27 octobre 2008

Te souviens tu

Te souviens-tu de ces moments, allongé sur le tapis le regard planté dans la télévision encore bombée ? Te remémores-tu de ces gros boutons en plastique chromés pour changer de canal et cette antenne qui ne captait pas toutes les chaînes ? As-tu vécu la création de Canal+ ; la déchéance de la Cinq, étais-tu de ceux qui ont connus l’absence de couleurs dans le poste ? Es-tu donc de cette génération à cheval entre l’ancien mode de vie sans technologie et celui qui se profile à coup d’inventions aussi inutiles que devenues indispensables ? Si tel est le cas nous sommes donc plus proches que tu ne le penses.

As-tu arpenté les squares en gravier ou la campagne semée d’orties ? T’es-tu écorché les genoux en jouant au football sur un terrain vague devenu parking ? Quand tu voulais contacter un copain de classe, était-ce en téléphonant chez ses parents et non sur son portable dernier cri ? Quand les gens voulaient discuter se rencontraient-ils encore dans un café, dans la rue ou sur un banc public au lieu d’un impersonnel MSN ? Sommes-nous si vieux pour ne pas réussir à comprendre cette génération qui monte et qui n’a pas côtoyée la cassette audio, le VHS, la téléphonie avec fil et les voitures sans climatisation ? En quoi sont-ils si différents ces adolescents qui ne jurent plus que par la console portable, les émissions sur le satellite ou les blogs illisibles de la vedette de la classe ? J’ai l’impression de vieillir plus vite que de raison ...

Il pleut, les gens se servent encore de parapluies et de capuches pour échapper à l’ondée. Pour combien de temps encore ces survivances d’anciennes techniques éprouvées seront d’actualité ? A quand des manches en plastique réussissant via un miracle technologique à chasser les gouttes du ciel ? Mes chaussures qui martèlent l’asphalte vont-elles un jour se doter d’un dispositif d’entretien automatique ou de la climatisation régulée ? Vais-je subir le poids non plus du textile mais des batteries affectées à mon confort égoïste ? Le temps passe, il fait nuit et pour quelques temps encore je ne serai pas capable d’être nyctalope grâce à une quelconque opération chirurgicale sensée améliorer mes performances. Nous sommes des êtres ordinaires, je me trouve aussi ordinaire que la passante dont je viens de couper la trajectoire éphémère. Elle aussi porte des lunettes, elle aussi bataille avec la buée qui se forme sur les verres. Qui sait si demain les lunettes ne seront plus que des accessoires de mode et non pas d’indispensables compagnons du quotidien.

Les gosses braillent, ils jouent, s’agacent mutuellement à propos d’un dessin animé dont j’ignore même l’existence, leurs poches se sont emplies non plus de billes ou de carambars mais de cartouches de jeu, d’images de mangas aussi brutaux que dénués d’intelligence et pour eux le concept d’album avec des images à coller semble déjà périmé, hors d’âge, d’une autre ère révolue. Panini, comment survis-tu à cette déliquescence de mes symboles enfantins ? Savent-ils toute la passion que nous autres marmots aux mains souillées par le sable et la graisse de la chaîne du vélo mettions dans les échanges équitables d’images autocollantes ? Les mômes comprennent l’informatique, la trouvent banale, le miracle du réseau Internet est un fait quotidien et nul n’aurait à l’esprit une vie sans cette accessoire vie virtuelle. Où sommes-nous, nous autres parents de ces enfants ? Avons-nous créée une génération de futurs adultes accrocs aux informations numériques, au paysage sur écran plat, à la nature par procuration virtuelle.

Pourtant, te souviens-tu de la saveur de cette pomme prise dans un verger, goûtes-tu encore le goût des mûres ramassées le long d’une voie ferrée désaffectée ? Les ronces ont-elles encore du piquant pour les enfants ou bien cette plante est-elle reléguée à la section « souvenirs » de mon existence ? Pourquoi suis-je si triste de voir des adolescents discuter uniquement par électronique interposée alors que rien ne saurait valoir une conversation assis sur un banc, à scruter le temps qui passe, à se nourrir de l’air ambiant et non des puces qui s’amoncellent dans nos poches. Triste temps où les terrains de jeu sont désertés pour ceux faits de point sur des dalles...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Salut, je viens de découvrir ton blog et je me sens beaucoup moins seul tout à coup. Merci.
Nous sommes nous tranformés en "vieux cons" ou bien le fait d'avoir la capacité physique de nous retourner et de regarder en arrière pour nous souvenir et comparer nous fait-il prendre conscience que nous fonçons sur une route sans éclairage et à fond la caisse?
En tant que parents ne sommes nous pas censés être des guides, des modérateurs et des exemples? En fait j'ai l'impression d'être tout l'opposer de cela. Et la prise de conscience me fait flipper. Le fait d'avoir croisé ton blog me permet de me rendre compte que je ne suis pas le seul à m'interroger.
Cela n'apporte pas de réponses aux interrogations mais ce sentir moins seul face à tout cela permet de d'avancer un temps soit peu, et c'est déjà pas mal en soi. Encore merci.

JeFaisPeurALaFoule a dit…

Je crois que la crainte des générations ne se comprenant pas est éternelle... mais aujourd'hui elle devient une règle où la jeunesse se permet même de dénigrer l'expérience et ses aînés. Merci à cette culture poubelle où chacun pioche son inculture et la jette au visage de son voisin.

Merci aussi de cette visite, je suis flatté de voir qu'il y a de nouveaux lecteurs.

En espérant rester intéressant,

Votre serviteur.

Anonyme a dit…

Je n'ai pas connu la TV en noir et blanc, et pourtant, quand je vois que ma fille de 4 ans, hier soir, a pris la souris sans aucun pb pour jouer à un jeu en flash sur l'ordi, je me dis que je suis "vieux"... à 30 ans ...

Et pourtant, j'habite à la campagne.
Mais bon, tout espoir n'est pas perdu. Cette année, en 2e année de maternelle, la maitresse a emmené sa classe sur des petits chemins, et a appris aux bambins à reconnaitre certaines plantes, comme le cynorhodon. Mais si, vous savez, ce bon vieux "poil à gratter" !

JeFaisPeurALaFoule a dit…

Chouette, elle sera aussi espiègle que nous:D