23 juillet 2008

Avenir et armée

Depuis quelque temps les grandes armées du monde se retrouvent face à des situations auxquelles elles n’ont jamais été préparées : guérilla, terrorisme, utilisation intensive des médias modernes, armes « du pauvre » (gaz et autres saletés peu engageantes), il s’avère donc que les anciennes stratégies sont aujourd’hui obsolètes ou du moins inadaptées. Raisonnons à une échelle mondiale : depuis la chute du communisme les ennemis ne sont plus des blocs se chargeant de maintenir l’ordre (par la terreur) dans tous leurs satellites, ce sont ces fameux satellites qui deviennent des menaces potentielles. Pour s’en convaincre il ne suffit pas de se cantonner aux problèmes du moyen orient, il faut aussi élargir le point de vue avec les guerres civiles en Afrique ainsi que les guérillas en Amérique du sud.

Des armées comptant trop sur la technologie
Bien que l’information soit réellement le nerf de la guerre, on ne peut que déplorer une dérive qui mène à ce que l’esprit humain devienne un accessoire de la machine et non l’inverse. En effet, il est flagrant de constater que les grandes armées se basent sur l’analyse satellite, sur les écoutes téléphoniques ainsi que sur l’inévitable espionnage électronique (téléphonie mobile, réseaux informatiques …). De fait, ces méthodes que l’on pourrait qualifier de modernes se révèlent efficaces contre un ennemi étatique, pas contre des groupuscules basés sur la notion de cellule indépendante. L’exemple flagrant est le 11 Septembre : à en croire les analystes qui a posteriori critiquent l’incompétence des services gouvernementaux américains, force est de constater que l’excès de données rend par sa propre foison impossible toute analyse rapide et efficace. Un mastodonte tel que l’URSS avait besoin de temps pour bouger, une unité d’une dizaine d’hommes est terriblement mobile. D’un temps de réaction de quelques heures il faut donc passer à quelques minutes voire moins pour contrecarrer les éventuelles actions terroristes prévues que quelques instants auparavant. Ce premier point appuie donc certaines thèses qui réclament un retour à la présence d’agents humains sur le terrain (voire par infiltration) plus que derrière des bureaux les mains sur des claviers.

Le second point où la technologie avoue ses limites est globalement opérationnel : plus l’outil est complexe plus ses utilisateurs doivent être formés. Il est en effet irréaliste d’envisager l’usage de drones, l’analyse de situation par informatique, la maintenance des véhicules ultramodernes (donc électronique à outrance) sans avoir un appui technique et technologique de haute volée. Paradoxe des temps, cela fait donc une colonie de soldats en col blanc réduisant le nombre de portes fusils sur le front réel. De là à dire que certains stratèges fantasment sur l’usage de robots ou de faire la guerre comme on joue aux jeux vidéo… N’oublions pas également que la fiabilité d’une arme est proportionnelle à sa maintenance, et sa précision à l’information mise à disposition. On a pu constater les erreurs de frappes avec les missiles Tomahawk suite à des lacunes graves des services de renseignement. Et oui, une bombe guidée doit frapper quelque part, et le hasard n’existe pas en combat.

Tout ceci nous amène donc à avoir des armées très avancées en terme de technologie mais totalement engoncées dans des procédures et des technologies incapables de réellement s’adapter à la situation. Un groupe mobile en montagne, vivant sur et grâce au terrain n’usera pas d’équipements de communication, sortira la nuit pour éviter toute possibilité d’être vu facilement par les troupes déployées, usera des grottes pour se réfugier et y vivre en autarcie, et enfin agira en guérilla en ne frappant que de temps en temps, ceci affectant terriblement le moral des soldats présents. Inutile de dire qu’une photo satellite sera pratique dix voire quinze minutes, mais une fois analysée les hommes visibles sur la photo seront ailleurs… comme toujours.

Un choix du « commando » contestable
A vouloir spécialiser ses troupes et ses armes il est plus que flagrant que la plupart des grandes nations se sont séparées de la conscription. Est-ce judicieux ? A mon sens le bilan est plus que mitigé : l’efficacité opérationnelle des forces commando est indiscutable mais son coût tant humain que technique est démesuré. Entre l’entraînement, l’équipement spécifique, la sélection drastique d’hommes et de femmes limitant à des groupes peu nombreux, on ne peut que douter sur l’aspect réellement efficace en temps de véritable guerre. La projection de troupes commando s’avère essentiellement efficace dans des rôles de renseignement, d’exfiltration ou de sabotage, mais impossible de compter dessus pour supporter un assaut de troupes conventionnelles nombreuses et suffisamment armées. En déplaçant le débat sur des terrains aujourd’hui réservés à l’ONU, même ce genre de troupes nécessite des soldats classiques, des « troufions » simplement équipés d’une arme automatique, d’un uniforme standard et d’un casque. Le gilet pare balle est une solution onéreuse mais qui peut sauver à peu de frais des soldats, donc envisageable sur la durée. Et pourtant rares sont les pays qui maintiennent une véritable force opérationnelle d’envergure avec le profil « bidasse ». Des compagnies existent mais souvent elles sont peu utilisées et restent souvent plus par prestige que par véritable choix stratégique.

