18 décembre 2008

Ce qu’ils disent...

Comme vous l’aurez remarqué (enfin je l'espère), j’aime jouer avec la langue comme d’autres aiment à jongler avec des tronçonneuses ou bien jouer avec leur vie. De ce fait, il m’arrive bien souvent de réfléchir au sens caché des propos qui peuvent être tenus par chacun, notamment quand l’on échine à vouloir faire passer un message soit subtil (pour ne pas froisser), soit subliminal (pour se faire ... sans commentaire). De là, tout l’amusement est alors de décortiquer ou d’imaginer ces phrases alambiquées remises en forme et énoncées sans retenue. Ce qui est intéressant c’est que l’on peut y jouer à plusieurs : une table, un journal quelconque, quelques convives et hop, une phrase au hasard à réinventer ou à analyser ! Des heures de rigolade en perspective.

Ah la politique, ce le terrain propice à la langue de bois où le bourbier des idées gluantes dispute l’espace aux arbres symboliques cachant les forêts de vérités mauvaises à dire ! Tout homme politique se doit de manier avec dextérité cette fameuse langue de la vacuité de sorte à tout dire, et surtout son contraire dans une seule et même phrase. L’essentiel est que la plèbe soit subjuguée et non pas informée après tout ! Relevons quelques phrases et plaçons un sous-titre adéquat : on entendra volontiers « la rigueur sera nécessaire pour ces prochaines années et notre gouvernement se fera fort d’être à la pointe des efforts », qu’il faut comprendre « En gros les actifs vous allez casquer plus, on va serrer la ceinture à tout le monde et on va faire en sorte d’avoir l’air impliqués, mais en gardant nos passe droits et autres avantages divers ». C’est suffisamment clair pour ne pas pouvoir être pris au dépourvu non ?

Toute personne ayant envie de faire preuve de subtilité jouera sur les mots pour inviter l’autre à agir dans le bons sens. Un brin de finesse, de l’intelligence utilisée avec précision et vous voilà négociateur sans blessure... Mais parfois cela ne fonctionne pas. Tenez, par exemple : « Je t’offre ce coffret douche et déodorant » peut être facilement compris comme « Lave toi ! » mais qui hélas est majoritairement pris comme l’offrande d’un cadeau facile sans risque d’erreur ou de déception. Alors bien sûr il y a les brutes qui, comme moi, énoncent sans vergogne « Dis, tu sais qu’il existe un endroit nommé salle de bain chez toi ? ». C’est à proscrire pour garder un minimum d’amis, ceci dit avoir un ami qui refoule comme une décharge sauvage dans les bidonvilles de Bombay... Enfin bref, faites preuve de finesse pour que l’on vous comprenne sans pour autant que cela soit directement relié à votre intention initiale.

Il y a une d’autres professions expertes dans la circonlocution à tiroirs. Les assureurs par exemple ont une prédilection pour la langue alambiquée que pour la clarté. N’essayez pas de comprendre vos contrats, le but n’est pas d’être abordable mais de protéger la société vendant la prestation et surtout pas vos intérêts personnels. C’est une règle : le client est roi mais pour autant c’est lui qui doit payer, pas l’entreprise. Ah ça, les discours formatés depuis belle lurette vous expliquant que « Etant donné les prestations pour lesquelles votre contrat a été établi nous sommes au regret de ne pas pouvoir rembourser votre bien etc etc ... », donc en décodé « Vous avez la couverture minimale, vous n’aviez qu’à lire les petits caractères ! ». Sympathique, d’autant plus que le système leur offre une quantité invraisemblable d’échappatoires : « nous protégeons contre les catastrophes naturelles UNIQUEMENT si l’état de catastrophe est déclaré », donc nada si vous avez le malheur d’être inondé mais que le département décrète qu’il n’y a pas de situation d’urgence.

Les avocats, n’oublions pas ces parasites de la justice. Tenaces, experts dans le baratin, ils sont les dignes enfants d’un scribe et d’une écuyère de cirque. Les écouter est une grande leçon de français : réussir à faire croire qu’un client pris en flagrant délit est un innocent c’est du grand art ! Ah, franchement, j’admire cette technique qui leur permet de rendre sympathique les terroristes, rendre la victime douteuse et même coupable (il suffit de voir les minutes d’un jugement pour viol pour s’en convaincre), et que dire de celui qui, avec aplomb, affirme sans vergogne qu’un policier s’est fait pour se faire tirer dessus par un braqueur. C’est certainement l’espèce la plus évoluée de l’humanité car c’est la seule capable de jouer avec la langue avec tellement de talent que tous nous en sommes enivrés et donc capables de les croire. Chapeau bas messieurs dames en robe !

Et enfin il y a moi, baratineur, gonflant et gonflé usant et abusant du verbe comme d’autres de la dive bouteille. J’ai la chance d’avoir le luxe de pouvoir m’exprimer avec aisance et de recourir aux mots plus qu’aux poings. Soit dit en passant, un mot percutant peut faire plus de dégâts que n’importe quelle trique... Songez donc aux discours tenus par les dictateurs pour saisir toute la puissance du verbe.

Allez, bon bourrage de crâne, moi je m’en retourne m’emplir la tête avec un bon livre !

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