24 septembre 2008

Serpillière sentimentale

Dans la grande fournée annuelle des émissions dites « de divertissement » (ou d’abrutissement), il est notable que nos chers producteurs ont restreints les élans du cœur qui furent la règle durant les années 80-90. Pourtant si aujourd’hui nous sommes en terre morose, la décennie Bernard Tapie fut tout de même totalement à opposer au sentimentalisme de masse : mise en avant de la réussite financière, création du concept de golden boy, avènement du petit actionnariat et médiatisation à outrance des personnages qui ont réussi. Quoi de plus opposé que le larmoyant discours d’un présentateur bien sur lui reconstituant une famille déstructuré, et le portrait incisif d’un capitaine d’entreprise s’offrant un club de football ou une société de vêtements de sport ? C’est le grand écart audiovisuel, grand écart encore plus accentué par le poids d’un cinéma aux stéroïdes et l’heure de gloire des puncheurs sans cervelle (pas de liste... j’en deviendrai presque méchant par cynisme).

La télévision s’est faite plus con-sensuelle, en tout cas plus con que sensuelle car rien n’est plus stupide que le concept de trahison (île de la tentation) ou de découvrir le secret d’un tiers dont tout le monde se fout (Secret story). Alors bon, ici plus d’élans de générosité à la Patrick Sabatier, plus d’émission comme « la nuit des héros » et encore moins de « perdu de vue » qui fut un chef-d’œuvre d’hypocrisie mercantile. Tout y était : le miel d’une bonne âme partant en chasse d’un cher disparu, la fielleuse flatterie du chercheur pour celui tant réclamé, et pardessus tout cela des torrents de bons sentiments propres à faire vomir le plus patient des adorateurs de Walt Disney. Pour rebondir sur la nuit des héros, c’était quand même quelque chose d’ahurissant : dans le genre... blaireaux nos chers personnages mis en scène dans des reconstitutions de trois sous étaient dramatiques. Le petit dernier s’enferme dans le placard ? Pas un n’aurait eu l’idée de prendre n’importe quoi de rigide pour faire pied de biche, c’est tellement mieux de faire traîner le suspens ! Et dire que les gens gobaient ça goulûment et s’en entretenaient le lundi matin à la pause café. Triste époque...

Désormais on nous épargne le piège sentimental des retrouvailles souvent risibles car flagrantes dans leur aspect factice, on favorisera l’aventure édulcorée et bien aménagée de sorte que chacun y trouve son compte. Pourtant il y a matière à créer ou pomper des concepts basés sur les sentiments ! A mon sens faire preuve de sentimentalisme n’est pas nécessairement une hypocrisie, pour cela il faudrait aussi savoir se donner les moyens de rendre le tout sincère et un minimum chaleureux sans verser dans l’eau de rose croupissante. Un petit exemple ? Pour une fois que les américains ont un concept sympathique et qui plus est pratique, autant s’en inspirer : l’émission se nomme « Extreme makeover » que les chaînes câblées francophones ont renommée « les maçons du cœur ». Il s’agit de prendre une maison d’une famille dans le besoin et de la retaper (voire la reconstruire !) dans un délai de sept jours. Impressionnant, souvent touchant par des situations que l’on voit bien être du quotidien, mais sans jamais d’apitoiement ou de cadrages excessifs pour arracher une larme. Là, le but est vraiment d’aider et qui plus est en ajoutant de l’humour par les pitreries des présentateurs : destruction d’une maison avec un char d’assaut (ou pire... voir la vidéo après le texte), appel d’une équipe de football américain pour trimballer le mobilier et j’en passe. ah oui, j'oublie de préciser: si démolition il y a la famille y habitant la voit en direct! Alors bon, oui les chaînes françaises n’iront pas investir autant d’argent qu’il en faudrait, mais franchement, pourquoi pas ?

Notre quotidien se voit malheureusement caricaturé par les émissions de reportage : si ce n’est pas la drogue c’est la prostitution, si ce n’est pas ça c’est alors le travail clandestin, et au final ça peut même devenir « Travailleuse clandestine le jour dans une cité, prostituée de luxe la nuit dans Paris ». Dites, à force de nous faire voir le fait que nous sommes sordides et puants, pourquoi attendriez-vous de nous que nous soyons raisonnables et intelligents ? Boutade mise à part nous perdons de plus en plus pied dans les relations humaines et favorisons le voyeurisme mais à condition qu’il ne concerne pas notre vrai quotidien. Les émissions importées des USA des caméras embarquées de voiture de police ont la cote, par contre aller faire simplement une enquête circonstanciée sur la vieillesse, les maisons de retraite mais avec un regard fin et tendre... mais là je rêve à haute voix ! Il faut du sensationnel, mais pas trop pour ne pas choquer le sacro saint guide de la bonne morale. Pour tout dire, c’est à se demander ce qui est le plus important dans la télévision : nous abêtir ou nous divertir ? Me concernant le divertissement est trop mauvais, j’ai donc ma réponse.

Comment détruire une maison qui n'est plus saine, à la manière des Extreme makover home edition...

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