18 décembre 2007

Faites du sport !

Depuis deux décennies à présent on revendique avec fierté les valeurs du sport dans la vie urbaine, ainsi que la nécessité de pratiquer une activité physique afin de maintenir une image agréable de soi pour les autres. Bien entendu, on vous ajoute un soupçon de morale biologique en informant sur les risques liés au cholestérol, aux excès divers et même en allant jusqu’à diaboliser toute nourriture n’ayant pas suivie un régime drastique en terme de graisse… et de goût. Je m’élève contre la dictature de l’image !

Etant enfant, j’ai probablement connu le même dilemme que bien d’autres gosses qui consistait à savoir dans quel camp se trouver : celui des lecteurs de romans pour qui le sport est une activité avilissante, ou bien le camp des endurants qui au contraire un livre représente une corvée infâme. N’ayant nul doute sur ma place de binoclard je peux affirmer sans aucune pitié que le sport en milieu scolaire est le supplice suprême, l’activité humiliante par excellence. On met en compétition des préados qui ont déjà bien suffisamment à faire avec la puberté, on leur bourre le crâne de la nécessité d’être « beau et fort comme seul un athlète peut l’être » et surtout on offre un panel minable des sports les moins attirants. Ah la course à pied autour du stade, le lancer de javelot, le lancer de poids, la course d’endurance… que de souvenirs aussi désagréables que pathétique. Aussi étrange et illogique que cela puisse paraître, j’ai pu constater avec horreur l’incongruité des calendriers sportifs : en extérieur en hiver, en intérieur en été. Merci à vous, professeurs en jogging ne tenant en place qu’au prix de petites foulées ! Merci pour ces matchs de football dans le bourbier d’une journée de novembre, et ces parties de Volley-ball dans l’étuve du gymnase un après-midi de juin !

Et là encore il ne s’agissait que de courir contre le chronomètre, subir la frustration de la sélection lors des sports collectifs (finir le dernier sélectionné… sympa les mecs, non franchement, j’apprécie !) puis une fois les deux heurs enfin liquidées, le retour au vestiaire qui vaut à lui seul la palme de la haine ordinaire entre adolescents imbéciles : boudiné ? Pas du tout, je suis juste une bouée au large de Ouessant abruti. Quoi comment ça je n’ai pas le temps de me doucher ? M’en fous, je serai en retard… ah bon on l’est déjà ? Et merde… Bref, quoi de moins séduisant que cette collectivité de sueur acide, de rires gras et surtout de regards compatissant pour qui ne tient pas la distance ?
Je vois déjà l’ancien sportif pour qui ces moments valaient de l’or me reprocher mon aigreur et même y trouver un brin d’exagération. Navré de vous décevoir mais ce constat est on ne peut plus réaliste, surtout quand un ou plusieurs camarades s’avèrent être des sportifs de bon niveau. Tentez donc de vous taper une séance de cheval d’arçon avec un type qui fait de la gymnastique depuis tout petit et qui est déjà plusieurs fois médaillé au niveau régional… vous m’en direz des nouvelles !

Bien sûr on parle d’émulation, de redressement du niveau des faibles menés par les forts, mais personnellement je n’ai jamais vu un type convaincu de sa force venir demander une explication mathématique au binoclard, si ce n’est de la manière la moins diplomatique qui soit, en l’espèce la menace brutale du « fais mon devoir ou tu vas avoir le nez en compote ». Bien heureusement mère nature et la génétique se sont offertes une partie de plaisir en ajoutant à mes neurones un gabarit plus que conséquent, ceci malgré un embonpoint contre lequel je lutte depuis toujours (et plus que jamais en ce moment même). De cette manière j’ai pu m’épargner quelques quolibets, à moins que ce soit mon aisance à dire « merde » à qui que ce soit de pénible qui fut propice à cette relative quiétude.

A côté de ça, la propagande sur l’exploit, la performance revendique un certain nombre de vedettes qui de fameuses deviennent souvent douteuses par le simple fait qu’au lieu de pousser de la fonte certains poussent des pistons de seringues. Chouette modèle pour les gamins en manque de modèles ! Sans rire, qui peut aller dire à son gosse qu’avoir le portrait idolâtre d’un cycliste dopé est bon pour lui ? Je caricature ? Sans nul doute non, il suffit de se rendre compte que l’argent est devenu le compétiteur et le sportif l’accessoire utile mais jetable… nul n’est irremplaçable, pas même la vedette, le monstre sacré payé à prix d’or.

N’allez pas croire que je sois contre les rémunérations élevées pour les sportifs, ils ne font que toucher un quote-part des revenus de la publicité ou des ventes dérivées, mais à ce titre aussi il serait bon de se rappeler de ne pas en faire de trop : à chaque championnat de quelque chose, à chaque coupe de ceci ou cela, le chauvinisme s’étale en grand sur les maillots aussitôt rangés au moment d’une défaite ou de la fin de la compétition. Ah mais j’oubliais aussi le moment de pure extase visuelle quand un homme boudiné, violenté par ses souvenirs d’écolier studieux ou juste trop moyen partout se met à tenter la course à pied dominicale, harnaché d’un maillot tricolore, d’un bandeau pour la sueur, d’un baladeur hurlant un « I will survive » plus qu’éculé, et surtout équipé d’une ventripotence supposée lui rappeler que l’excès de cassoulet nuit à la santé. Le ridicule ne tuant pas, n’oublions pas le grand final du short moulant, cette vision d’horreur sur l’homme désespérément en quête de sa jeunesse à jamais effacée.

Je n’aime pas le sport ? Non, ce n’est pas la question, j’ai en horreur le foin qu’on fait autour d’une activité qui se devrait d’être ludique et non contraignante. Je suis contre l’activité physique ? Pas du tout, il faut juste savoir où finit le plaisir et où commence la torture. Chaque année on constate des problèmes d’image chez les filles et jeunes femmes, toutes trop influencées par l’image étalée avec indécence dans les médias. Une femme n’est pas un squelette ni une bête de somme à la Mauresmo, l’homme n’est pas systématiquement Sean Connery ou Zidane, nous sommes tous différents parce que nous devrions tous posséder notre image, et non la calquer sur un patron pétri d’imbécillités consuméristes…

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