23 mai 2007

Pérégrinations des pouvoirs.

L’Humanité est fabuleuse. L’Humanité a ce quelque chose d’incroyable qu’elle mue encore plus rapidement qu’un soldat perd sa peau lors d’une explosion nucléaire, et en quelques instants voici que la société Humaine change de visage au gré des comportements individuels. D’une certaine manière on peut même dire que l’Humanité est comme le lézard, quand on tire dessus on peut se retrouver avec un morceau dans la main. Le plus incroyable est que toute tentative d’analyse se retrouve étiquetée dans une science nommée « sociologie » et que celle-ci s’affirme et s’infirme au gré des mœurs des sommités qui s’attaquent à la compréhension de ce vaste sujet.

Que de changements en quelques instants : du jour au lendemain voilà qu’une chimère devient ruine et inversement un fantasme devient réalité courante et banale. Qui rêvait de invasif pouvoir de l’électronique dans notre vie quotidienne il y a vingt ans ? Qui est choqué de voir un gosse armé d’un téléphone portable aujourd’hui ? Nous nous adaptons avec la fulgurance d’un court-circuit sans pour autant imploser au moindre mouvement anarchique. Certains iront dire que vingt ans c’est long, mais d’une certaine manière nous accélérons le processus au point même de se demander si demain sera si semblable que ça à aujourd’hui. La technologie est pathologique au point d’en devenir ridicule, mais si l’on observe les évolutions sociales m’est avis que la vitesse de progression est encore plus sidérante.

Si l’on prend l’ensemble d’une société, on peut la considérer de manière très basique comme étant scindée en trois groupes primaires : les gens ordinaires, les nantis et les gens de pouvoirs. La stupéfaction se lit sur mes lecteurs tant le soi-disant « oubli » des pauvres est flagrant dans ma vivisection de l’Humanité, mais qu’est-ce qu’un pauvre ? Rien d’autre qu’une personne ordinaire dont le Système refuse de s’encombrer inutilement. Petite aparté : le Système (entendre par là système social, notre Nation, le Monde…) est amoral car il est régit par des lois qui ne font que dresser des mécanismes nous empêchant d’être dangereux ou malhonnêtes pour et avec les autres, mais cela ne définit pas pour autant une moralité pieuse que peut instaurer la religion ou les relations sociales saines. De fait la pauvreté est un méandre d’une économie où le bénéfice et la performance sont de mise, ce qui exclue donc nécessairement une part non négligeable des êtres Humains. Mais c’est un autre débat.
Pour en revenir sur la hiérarchie les pauvres types, nous les gens ordinaires devont faire face à la mutation perpétuelle des situations et de la société dont ils sont membres. Entre évolution scientifique, non perpétuation de traditions séculaires, destructions des symboles et des idoles d’hier et la modification radicale de certaines mouvances morales la personne « ordinaire » affronte sans cesse la noyade de l’incompréhension et la sécheresse de duretés apparues sans avoir même étés envisagées.

Culturellement parlant ces chocs peuvent être multiples. Le refus de certaines mutations offertes par les sciences est un cliché loin d’être oublié car si l’on prend ne serait ce que le territoire de la génétique la problématique devient aigue alors qu’hier elle n’était que théorique. Toute proportion gardée l’enrichissement des sciences va et ira toujours de pair avec une forme d’obscurantisme. Toutefois, que ceux qui refusent le progrès le sachent dès maintenant, Il passera par devers nous quelque soient nos oppositions, qu’elles soient morales ou financières.
La seconde mutation rapide et spectaculaire est celle des groupements sociaux qui se sont forgés un vrai pouvoir éthique et politique en l’espace de quelques années. L’homosexualité est passée en quelques décennies de l’état d’aberration morale à celle de statut social différent. Loin de moi l’idée de faire le procès des homosexuels cependant il est flagrant que l’opinion homosexuelle est devenue outil de pression : publicité ciblée, commerces spécifiques et même poids politique dans des opérations de propagande pour l’adoption par les couples homosexuels, il est indéniable qu’un tel bouleversement de l’image sociale peut conduire à une peur. Et pourtant, rien a explosé, le phénomène s’est intégré aux réflexions courantes.
La troisième rectification majeure des pouvoirs moraux et politiques s’appliquent à l’image de nos dirigeants. Il y a deux décennies il aurait été scandaleux de parler de la vie privée de nos futurs élus, et de même apprendre qu’il s’agit d’un divorcé l’aurait mené à sa perte. D’un côté un M.Sarkozy remarié et de l’autre Mme Royal en union libre, il est donc clair qu’on ne regarde différemment la situation maritale. Certains vont jusqu’à prétendre qu’on n’en tient plus compte, ce qui est une erreur : la situation est juste perçue selon des critères différents. Aujourd’hui une mère célibataire ou des familles recomposées font partie du paysage alors que les couples mariés semblent être devenus des incongruités sociale. Est-ce judicieux ? Je reconnais prétendre qu’il est imbécile de déstructurer la cellule familiale… et je serai taxé de rétrograde pour ça. Peu importe…

D’une manière plus générale on constate donc dans la vie de tous les jours que les pouvoirs glissent et ondulent selon les époques et l’humeur du temps présent : de parias les « homos » sont devenus contre pouvoir, les couples libres de bizarreries sont à présent la norme et de technologies à peine rêvées on en est à fantasme de la vitesse totale. Les dérivations sont incontrôlables par le juridique car l’on ne peut imposer le mariage tout comme l’on ne peut envisager de forcer à aimer, impossibles à saisir hors du temps puisque tout ceci fait partie d’un progressisme populaire et indéfinissables par des élites vivant sur des critères antérieurs.

