08 octobre 2007

Ovalisons

Si j’ai le malheur de taper sur le rugby en cette période d’euphorie médiatique, je suis certain de risquer la crucifixion assortie du goudron et des plumes. Pourtant, là où j’ai quelques doutes sur cette ferveur dite « populaire », c’est qu’étrangement après des années d’obscurantisme médiatique concernant ce sport, aujourd’hui sous des dehors de popularisation de la coupe du monde on tente d’en faire un « foot bis ». Quoi qu’il en soit, la tendance est particulièrement impressionnante surtout à l’échelle d’une nation : depuis le bistrot jusqu’aux campagnes publicitaires, le ballon ovale est partout, impossible d’y couper. N’étant pas un sportif dans l’âme, j’avoue commencer à éprouver une certaine saturation.

Comparons deux choses : quelle différence entre « le gorille Chabal » et la « ballerine Zidane » ? Dans l’absolu on me parlera de critères physiques et sportifs, mais d’un de vue visibilité je trouve qu’ils sont comparables. Il y a quelques semaines encore le rugbyman était un joueur parmi d’autres, connu d’une communauté relativement restreinte d’amateurs, et là qui ne connaît pas ce joueur n’est pas sorti de son ermitage depuis des mois ! Chaque média y va de sa petite note, de son commentaire abscons le décrivant comme « l’homme des cavernes » (sic), le « viking Français » (re-sic) et j’en passe. Nul doute que l’homme, malgré ses remarques agacées à ce sujet aura vite pris le pli de ne pas se fâcher avec des commerciaux avides d’images fortes. Quand on sait qu’une publicité télévisée c’est 250.000 Euros…

Bref, non que je sois réfractaire à un vrai sport d’équipe et de cœur, car oui le rugby m’apparaît comme un morceau de bravoure physique tant l’épreuve est rude, mais c’est avant tout le ras le bol d’être pris pour cible par les marques et les sponsors. Non, le fait qu’une célébrité du monde sportif fasse votre publicité ne me fera pas consommer votre mousse à raser, encore non je n’achèterai pas votre nouvelle voiture estampillée « équipe de France », et surtout NON je ne porterai pas ces satanés maillots coutant une fortune pour trois bouts de tissus cousus et vaguement floqués d’un nom qui sera oublié dans au plus cinq ans. Je n’ai aucune idolâtrie pour les dieux du stade et je trouve qu’il est ridicule d’être en extase face à ces gens. Avant tout, j’accepte de leur trouver des qualités comme le courage, la volonté, l’endurance, mais je renie leur statut de « star », car il n’y a alors plus aucun respect pour le sport mais plutôt pour le porte monnaie. Pardonnez donc mon cynisme, mais le rugby est devenu professionnel avant tout sous l’impulsion du sponsoring et de l’accès aux heures de grande audience des matchs importants des différents championnats et coupes.

Ca me rappelle ma colère contre Zidane au jour de son fameux « coup de boule ». On en a bouffé de ces images jusqu’à l’écœurement, on est allés jusqu’à en faire une « chanson », hymne à la bêtise d’un homme gâchant les chances d’une équipe entière. La connerie est humaine et je me plais à me souvenir que le sportif ne s’exclue sûrement pas de ce classement biologique. Mine de rien, si M. Chabal a une importance quelconque dans son équipe, un homme ne fait pas quinze joueurs, et par conséquent ne plus se souvenir des autres pour ne garder qu’un nom, c’est mesquin. S’il avait eu de mauvais matchs, il aurait donc été le fautif en cas de défaite ? Quel leçon en tirer, que l’individu est plus important que le groupe ? Le collectif est une force qui nécessite qu’on communique sur la totalité de son effectif et non sur quelques vedettes qui ne sont personne ou presque une fois séparées de celui-ci. On me dira que l’inverse est vrai, mais à ce compte là c’est dire qu’un général peut gagner une bataille sans ses fantassins.

Le ballon ovale véhicule encore de grandes valeurs car en toute franchise, j’ai pu apercevoir la fin du match Angleterre – Australie, et j’ai été épaté par l’émotion que j’ai éprouvée en voyant les visages fermés, les larmes sur les joues de ces « brutes » qui finalement n’en sont pas du tout. C’était beau, sportif et courageux. La dignité qui se dégageait de ces images a sauvé ce sport de la disqualification à mes yeux. Reste que les médias nous bourrent le crâne d’images qui, à la longue, dénaturent toutes ces qualités. Je le répèterai encore et encore, la publicité ce n’est pas nécessairement enfoncer dans les têtes les qualités théoriques d’un produit, c’est avant tout faire consommer le plus possible et à n’importe quel prix… quitte à rendre le discours absurde et pénible de répétitions.

Sinon, je souhaite aux joueurs Français de gagner, tout comme je souhaite aux autres équipes d’en faire autant. Que le meilleur gagne, avec le fair-play qui était et j’espère sera toujours la valeur principale du rugby.

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