29 mai 2007

Indolence

Qu’elle est agréable cette idée saugrenue de remplacer toute activité par le néant total de réaction, le silence et la paisible mais néanmoins improductive inanité corporelle que l’on appelle tous de nos vœux. Etre rentier, s’assoupir aux heures choisies et non aux horaires imposés par la vie courante, être tiré des draps par le soleil et non le réveil assassin… quel bonheur inaccessible pour la plupart des humains ! Entre le fantasme et la réalité pour une belle petite bande de nantis… où suis-je ?

Les choses sont ainsi faites : il faut que certains suent et que d’autres se nourrissent de cette sueur du labeur journalier. Dans un cas comme dans l’autre il existe toujours des obligations, toutefois je crains de devoir dévoiler un secret pénible aux riches et autres planqués que la fortune honore de ses bienfaits : les priorités des riches sont les douleurs des pauvres, et les souhaits des pauvres s’approchent étrangement du quotidien des riches. C’est ainsi donc que ceux d’en bas rêvent d’une voiture de luxe et ceux au-dessus se les offrent sans y songer. L’agacement peut alors poindre sur les traits d’un demi nanti (entendre par là celui qui n’a pas la fortune suffisante pour s’offrir son avion privé) du fait de la frustration suprême grognée en un « Dire qu’il me manque presque rien pour … ». Le pauvre lui, dans sa timidité naturelle n’ira pas calculer que ses 30 voire 40 années d’économies ne pourront guère couvrir que les pneumatiques de la belle déesse d’acier et d’aluminium.

Les changements sociaux font que les bourses s’emplissent de plus en plus dans une classe moyenne qui l’est par ailleurs un peu partout : moyennement satisfaite, moyennement instruite, moyennement vindicative quand on touche à ses intérêts, et même moyennement nataliste… à croire que la moyenne médiocrité rend amorphe cette tranche de population de plus en plus représentée. L’ancien modèle du bourgeois n’est pas loin tant il est vrai que ces fats imbus d’une promotion chèrement acquise à coup de veulerie ou de compétence (selon les cas) se fait la caricature de son temps : le Bobo… bourgeois de bohème. Je ris, je m’esclaffe ! Quelle bohème, celle des bistrots branchés où l’on vous sert la bière au prix d’une douzaine du même brasseur chez l’épicier du coin, la bohème d’un voyage pris chez un tour opérateur ou encore la bohème de s’alcooliser ou s’embrumer les neurones aux stupéfiants dits « légers » ? Bohème… rien que placer ce terme dans la phrase semble tenir de l’imposture !

Au fond la possibilité de ne rien faire ne tient qu’à un portefeuille bien garni et un rien de volonté d’être inutile à tout système ambiant : l’indolence n’est pas en soi la vertu du travailleur, encore moins celle de l’affairiste, c’est l’affaire d’une tranche marquée de j’en foutre trop heureux de regarder les autres courir après le temps qui passe. Cruel regard posé sur les « autres », sur ceux qui ne peuvent se permettre de se languir sous le soleil de midi ou sur la terrasse au couchant…

Honnêtement il m’arrive parfois de rêver d’une période apaisée, d’un arrêt total de mes activités professionnelles, ne serait-ce que pour me permettre le luxe, car c’en est un, de rester à ne rien faire. Ce que je reproche le plus à ces fainéants c’est ce regard condescendant qui dit en substance « Dommage… tu bosses… » au lieu d’être simplement poliment jeté sur autre chose. Pour moi, c’est une cruauté qui ressemble à un nanti se gavant à une tablée luxueusement garnie sous les yeux avides d’un affamé n’ayant que le droit de se taire. Insultant pour ceux qui se sacrifient corps et âme pour leurs familles, leurs enfants ou à la limité pour eux-mêmes.

Quoi qu’il en soit, je n’ai pas ce droit d’héritage ou de charge m’offrant la possibilité de devenir un inactif profondément assoupi sur le hamac de mon indifférence…. Et d’ailleurs, est-ce que je le souhaite ?

Bonne question ça, faudra que je l’ajoute à la liste des choses à demander à un psy… quand j’en verrai un.

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