Prenons la seconde catégorie des nantis, ceux qui peuvent prétendre à des facilités de vie que ne peuvent pas avoir aisément la masse. Ces mêmes problèmes sont tout aussi récurrents dans cette population sauf qu’ils sont paradoxalement plus difficilement intégrés. Tolère t’on d’un fils de bonne famille sa sexualité « déviante » ? Accepte t’on que la petite dernière en soit à sa troisième noce ? On pourrait les croire plus souples puisque souvent moteurs d’idées, mais ce serait oublier le conservatisme qui y règne. L’esthète ou l’intellectuel ne provient que rarement de la foule, il profite d’une éducation plus grande car accessible par les finances familiales et de surcroît une critique plus molle des modèles du fait qu’il vit de ces dits systèmes. Par paradoxe ce n’est pas l’intellectuel qui sera révolutionnaire en son temps, il le deviendra de par des idées qui seront d’abord évaluées par ceux qui vivent les problèmes abordés. Est-ce qu’un écrivain haut de gamme (sorti de la Sorbonne par exemple) peut honnêtement traiter de la misère sociale des ouvriers sur chaînes ? Oui mais il aura sûrement une vue étriquée non par son manque de volonté mais par un héritage. A ce compte là d’ailleurs on se rendra souvent compte que les belles idées sont souvent… que des idées et manquent du sens pratique des gens ordinaires.

La dernière et plus petite branche de nos sociétés est celle du pouvoir, celle des arcanes, ce mont Olympe où trônent des patrons, des politiques et des occultés. Passons rapidement sur les patrons, ils soutiennent non pas un système social ou moral mais un dispositif économique leur permettant le profit. Ce n’est pas un reproche, c’est leur métier et tant mieux s’ils y réussissent. La moralité n’a, comme je l’ai dit précédemment, aucune valeur dans les réflexions économiques et le fait est donc qu’il sera souvent difficile de contenter tant la Morale que le capital. A chacun ses difficultés ! Le politique lui va se heurter aux mutations décrites précédemment et ce de plein fouet : contrairement au patron qui se moque de savoir que sa secrétaire est lesbienne, le politicien va devoir tenir compte de cette catégorie d’électeurs et savoir la ménager tout en ne lésant pas les autres. C’est un art du jonglage et surtout de l’anticipation tant les mouvements étranges des pouvoirs se font sentir. Regardons un exemple simple : d’une époque où l’on pouvait parler sans crainte d’avoir des enfants à celle d’aujourd’hui où certains vont jusqu’à déconseiller d’en avoir purement et simplement, le passage de certaines crises a provoqué des délabrements de la conscience collective et même individuelle. Par voie de conséquence, le politicien se devra alors de trouver ses marques et offrir une politique adaptée au temps présent, et même prévoir les prochaines dissolutions et reconstitutions d’idées pour l’avenir.
Je parlais des occultes, ces gens de l’ombre qui font peur, ces monstres qui décident tout au-delà même de nos institutions, ceux qu’on théorise dans des « complots » mondiaux dirigés de main de fer par des loges, sectes et autres organisations. C’est impressionnant à quel point les gens peuvent se laisser bercer par ces images tant elles sont pathétiques. La vérité est ailleurs, bien ailleurs, juste en face de soi : il suffit aux dirigeants de donner des ordres mais sans en aviser le public pour que ces occultes soient matérialisés. Il n’y a que peu ou prou de véritables pouvoirs dissimulés dans l’ombre de l’Etat, et même celles qui se sont fait connaître (la franc-maçonnerie par exemple) il s’agit finalement plus de réseaux de connaissances et d’influences qui permettent de prendre de court la concurrence ou bien des états « ennemis ». Ce pouvoir là est bien le seul à ne pas changer de mains tant il est fermement accroché aux capitaux et aux postes à responsabilités.

D’une certaine manière les pouvoirs sont volatiles et volent d’un nid à un autre, mais le plus difficile à assimiler c’est sa position à un instant donné : les amis de Don Quichotte sont-ils juste un coup médiatique ou bien plus profondément une tentative de putsch par le truchement de l’opinion publique ? Les fondations morales sont elles le garant d’une stabilité des élites ou bien juste une mécanique rodée qui pourrait s’enrayer lors d’une révolution sociale imprévue ? N’oublions pas les réactions dramatiques engendrées par le débat de l’avortement ou de l’euthanasie par exemple : la question morale est plus importante que la question légale puisqu’au fond les oppositions tout comme les partisans débattent de la justesse morale des actes et non de leur légalité. Techniquement l’avortement a été autorisé par le législateur et non moralisé ! La loi dit aux femmes « vous pouvez avorter dans un cadre médical compétent et ce sur une période donnée », elle ne dit pas du tout « il est bien d’avorter ». L’euthanasie contient le même raisonnement : « la loi interdit l’homicide volontaire », elle n’a jamais dit « c’est mal de tuer ». Ce débat va peut-être évoluer sous peu, tout dépend des problèmes sociaux qui arrivent en masse, dont notamment la retraite de nos « baby-boomers » qui poseront non seulement la question du financement des retraites, mais aussi ceux tout aussi quotidiens du manque de structure pour l’accueil des personnes dépendantes, mais surtout la gestion des souffrances liées aux maladies et à l’âge. Qui aura le pouvoir ? Les familles souffrant avec le père mourrant à petit feu et suppliant qu’on le libère, les experts en morale revendiquant l’immoralité de tuer pour le bienfait de l’autre, le législateur coincé entre ces considérations ou bien au final le médecin qui lui connaîtra aussi bien le doute en pratiquant l’euthanasie illégal ou en le refusant fermement par conviction morale, éthique ou juste religieuse. Tout ceci ne sera donc pas anodin… loin s’en faut.

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