21 mai 2007

Anesthésie circonstancielle

Dommage que la masse de gens insatisfaits devienne par le jeu pervers des médias des cibles privilégiées des propagandistes de tous poils. Dommage que les dictatures deviennent fréquentables quand la télévision les présente comme progressistes. C’est sidérant à quelle vitesse l’image et le son transforment en quelques instants la légitimité en faute impardonnable aux yeux de ceux même qui devraient être un soutien populaire. Les exemples sont foisons et depuis l’avènement des médias de masse rien n’est plus efficace que de se lancer dans une campagne de désinformation pour démolir des mouvements pourtant sincères ou polir l’image de marque d’un état totalitaire. La mécanique est rodée, les esprits du commun des médiaphages fort adaptés aux rhétoriques déstructurées.

Prenons pour premier exemple les mouvements qui se sont dits proches des voies libertaires ou indépendantistes : dans l’absolu bien des revendications sont pleinement justifiées et il est inqualifiable qu’on les passe sous silence, mais décidément les médias se gardent bien d’expliquer le fondement revendicatif pour n’afficher qu’un mépris hautain pour les belles idées. L’Irlande, la belle nation prisonnière du lion Anglais, qui se soucie de savoir le pourquoi de la lutte de l’IRA ? On se contente donc de dire un nombre de morts suite à un attentat, on démontre avec forces photographies que les activistes ne sont que des terroristes sans foi ni loi, mais rien sur les exactions de l’armée Anglaise, sur les agressions des loyalistes contre les catholiques. Ne nous interrogeons donc pas sur la conclusion lapidaire : que l’IRA cesse ses activités, ce sont des assassins. L’Irlande n’est-elle pas sous le joug d’une occupation ? Les mots me manquent…

L’enfer est à notre porte et nous affichons volontiers que les vérités qui nous conviennent. La portée de l’image est devenue supérieure aux écrits et ce n’est pas la chute des ventes de journaux qui saurait me contredire. Le tout venant disposant d’une télévision peut aujourd’hui s’abreuver de clichés préparés et bien symboliques de sorte à nous offrir à nous, pauvres européens entourés de nations terroristes le seul refuge dans une force européenne isolée du reste du monde. Que ce soit le moyen orient où tout est résumé et caricaturé, l’Asie où du moment où l’économie est forte on cachera les atrocités des dictatures en place, on étouffera l’information au profit d’une facilité de penser, un art de rendre digeste ce qui ne l’est supposément pas. Par analogie ça serait si au lieu de manger sainement l’on nous servirait tous les jours les mêmes pots pour bébé. Vite écoeurant non ?

Le second exemple paradoxal est bien la Libye car dans le genre nation qui en a pris pour son grade pendant des années je trouve qu’elle mérite amplement une palme : hébergeur et formateur officiel des terroristes, terre d’asile pour les poseurs de bombes, dictature militaire, oppression policière… tout était bon pour faire de cet état un monstre médiatique. De fait, les états du monde mirent en place un blocus total, isolant la population des soins médicaux de première nécessité, en interdisant l’export de la seule ressource viable qu’est le pétrole, et pourtant le colonel Kadhafi est encore et restera encore un bon moment populaire. Toute dictature et son maître d’arme devient populaire quand l’agression extérieure est pire que le pouvoir en place. Et là, étrangeté du changement d’angle de caméra, voici le dictateur devenu affable, amical et tolérant, le voici descendant les escaliers du monde pou réapparaître, jovial et souriant dans les réunions internationales. Aujourd’hui qui perçoit encore le despote comme un danger mondial ? Peu ou prou de la population se souviennent même de son existence. Bizarrerie du prisme médiatique…

Qui croit les médias croit alors aux chimères de la bonne entente. Il n’est pas difficile de faire peur tant il suffit de stigmatiser les situations. Prenons la première guerre d’Irak : les gens se ruèrent sur l’eau et les denrées non périssables comme au temps honni du rationnement. Quelques années plus tard à plus grande proximité une autre guerre éclatait et là aucune crise majeure, aucun affolement. Différence ? CNN déploya un arsenal de propagande digne des grands moments du Vietnam, et à contrario le conflit Yougoslave resta des moi sous silence. La chape de plomb des choix médiatiques avait fait son œuvre de déformation. Pour rester sur la guerre de Yougoslavie, qui est dans votre entourage capable de citer tous les belligérants, d’expliquer relativement simplement ce qui s’est passé et ce sans faire de non sens atroce ? On a résumé la guerre à l’agression Serbe, mais était-elle seule responsable ? Aujourd’hui l’on peut prouver que les chefs d’état Serbes et Croates voulaient se mettre d’accord pour démembrer la Bosnie à leurs profits… mais ça qui l’annonce pour que la foule sache la vérité ? Personne… on a bombardé la Serbie en représailles des combats au Kosovo, mais qui montre les violences Albanaises contre les habitants Serbes ? Personne, trop gênant de revendiquer la réalité et la complexité de ce monde ?

Les médias ont anesthésiés l’opinion publique et cela empire un peu plus chaque jour : on dit que le web est une ouverture sur le monde, elle l’est aussi sur les mensonges de masse. A quand la création de ministères de la propagande ?

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