philosophe, encore moins oracle, mais je crains que la démocratie n'est qu'un joli songe... auquel j'aurais aimé croire aussi longtemps que possible!