24 octobre 2008

Tic tac, tic tac...

N’entendez-vous pas ce maudit réveil qui dans sa rigueur toute mécanique fait cliqueter ses engrenages pour mesurer le temps qui passe ? Ecoutez le attentivement : rigide, droit, sûr de son emploi il martèle les secondes comme le ferait un métronome pour un musicien. Là, traînant soit au pied de votre couche soit sur une commode d’un style quelconque, il symbolise la vie moderne comme aucun autre objet. Et pourtant dieu sait qu’il y aurait de quoi mettre dans un sac pour regrouper nos objets indispensables : voiture, ascenseur, ampoule électrique, téléphone ... et pourtant seul la montre, le maudit réveil signe à lui tout seul le rythme effréné de notre modernité.

Tiens, le voilà qui s’ébroue comme le coq à levant. Ses aiguilles se croisent et le mécanisme s’approche inexorablement du déclencheur sadique vous tirant d’un sommeil supposé réparateur. Il tinte, grêle, hurle même son chant bien réglé, comme s’il jouissait dans l’instant après s’être contenu une journée entière. Haïssable entre toutes les choses ayant élues domicile dans votre chambre, il s’exprime avec une gaieté qui n’appartient qu’à lui, car finalement pour vous cela marque la fin des songes pour le début du quotidien inlassablement renaissant. Chacun y va de sa technique pour le faire taire : le coup brutal sur sa base pour faire cesser la cacophonie, l’enterrer sous un oreiller lestement jeté dessus et même pour certains sauvages le lancé à travers la pièce jusqu’au mur destructeur et salvateur. Et puis, finalement, dans un élan de volonté contrite on se lève, s’assoit sur le bord du lit, on baille puis l’on se décide à rejoindre la cuisine ou la salle de bains (ou les deux dans un ordre appartenant à chacun).

Le plus infâmant dans le réveil c’est qu’il est la marque certaine du sadisme humain. Jusqu’à une époque pas si lointaine le réveil avait besoin de soins pour fonctionner : il fallait le remonter, faire attention à ne pas le briser en le faisant tomber et puis finalement c’était un équipement relativement cher donc précieux. Depuis l’avènement de l’électronique des pourris se sont échinés à tuer le tic tac métronomique pour le remplacer par le silence monacal des puces. Hélas, s’il s’avère être plus confortable de soupirer sans le cliquetis honni ses manières sont passées de la polie cloche martelée au pervers hurlement synthétique. Buzzer ! Sauvage ! Là, le réveil est une arme de destruction auditive, il vous cannibalise les tympans et se charge de mettre d’une humeur digne d’un conquérant échouant dans sa quête. N’est-ce pas là un signe que de passer de l’éloquence religieuse d’une cloche à la barbarie dénuée d’érudition d’une impie électronique sans âme ?

Oh, certains préfèrent encore le braillement de la radio en guise d’acte de mort pour Morphée, mais en fait à bien y regarder cela peut s’avérer une substitution peu judicieuse. Personnellement je n’ai aucun plaisir à me faire réveiller par le crachotement d’un speaker déclamant les catastrophes du monde, ou bien par la cacophonie d’un groupe à la mode ayant pour seule vertu de permettre le renouveau du marché des prothèses auditives. Sincèrement, s’entendre raconter « Guerre en ... 150 morts d’après le gouvernement de ... et le triple d’après une ONG », ça me laisse généralement mal embouché pour la journée ! Alors quoi, les synthétiseurs sont-ils dont incapables d’imiter la fameuse cloche de tête du réveil d’antan ? Il faut vivre avec son temps, mais de là à le subir il y a une grande marge.

Et puis finalement toute la journée on ne se contente pas de maugréer contre ce foutu réveil, on s’en attache un au poignée pour être certain de ne pas être en retard. En retard à quoi ? La vie c’est avant toute chose un enchaînement de contretemps, de retards, d’imprévus qui se finit inévitablement par une mort intemporelle. Il y a évidemment des petits malins qui font acte de retard à leur propre enterrement mais ce serait déplacé de les blâmer à ce moment là. Joli pied de nez à la vie moderne que se pointer à la bourre à ses propres funérailles je trouve, et puis cela a plus de classe que de ne pas venir du tout ! Pour ma part j’ai trouvé un remplacement plus qu’honnête au réveil aussi bien ancien que moderne, mais hélas c’est une mécanique qui ne se remonte pas, qui s’avère parfois peu fiable et qui plus est peut agir de manière assez surprenante pour trouver une nouvelle manière de vous réveiller. En l’occurrence je songeais à une compagnie partageant la même couverture que vous. Certes, c’est plus agréable de soupirer en duo, mais pour autant il est encore relativement difficile de lui confier vous tirer du sommeil.

Quoique, confions lui le supplice du réveil !

Aucun commentaire: