23 septembre 2008

Discours

Pour chacun de nous il existe des discours que l’on ne souhaite jamais dire, que l’on ne souhaite jamais entendre et que l’on voudrait être oubliés. Pourtant à chaque instant quelqu’un doit prendre la parole et exprimer ce qu’il ressent, même si la douleur qui sort à chaque mot est terrible. Si le langage écrit est si maladroit pour décrire la profondeur des sentiments, c’est avant toute chose le ton et les yeux qui pleurent qui racontent. Pour moi n’étant pas père je ne peux pas savoir ce que je ressentirais à la perte d’un enfant... mais dire ce que mon cœur saignerait de perdre un camarade, ça je le peux. Alors, à la mémoire d’un frère d’arme, à la mémoire d’un ami, d’un nom qui finira oublié sur une pierre gravée, je dédie ces quelques mots.

En espérant n’avoir jamais à les dire réellement au pied d’une tombe.

Ami.

Le soleil n’est pas clément, la bise balaie les travées et tu es là sous mes yeux. Tu arbores ton dernier sourire, le plus paisible et le plus douloureux signe d’éternité que tu nous affiches. Plus je songe à toi et moins mes lèvres suffisent à te décrire à celles et ceux qui sont présents aujourd’hui. Certains pleurent, d’autres contiennent leurs sanglots, moi je m’étouffe en tentant de dire à quel point tu vas me manquer. C’est en égoïste que je parle, car c’est en moi que je ressens la peine de te savoir parti à jamais, toi frère d’arme avec qui j’ai côtoyé la mort terrible dans ses supplices, et la vie magnifique dans nos rires partagés. Qu’il soit dit et qu’on se souvienne à jamais que tu étais le compagnon, le fier et droit, celui qui n’a pas cédé et qui s’est sacrifié pour les autres ! Que ton nom devienne synonyme de bravoure, d’abnégation et d’amitié indéfectible.

Ta sœur, ton frère, tes parents, tes amis, tous saignent intérieurement de te savoir parti trop tôt. Le drapeau qui couvre à présent ton cercueil devrait être fierté mais il n’est que linceul vide face à la peine qu’il est supposé recouvrir. C’est avec fierté que nous songeons à ton sacrifice, mais c’est avec amertume que nous devrons vivre avec ton souvenir et non avec toi. Ami, tu es là, devant nous, prisonnier de l’éternel alors que moi je te sens encore présent, comme si tes yeux nous suivaient avec amusement. Toi l’espiègle, le fanfaron tu t’es révélé, tu nous as révélé le sens profond de la vie : vivre c’est avant tout savoir finalement mourir avec dignité. Tu ne t’es pas plaint, tu as fermé les yeux en nous remerciant d’avoir été dans la même compagnie que toi. C’est moi qui te remercie à présent d’avoir été notre compagnon d’arme.

J’ai les joues humides, moi qui m’étais juré de ne plus jamais pleurer. Si long que soit le chemin qui nous mène au paradis je suis certain que toi tu y seras quand je tenterai ma chance. Je serai peut-être vieux, peut-être que je serai le prochain, mais je te retrouverai pour te dire mon ami tout ce que je n’ai pas été capable d’exprimer de ton vivant. Tu nous manques, tu me manques et ce n’est pas le temps qui suffira à effacer ton souvenir.

Je n’ai pas eu envie de dire tout un tas de sottises sur l’honneur et le respect des traditions. Tu es mort avant toute chose pour nous sauver, et ça, quelque soit l’uniforme c’est un acte valeureux. Grâce à toi je vis chaque instant comme étant quelque chose de précieux, tu es le révélateur de l’existence, merci de m’avoir donné ma chance en ce monde... mais j’aurais tant aimé que tu sois là pour partager mon futur ! Sans toi il me manque quelque chose d’essentiel, un frère, un ami, toi mon pote.

Finalement j’ai énormément parlé, pleuré sur mon sort alors que toi tu t’en es allé. Je te l’ai dit, je suis un égoïste qui ne pense qu’à sa douleur mais pas aux tiennes. Tu me manques...

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