17 décembre 2008

Glauque

C’est étrange comme la nuit a un effet déformant sur les choses. Dans l’orgueil démesuré des architectes tous prompts à jouer le « sérieux » dans les bâtiments de bureaux (entendre par là étaler du noir partout et ce jusqu’aux fenêtres), un immeuble se doit d’être austère pour que la société qui l’occupe paraisse sérieuse. C’est dramatique tant ces colonnes de béton et de verre ont plus des airs de funérarium que de locaux où les gens vivent et travaillent. Tenez, juste en face de mon bureau se dresse un anguleux totem à la gloire d’un concurrent (IBM pour ne pas le citer). Froid, transparent, éclairé de manière rectiligne, l’ensemble prête plus à frémir à qu’à sourire. De jour le tout s’apparente à une stèle sans nom et la nuit, là maintenant, à un monolithe malsain auquel l’on pourrait prêter des pouvoirs paranormaux. Bref, pas de quoi rire ni même sourire.

Je ne comprendrai probablement jamais ce besoin de faire strict quand le fonctionnel serait déjà efficace. Combien de bureaux s’avèrent tout sauf fonctionnels du fait même qu’ils ont une esthétique trop spécifique, combien de crises de nerf à chercher la bonne position pour s’épargner et le soleil et le chef en goguette dans les couloirs jamais rectilignes ! Ca aussi c’est une constante : plus la bâtisse est un parallélépipède plus sont intérieur est biscornu. C’est bien simple, un immeuble de forme cubique serait alors potentiellement empli de couloirs serpentant au petit bonheur la chance. En y regardant de plus près il serait peut-être possible que les dessinateurs responsables de ce cafouillage apparent ce soient demandés comment ôter toute envie de se rendre en pause aux usagers du lieu. C’est bien simple, pour peu que vous ne soyez pas juste à côté de la salle réservée à la détente, impossible de s’y rendre et d’en revenir sans avoir excédé le temps imparti à la dite pause ! Joli coup, j’avoue !

Ce n’est bien entendu pas général et heureusement, toutefois la mode des fenêtres sombres, des stores constamment tirés est une véritable plaie. Certaines personnes semblent ignorer l’existence même du soleil tant ils usent du store magique et du néon salvateur. Pour ma part une rai de lumière naturelle dans un univers glacé de technologie est une bénédiction, mais visiblement d’autres suggèrent qu’il s’agit là d’un parasitage de mon travail. Certes, j’apprécie d’admirer un coucher de soleil à travers la baie vitrée d’un bureau, cependant je n’en ai pas la possibilité en ce moment... Foutue bâtisse laide et obscure qui se dresse juste en face de moi ! Ils n’auraient pas pu enlaidir une autre perspective que la mienne ?! Hélas non : où que vous soyez dans un ensemble de bâtiments de bureaux vous n’aurez que peu de chance d’avoir une véritable vue sur la nature, ou tout du moins sur autre chose que la façade prétentieuse d’un concurrent. Dieu qu’ils me gonflent à jouer l’arrogance dans la construction.

Ceci dit, en y réfléchissant bien, quand je songe à la trogne des bâtiments qui me servent de siège social je me dis que ma société est un exemple... de déprime. Là franchement c’est le contre exemple de l’orgueil : immeuble en location auquel un ravalement serait salvateur, intérieur et équipement de bureau datant d’une ère pendant laquelle je n’étais pas encore de ce monde, bref un désastre esthétique. Si l’on ajoute en plus un quartier tenant plus du souk que du quartier d’affaires je vous laisse imaginer l’hilarité étouffée de certains futurs ex clients s’y présentant. Je me souviens encore de cet accueil qui disposait d’une moquette bleue auréolée non pas de lumière mais de taches de café. Splendide comme façon de recevoir, non ? Sans rire, plus d’une fois la question même de la propreté de l’endroit fut soulevée mais sans succès. Quand on économise on le fait sur tout il paraît. Enfin bon, depuis que le PDG s’est présenté et n’a pas souri bien des choses ont changées.

Là, chez mon client c’est encore différent : on refait, on bricole, on bidouille et le chant du marteau piqueur dévorant le plâtre dispute l’atmosphère aux ventilateurs des ordinateurs. Quoi qu’il en soit certains commencent déjà à regretter notre siège social, moi je ris en déclarant que je suis habitué au boucan. Dommage que mes collègues ne le soient pas. Mais que ne donnerais-je pas pour être habitué à la laideur de l’immeuble d’en face...

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