03 janvier 2008

Purple haze?

Certains morceaux semblent être prédestinés à diffuser une image, un état d’esprit et même une situation, et de là l’on se construit une situation en soi. Remercions tant le cinéma que la publicité pour nous avoir bâtis certains clichés auditifs, même si ceux-ci n’ont aucun sens…

L’exemple qui me saute à l’esprit en premier c’est la ribambelle de chansons scandées pendant les années 60-70 par les « hippies » contre la guerre au Vietnam, parmi lesquels on retrouve une partie de la discographie de Jimmy Hendrix. Qui n’a pas imaginé un hélicoptère vert se posant dans une clairière au son saturé de sa guitare, qui ne revoit pas une compagnie de soldats US crapahutant dans la jungle sous le « Hey Joe » devenu légendaire ? Pourtant, plusieurs choses paradoxales sont à préciser : d’une, toute armée dispose d’un organe radiophonique pour diffuser et contrôler l’information parmi ses troupes. Lors du conflit au Vietnam les troupes américaines n’ont jamais pu écouter les morceaux de Hendrix vu qu’ils étaient bêtement censurés ! Dans ces conditions, nul GI n’a jamais pu avoir le droit à un extrait de « Purple Haze » au retour d’une mission… Restons sur le Vietnam : si l’on dit « le chant des Walkyries », on ne pense plus musique classique mais « Apocalypse now ». Etrange, non ?


Après de nombreuses recherches, j’ai retrouvé quelques épisodes d’une série diffusée pendant mon enfance nommée « L’enfer du devoir » (Tour of duty pour la version originale). Pour faire simple, l’histoire consistait en l’observation de la vie et des comportements des soldats américains envoyés au combat au Vietnam, où « Tour of duty » a pour signification première la durée du service obligatoire sur place. Là où la série fut riche, c’est qu’elle n’hésita pas à aborder des problèmes durs à traiter comme le racisme, l’utilisation du chantage pour forcer les populations pauvres des USA à s’engager (en proposant par exemple de faire l’armée au lieu de la peine de prison… spécialement aux noirs et aux sud américains), ainsi que l’usage de stupéfiants ou bien la torture dans les deux camps. Globalement ni anti américaine (difficile de vendre des épisodes !) ni pro militariste, l’ambiance était au réalisme, en poussant même jusqu’à rendre tangible et humain l’ennemi. On pourra critiquer certains clichés, mais globalement ce qui rendit la chose célèbre c’est une humanité dans chaque personnage, ainsi qu’une bande son totalement en phase avec son époque : tous les standards et tubes de la période y passèrent, soutenant l’image par le son.


Pour ma part, j’ai encore comme un impression de percevoir la situation en écoutant la liste de ces morceaux qui représentent la bagatelle d’une centaine d’extraits sonores ! Impressionnant comme travail d’archive, et surtout édifiant sur la force de suggestion de la musique… Et si je me fendais de me laisser aller à écrire sur le sujet, casque sur l’oreille et radio 70’s à toute berzingue ?

C'est comme toujours la même odeur âcre de kérosène qui vous prend aux narines en premier lorsqu'une mission se prépare sur la base: les gens s'affairent autour des Hueys et que l'on prépare les cartouchières pour les deux M60... ça vous prend aux tripes de savoir que des amis vont embarquer et se poser quelque part au milieu du merdier. De toute manière vu l'humidité et la chaleur je n'ai pas dormi des masses. L'essentiel ici c'est de tenir toute la durée du tour avant la première permission car après l'on reprend le pli. Trois fois, voilà trois que je rempile comme un imbécile, et je me demande encore comment j'ai pu signer ce foutu formulaire de réengagement. L'alcool n'est pas innocent et encore moins les pétards de ces cons de la section. Eux, leur délire c'est de rester le moins lucide possible une fois le pied remis au propre et le froc à sécher après quatre lavages. S'il n'y avait pas ces piqûres de bestioles, le manque d'hydratation et la mauvaise bière ce serait presque un paradis ce trou perdu! Enfin... toujours ce bruit de turbine qui ronronne sur le tarmac et la section delta qui embarque. J'y ai trois potes: Thomson, celui qu'on appelle Snake et Ambers. Trois bons gars quoique pas très futés, des campagnards. Moi, je débarque du bronx comme la plupart des ritals de cette base et l'on déconne parfois à se souvenir des ruelles infestées de rats et des bistrots sentant la mauvaise bière et la pisse des gars totalement démolis. A croire qu'ils se fournissent tous chez le même brasseur!

