09 janvier 2009

Questions et réponses inutiles

Comme chacun sait Internet met à disposition énormément d’articles et de support de réflexion et ce sans véritable limite de censure ou de frontière… bon d’accord les réfugiés politiques et les censurés en Chine, il y a quelques pays archaïques qui censurent. Revenons au sujet : donc nous pouvons consulter librement des millions de pages supposées nous tenir au courant de tout et nous offrir, à nous pauvres ignares pétris de connaissances malhabiles trop étalées au tout venant, une capacité d’analyse et de réflexion. De là, il y a un problème majeur qui est la capacité de synthèse. A force de trop trouver d’informations il devient paradoxalement très difficile d’y recenser tant la vérité que la justesse de toutes les données. Prenez par exemple Gaza (oui bon je sais, c’est provoc’, mais on ne se refait pas) : vous trouverez sûrement autant de pages de soutien au Hamas que de pages décriant le terrorisme de l’état palestinien. Alors qui croire ? Le râleur qui a une verve plus efficace, l’analyste consensuel qui ne se mouille pas, celui qui se déclare neutre alors qu’il ne l’est jamais ? C’est dans cette atmosphère de pugilat mêlée à quelques relents nauséabonds de propagande qu’apparaissent des services supposés précieux pour poser les bonnes questions. Là, j’ai passé quelques jours à errer sur les « Questions /réponses de yahoo », et j’en tire une expérience aussi drôle qu’édifiante sur la connaissance et la condition intellectuelle des internautes. Vous allez partager avec moi cette plongée dans l’enfer de la connerie élevée au rang d’art !

Commençons par une mise au point : le site en question fonctionne sur le collaboratif, c'est-à-dire qu’une personne pose une question dans un domaine, et les autres lecteurs peuvent répondre, noter la question et éventuellement apporter quelques pierres à l’édifice. Jusque là, pourquoi pas, n’appelait-on pas tribuns ceux qui tiennent tribune et partagent les idées et les décisions, et n’était-ce pas un fonctionnement analogue que de discuter lors d’assemblées ? Hélas non, car dans un cas les dits tribuns avaient une certaine connaissance des sujets abordés alors que là, par contre, c’est plutôt la méconnaissance voire même l’inepte qui prime. La liberté d’opinion et de parole est très bien représentée sur ce principe à un détail qui a une énorme importance : avoir des opinions c’est bien, s’en servir pour détourner une question c’est en revanche grave et très mauvais. Pour ma part je me suis intéressé de près à pas mal de sujets : politique, histoire, économie et même mon domaine, donc l’informatique. Et là, le drame : au mieux j’ai ri de bon cœur des bêtises amoncelées au fur et à mesure des diatribes, au pire j’ai été terrifié par l’incompétence crasse de nombre d’intervenants. Oh, je pourrais vous offrir un florilège de citations bonnes pour le « Best Of du pire du web », mais là n’est pas le propos. Mon propos est plus pernicieux : à force d’ouvrir la porte à tous n’avons-nous pas créé un média vicié et sclérosé par sa propre ouverture ?

Regardons de plus loin le fonctionnement même des « Q/R ». Chacun y va de sa question mais personne ne procède à un tir préalable. Quand une question existe déjà rien n’empêche de la reposer (avec donc évidemment surabondance de réponses parfois radicalement différentes de celles utiles), quand la question contient du racisme à peine voilé personne ne supprime ou presque. Dans ces conditions la moitié des demandes valent juste la peine d’être lues par curiosité malsaine, les autres s’y perdant, ce qui est plus que dommage étant donné la qualité de certains propos. Ceci dit, l’actualité se cristallise assez brutalement dans les sujets et celui qui suit régulièrement les nouvelles questions peut aisément mesurer la température générale de l’opinion publique. Ce qui me fait bien plus peur c’est que cette apparition de demandes sur Gaza (en ce moment en tout cas) a pour résultat de voir émerger le sujet dans tous les sens. Tenez : Sami Nacéri, acteur de son état, est actuellement dans une nouvelle affaire de violence. D’une part c’est de l’ordre du privé, et d’autre part qu’il soit violent et con ne nous concerne que très peu. Hé bien pourtant certains réussissent à faire entrer du « sionisme qui modifie la vérité et s’acharne sur les frères arabes » dans le fil du sujet ! Chapeau bas ! Saboter le média de la sorte, même moi qui suis un bordélique je n’avais rêvé d’y parvenir à ce point !

Au global cet environnement transpire donc d’une part la trop grande jeunesse des interlocuteurs qui s’emportent que trop facilement et défendent avec virulence des causes qu’ils ne comprennent pas, et d’autre part la terrible puanteur de la propagande menée par tous les convaincus, ces fameux acharnés qui marchent derrière des drapeaux sans se poser des questions. Le risque est de faire fuir celles et ceux qui tentent de construire leurs réponses (et donc de faire baisser encore un peu plus la qualité des réponses), mais aussi de laisser comme seule trace des sujets mal traités et par conséquent de désinformer les lecteurs potentiels. Doit-on censurer pour autant ? Aucune idée, je ne suis pas partisan de ce genre de méthodes mais de là à tout tolérer il y a encore de la marge je pense. A vous d’en juger, je vous mets le lien ci-dessous.

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