Une consultation sur les armes non létales
Depuis des décennies des chartes de bonne tenue en temps de guerre prônent la disparition et le non usage d’armes telles que les mines, les BASM (Bombes A Sous Munitions… de belles saletés) ou d’armements BC (bactériologique et Chimique). De fait, tout y est géré : le calibre des munitions, le type de déflagration, bref tout un catalogue du savoir-vivre au front. La nouveauté réside en ne plus tuer l’ennemi mais le rendre inopérant ou l’handicaper temporairement. Dans cette optique la police utilise efficacement le Tazer, redoutable paralysant électrique projeté qui offre une méthode de substitution au gaz poivre somme toute peu fiable et souvent inopérant contre les personnes « coriaces ». L’armée devra développer ce type d’équipement notamment du fait que les guerres civiles imposent des interventions délicates où tribus ou communautés doivent être maîtrisées sans pour autant causer de morts chez les civils (donc les combattants). C’est dans cette voie que peuvent apparaître les gaz paralysants, les dispositifs à base de lasers incapacitants pour la vue ou de microbes rendant malade sans pour autant tuer. Bien entendu, cela semble de la science fiction mais le front du futur nécessitera probablement de gérer situation urbaine et foule hostile mais non armée. Il en va de la survie des troupes envoyées sur place de pouvoir disperser les attroupements sans pour autant provoquer de bavure irréparable.

L’intervention toujours plus rapide
Parmi l’attirail aujourd’hui disponible l’envoi de troupes se fait majoritairement par avion et éventuellement par dépose de soldats via l’hélicoptère. Le schéma type du conflit au nord Vietnam a démontré que la solution est efficace mais qu’elle pâtit d’une lenteur dangereuse. Dans cette optique il sera donc probablement inévitable d’orienter la conception des avions vers des solutions V/STOL Vertical/Short Takeoff and Landing (vertical/court décollage et atterrissage), c'est-à-dire des avions capables de se poser à la verticale et de repartir de la même manière. Combinant vitesse de l’avion (au-delà du son) et capacité de dépose hors piste aménagée, ces équipements devront également combiner des améliorations notables dans la communication interarmes : mise à disposition de cartes et remises à jour en temps réel, téléphonie autonome et cryptée pour la sécurité des troupes, capacité de géo localisation accrue (GPS) offrant des possibilités de choix tactiques plus étendus. De plus, il sera judicieux de combiner l’information entre toutes les armes (air, terre et mer) de sorte à ne plus risquer d’incidents de tir ami.
Concernant les véhicules terrestres, le choix se portera sur l’augmentation de l’autonomie des véhicules de transport ainsi que sur une réflexion sur la doctrine du blindé. Hier adapté aux plaines, l’apparition de véhicules aériens spécialisés imposera des développements majeurs tant dans la forme que dans la mission des chars. Il est également plus que nécessaire d’avoir une réflexion sur la combinaison du blindé et l’emport de troupe, solution facilitant à terme la logistique et épargnant l’obligation de la multiplication du nombre de soldats placés à la fonction de conducteur. En allant au bout du concept, il sera également intéressant d’avoir une réflexion sur la possibilité d’emport des dits véhicules par des engins rapides, du moins plus rapides que les actuels transporteurs qui nécessitent au minimum une piste même basique pour le parachutage des équipements lourds.