Ca y est, ils sont partis. Aujourd'hui je suis peinard, cinq jours sans avoir fermé l'oeil au milieu de ces rizières nous ont donné le droit à 48 heures de pause. Tu parles, avec deux morts et quatre blessés ils auraient pu faire quelque chose pour ces pauvres types. Des bleus surtout, rude de rentrer dans un sac plombé dès la première semaine de bordel... Bref, ma bière s'évente gentiment au pied de ma couchette et moi j'entends l'hélico vert s'éloigner. Ici quand on entend le mot routine ça veut toujours dire "bourbier, tripes et booby trap". Sympathique comme carte de visite pour le Vietnam non? C'est quoi ce bordel? Il y a deux minutes un capitaine s'est pointé, m'a hurlé dessus comme un veau et a exigé qu'on soit prêt moi et ma section dans cinq minutes sur la piste. Les delta se seraient faits accrocher dès l'atterrissage et auraient besoin qu'on procède à une extraction. La joie et la bonne humeur les mecs, au turbin! A mon tour j'accorde mon M16 en tirant sur la tige au-dessus de la culasse et je demande à mes gars d'en faire autant. Ils sont plutôt furieux, la plupart n'ont pas plus dormi que moi...

Une demi-heure de vol, l'hélicoptère fait des cercles sur une zone carbonisée par un passage de F4. Si les mecs étaient là dessous il doit rester un tas de cendres et pas de quoi remplir les cercueils pour les funérailles. On descend et les deux mitrailleuses chantent la mort à tue tête tandis qu'on saute avant même de toucher terre. Musique maestro! Deux mortiers à cinq heures et le terrain devient vite sauve qui peut. Je fais signe de s'allonger et mes gars tartinent à qui mieux mieux la position supposée de nos canonniers. Rapidement deux grenades font taire les bridés alors que je me lève pour inciter ma section à reprendre la marche. Ca commence fort votre extraction...

Deux heures. Deux heures sans aucune trace de Delta, pas de réponse radio quand on arrive à une espèce de clairière. L'horreur: toute la section est là au grand complet... alignée au sol telle des allumettes dans un étui de bar. Morts. La plupart ont été achevés d'une balle derrière l'oreille. Efficace et sans bavure . « My lord » siffle le toubib. On refait rapidement le compte et le géant vert est mis au courant: il faut préparer une évacuation pour les dépouilles et pour nous même. Tout à coup deux coups de feu. Le premier claque au dessus de ma tête dans le tronc d'un arbre, le second je prends un plomb au côté. Merde... un sniper. Je tombe le nez droit dans les lotus qui ont poussé au bord de la clairière... chiotte... je déguste mais mes hommes se démerdent mieux que la section delta. En quelques minutes ils m'ont fait un nettoyage digne d'un pressing grand standing. Moi je suis dans le potage, le nez plein de cette odeur pourrie et la tête pleine des corps de mes potes. Moi qui pensait que cette fois ci encore je rentrerais sur mes deux cannes... c'est raté!
Je pique du nez... Coma.... j'entends à peine la voix de l'infirmier qui couine pour que je ne m'endorme pas. Désolé doc j'ai sommeil et il serait temps que je fasse un somme...

Quelle cuite! J'ai un mal de crâne qui rebique jusque dans les cheveux. Je suis allongé sur des draps propres, il fait frais et tout est silencieux. Je suis au paradis? Il y a encore cette foutue odeur de lotus dans le coin! Merde je suis donc crevé et là je renifle encore cette saloperie de fleur? Une infirmière débarque et me demande si j'aime ce parfum... je dois lui dire ou pas? Je ne suis pas mort, juste bien blessé et presque garanti d'un retour au pays avec la purple heart... Fais chier... je peux encore marcher? Elle opine du chef et me dit juste de ne pas bouger les deux prochaines semaines. A vos ordres mademoiselle.... en échange d'un doux bisou.

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