16 juin 2009

65 ans de mémoire

Je n’ai pas parlé du 65ème anniversaire du débarquement en Normandie. Si j’ai choisi ce mutisme, c’est avant tout pour ne pas « surfer » sur la pseudo polémique qui naquit dans l’esprit de quelques fouilles poubelles concernant l’invitation de la reine d’Angleterre (ne comptez pas sur moi pour lui coller une majuscule à celle là…), ainsi que de la manœuvre du président Obama à ce sujet. Ma réponse est simple et tient en deux points : un, Obama est le président des USA, donc incompétent sur le territoire Français pour décider qui devait, ou non être invité, et deux la reine n’est pas une autorité politique pas plus qu’en 44, donc c’était à un héritier moral de Churchill d’être présent, en l’occurrence le premier ministre Brown.

Trèves de parlottes sur cette imbécillité montée en mayonnaise par quelques idiots friands de scandales de quatre sous, préoccupons nous de ce que fut le 6 juin 1944. On présente aujourd’hui la chose comme étant de l’audace, de l’héroïsme, le tout avec une vanité certaine concernant la réussite du plan Overlord, et de ses conséquences sur la défaite nazie en Europe. D’un point de vue purement humain, je suis convaincu que ce fut une aventure épique pour les soldats engagés dans cette opération : être parachuté de nuit, ou bien trimballé dans des barges de débarquement sous le feu ennemi, atterrir en territoire inconnu, se frayer un chemin dans des bosquets en se demandant qui va vous tirer dessus de l’ennemi ou d’un ami égaré… Sans conteste, Overlord a démontré la capacité des hommes à s’unir pour un but commun : en finir avec le nazisme. La plus grande opération de débarquement de l’histoire a le mérite d’avoir validé qu’on peut aligner des milliers de navires, faire débarquer des centaines de milliers de soldats, et ainsi prendre de court l’adversaire. Chapeau, là-dessus rien à redire…

Je ne ferai aucune critique aux hommes et aux femmes qui furent engagés dans ces combats. Tous méritent le respect, tous méritent qu’éloges et cérémonies leurs soient dédiés. Ils font partie de l’histoire humaine, on a tous à l’esprit ces photographies de plages ravinées par les obus, de blindés en flammes, de villages et villes en ruines après les bombardements. On ne peut pas leur ôter cette bravoure d’avoir donné l’assaut, la trouille au ventre, le sel sur les lèvres, et la sueur dans les yeux. Qu’il soit également retenu qu’en face il y avait des soldats, tout aussi déterminés, tout aussi courageux et tout aussi fiers de défendre leur patrie. Les ôter du souvenir, c’est faire de l’ennemi un « monstre ». Furent-ils des monstres ? Un auteur répondit un jour, à propos des nazis (et non des Allemands) « Les nazis n’étaient pas des monstres, ils étaient des humains ; c’est ce qui les rend monstrueux ». Alors, pour la mémoire, que chacun ait le droit à sa minute de silence : le fantassin Américain, le mitrailleur Anglais, le sergent Canadien, le commando Français… mais aussi l’artilleur Allemand, le soldat Autrichien… Tous furent dans la même galère, embarqués de force par l’histoire et les gouvernants sur la galère nommée « combats ».

Mais il y a aussi un aspect que je n’apprécie pas vraiment dans la manière dont est présentée cette action d’éclat. Il suffit de regarder un calendrier pour se rendre compte de l’inepte de certains propos tenus par des propagandistes incompétents. 300.000 hommes débarquèrent sur les plages. Ce chiffre semble énorme, démesuré, et suffisant pour mettre fin à la guerre. Alors pourquoi les combats prirent fin qu’en mai de l’année suivante ? Quasiment un an de plus, un an de souffrances, d’horreurs, de batailles marquantes (l’opération Market Garden, bataille des Ardennes avec Bastogne…). Les soldats alliés étaient convaincus par la propagande qu’ils dîneraient à Berlin pour Septembre, mais de quelle année finalement ? La vérité est plus complexe, autrement plus délicate car elle implique de reconnaître le rôle Soviétique de la victoire contre l’Allemagne nazie, et ainsi donner une part des lauriers de la chute du Reich à un ennemi communiste, mais allié de circonstance.

Dès 1941, l’Allemagne avait ouvert un front est en attaquant l’URSS. Ce fut l’opération barbe rousse (« Barbarossa »). Durant les années de guerre qui s’en suivirent, ce front ne se referma jamais. Entre victoires écrasantes (chute de Smolensk et de Kiev), et échecs cuisants (Stalingrad, puis Koursk), l’armée allemande s’est débattue contre les forces soviétiques, en engageant toutes les ressources disponibles du Reich, c'est-à-dire tant des forces Allemandes que « indigènes » issues des nations envahies ou alliées : Italie, Roumanie, Croatie, Hongrie, Espagne (légion Condor) et même la France par des unités de volontaires (division Charlemagne notamment), tous ces pays versèrent des troupes dans le creuset Russe. Rapidement, Staline tenta de faire pression sur les alliés pour qu’ils ouvrent un second front, à l’ouest, pour soulager son pays du poids de la guerre. En quelque sorte, c’est l’URSS qui supporta seule les assauts Allemands jusqu’en 1944.

Ainsi, c’est tant l’inexorable affaiblissement du potentiel Allemand par l’usure à l’est que l’apparition des troupes alliées à l’ouest que l’Allemagne s’est effondrée. Quoi qu’on en dise, l’Allemagne résista jusqu’à ses dernières forces, combattant sur deux fronts des ennemis fortement supérieurs en nombre et en équipement. L’aviation décimée par les combats à l’est, les troupes exsangues après le tribut payé sur le front, tout cela n’arriva pourtant pas à démoraliser les soldats qui firent preuve d’une discipline et d’une volonté de fer. Résister aux millions de Soviétiques, et aux millions d’alliés à l’ouest, tout cela simultanément… Quel peuple, quelle nation peut prétendre à une telle détermination ? La croix gammée est une honte pour l’humanité, mais le courage des soldats ayant eu le malheur de servir sous cet étendard peut être montré en exemple.

Alors quoi ? Le 6 juin démontre qu’il faut avoir du cran pour passer outre la peur, qu’il y a des évènements dont on doit perpétuer le souvenir, mais aussi que nos politiques ont tendance à instrumentaliser ceux-ci en oubliant qu’en face, là-bas, ils furent aussi des soldats, ils furent aussi des frères d’armes.




Le courage n’a pas de patrie, l’humanité n’a pas de frontières, c’est l’Homme qui se construit des barrières.

F.HORVAT

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