Réflexions complémentaires
Du fait que la technologie peut être utilisée aux dépends des troupes basées dans le monde (Internet, téléphonie mobile…) cela laisse augurer une ère où le terrorisme et la guerre se rapprocheront de plus en plus tant en concepts qu’en mise en œuvre. Il est donc indispensable de maintenir un degré élevé de formation sans toutefois sacrifier tout sur l’autel de l’électronique. Un homme sachant tenir un fusil sera toujours plus capable de réagir qu’un appareil susceptible de tomber en panne de manière inexpliquée ou devant subir des maintenances régulières. D’autre part, la mise en place d’une amélioration des connaissances culturelles et politiques des troupes projetées dans le monde facilitera leur présence de part leur capacité à ouvrir le dialogue mais aussi et avant tout de juger de la situation en temps réel et non dans l’attente d’un hypothétique message envoyé d’un bureau climatisé. Je plaide donc pour un retour progressif à la conscription dans son aspect fondamental de formation des jeunes ainsi que pour son côté offrant une intégration à une armée en pleine mutation tant technologique que philosophique.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tu poses mal le problème, car tu as oublié une donnée importante: l'intervention de civils dans le choix des armes, le choix de la réaction. Le temps militaire n'est pas le même que le temps civil et encore moins que le temps terroriste. Et alors, mieux vaut des baroudeurs pour les interventions que des civils déguisés en soldat pour l'amour de la Patrie.
Je suis d'accord avec toi pour un Service Militaire qui avait l'avantage d'unir des gens d'horizons différents, de classes sociales différentes et ainsi de cimenter le tissu social de la Nation. Il eût été préférable de moderniser le Service National, plutôt que de le détruire. Utilisation des compétences réelles des appelés et sanction du Service National comme valant une année d'expérience professionnelle, voilà une mesure qui n'aurait rien coûté et qui aurait été intelligente. Un régiment comme le 13° RDP appliquait cela et le retour à l'emploi après le SN était des plus significatifs. D'autres mesures de même accabit étaient applicables.
Maintenant, une armée de conscrits dans les armées modernes n'a guère trop sa place. Comme tu le dis toi-même, parce que le matériel a évolué et d'autre part, parce que le niveau de formation et de débrouillardise des recrues a baissé. Certains, après une quinzaine d'années d'Education Nationale ne savent ni lire ni écrire. Dans nombre de récits des anciens de la Drôle de Guerre, par exemple; c'est bien la débrouillardise des recrues qui a sauvé bien des compagnies, alors que certains officiers se barraient avec la caisse. A présent, le niveau des personnels de l'armée a évolué, tant des officiers que des sous-officiers. Mais celui des civils a chuté. Et celui des pouvoirs politiques et civils avec (Se souvenir des politiques qui ont laissé les jeunes Français devenir des Soldats Cibles à Beyrouth ou de la tronche décomposée de Mitterand lors de la première guerre du Golf, ou encore même de la Guerre d'Algérie, perdue par la France sur le front médiatique et non militaire, etc...). Donc, que ferais-tu de jeunes recrues inexpérimentées, désintéressées politiquement, inaptes à la souffrance physique et aux privations? Elles seraient une gêne plus qu'autres choses.
Pour revenir sur l'efficacité, une action commando a le mérite de se passer de lenteur administrative. Une action de masse la subit de plein fouet, avec l'inconvénient supplémentaire des journalistes qui renseignent l'adversaire, sous couvert de liberté d'expression. Le prix de cette liberté pouvant être le sang des Fils et Filles de France. Mais les militaires ont l'habitude d'être considérés comme de la merde et du consommable...
Les temps changent, les conflits aussi. La guerre d'antan est terminée pour le moment et les premières lignes ne sont pas en treillis, elles sont en costard-cravate dans des accords commerciaux, des répartitions de richesse à coups de transactions boursières. La guerre est là, le terrorisme aussi. Tu parles du 11 septembre. C'était un mardi. Le lundi suivant, le système de régulation boursier mondial avait absorbé l'onde choc. Et démantelé les comptes de "Benjamin Ladent" qui espérait certainement se faire une belle plus-value sur ce coup. Lors de ce mardi, on a parlé d'informations reçues sur les attentats et non exploitées. Il est vrai. Mais les machines ont fonctionnée; c'est l'homme, un fonctionnaire du FBI qui a refusé de les prendre en considération.
Les conflits évoluent. Le matériel évolue. Les mentalités évoluent. Mais celles de gens crevant de faim évoluent plus vite que celles de pays nantis. La nécessité est source d'imagination. Pas l'opulence. Vu nos origines, toi et moi en savons quelque chose, n'est-ce pas?
Même en France, une guerre a lieu sans que les gens s'en rendent compte. Une guerre médiatique de désinformation où certaines puissances étrangères jouent comme sur un échiquier. Des groupes soi-disants musulmans qui vivent en Espagne et se permettent de faire la morale aux Français simplement pour tester la réaction des gouvernants. Les Juifs de Floride qui voudraient faire passer la France pour un pays antisémite de type Berlin 1936. Il y a des guerres perdues, comme celle du kiwi... Qui sait que l'on a appris aux Français à bouffer du kiwi, suite à l'attentat du Rainbow Warrior, en guise d'indemnités (de Guerre)?
Quant à faire une armée de conscrits en France, pourquoi faire? La lecture d'un TTA 150 t'apprendrait que la Régulière est prévue d'être exterminée en 3 jours dans le cas d'une invasion type 39, avec des armes actuelles. Cette même référence te dirait que les civils seraient alors déjà exterminés. Pendant que les politiciens d'un certain niveau, eux, seraient à l'abri... Cela refroidit l'ardeur patriotique, non? Quant aux commandos parachutistes, ils seraient eux largués au-delà des lignes ennemies avec ordre de faire un maximum de dégâts. Leurs Corps respectifs seraient dissouts.
La France est une République, non une Démocratie, il est bon de le rappeler. Or, une République est forte si chaque citoyen est fort. Fort de ses convictions, de ses aspirations. Pas une girouette qui change d'avis entre les pubs. Un bon civil fera un bon militaire s'il est avant tout un Citoyen conscient de son état et de son Etat. Tu en connais beaucoup qui pensent encore à la Communauté et non à leur arrivisme de droite ou de gauche? Division politique qui ne veut rien dire, de plus. Les Guerres Mondiales ont modifié les rêgles du jeu. Ton écrit, comme mon commentaire, sont abscons, parce que ta pensée, comme la mienne, parlent d'un plan national alors que nous sommes dans un jeu international et mondial. Tout se maintient ou se détraque par des équilibres fragiles et subtils dont il nous faudrait trois vies pour les énumérer tous pour cette seule journée. Et qui seraient sans doute périmés déjà pour celle de demain. Fieffé constat, n'est-ce pas?