23 juin 2014

Faites souffrir vos neurones

Qu'il soit dit haut et fort, l'intelligence est une chose qui ne sera jamais équitablement répartie, au titre évident que chacun de nous s'en suppose suffisamment doté (De fait, Descartes, paraphrasé par Coluche, avait totalement raison). De ce simple postulat apparemment insuffisamment accepté par la foule des intellectuels de comptoir, nous devrions tirer quelques leçons, ce qui, malheureusement, ne semble absolument pas être le cas. Loin de moi l'idée d'enfoncer des portes ouvertes en revendiquant que l'Homme est fondamentalement stupide, mais plutôt de m'interroger sur le manque de pragmatisme chronique dont semblerait souffrir le "homo modernis", tel qu'il aime se qualifier lui-même.

Déjà, ne dérivons pas vers les tests divers et variés dont les psychologues savent nous tartiner les neurones, notamment ceux de QI ou du Rorschach. Une fois ce premier écueil évité dans une élégante pirouette, penchons-nous sur l'absence de mémoire dont nous savons faire preuve, ceci à tel point que l'humain s'est greffé des équipements aussi variés qu'incongrus pour compenser cette mémoire défaillante. Par exemple, qui retient encore une flopée de numéros de téléphone? Qui a encore un sens de l'orientation acceptable? Nous compensons notre fainéantise cérébrale avec des logiciels, des bidules électroniques, à tel point qu'on peut littéralement dire que celui qui perd son téléphone portable perd aujourd'hui un tiers de ses souvenirs. Dramatique, non? Et pourtant, il serait tellement plus sécurisant de se servir de la seule chose qui ne tombe pas (trop) en panne, à savoir notre boîte à gamberge...

Ensuite, il y a cette vaste gabegie qui est aujourd'hui monnaie courante, à savoir l'incapacité dramatique qu'ont les gens à effectuer des opérations mathématiques sommes toutes assez élémentaires. Additions, soustractions, multiplications... il y a de quoi hurler quand le quidam sort (une fois de plus) son téléphone pour tapoter sur la calculatrice intégrée à son cerveau amovible. Et dire qu'on m'avait enfourné de force les tables de multiplication, qu'on m'avait imposé de passer des épreuves notées sans l'usage du moindre accessoire électronique... Bref, faute d'usage de la cervelle, nous devenons donc tributaires de la petite babiole en plastique! J'ajoute encore une chose ahurissante: qui sait encore se servir d'une règle à calculer? Y-a-t-il encore des enseignants qui prônent l'usage de cet outil séculaire et parfaitement fiable? Non? Ma foi, oublions, laissons le cerveau aller aux fraises, il est tellement plus confortable de s'appuyer sur un "penseur" de substitution!

Continuons donc avec l'usage des lettres. Depuis quelques années déjà, je clame haut et fort qu'il est de mon devoir de préserver mes maigres connaissances, ceci au titre qu'il m'est insupportable de déchiffrer les SMS par exemple. Harpie? Intégriste? Probablement, à tel point que je passe certainement pour un pénible à ce sujet. Ceci étant, non, je ne pourrai jamais m'abaisser à la vilénie de dire "oui bon, on peut tolérer". Pas question! Comment tolérer l'horreur, comment s'éloigner de la beauté pour l'atroce déchiffrage des bavardages futiles d'une génération inculte? Il s'agit autant d'un cri du coeur que d'une diatribe à destination des faibles et autres tièdes: je ne cèderai pas un pouce de terrain, respectons la langue, adorons là, car c'est elle qui nous permet d'exprimer avec justesse et richesse nos sentiments, qui donne à la plume toute sa force, et qui, surtout donne aux générations futures un aperçu de ce que nous avons pu être. Alors, imaginez donc l'archéologue tombant sur des archives... Et lisant, avec un sourire aussi amusé qu'attristé, des "lol cé cho ton truk"... J'en frissonne d'avance.

Pourquoi ne sollicitons-nous pas plus notre si belle mécanique biologique qu'est notre cerveau? Du rêve à l'idée, en passant par l'analyse, il est là, systématiquement présent à l'appel, et prompt à faciliter son usage, ceci même pour les plus imbéciles d'entres nous. Ne cédons pas à la facilité ni au repli derrière des excuses comme "les temps changent". Un livre se lit, qu'il soit sur papier ou sur écran; la beauté s'admire encore, que je sache, par la vue; donc, pourquoi se résigner à laisser notre si joli outil en inactivité, si ce n'est sous le prétexte minable "qu'il faut vire avec son temps"? L'Homme est un fainéant qui s'impose des règles. En effet, sans cadre, nous sommes immédiatement tentés par "la glande", quitte à partir au désastre. C'est ainsi: on est tenus d'être encadrés, parce que nous sommes incapables de nous encadrer de nous-mêmes. Dans ces conditions, donnons-nous un cadre intellectuel, ne cédons pas aux sirènes de la "culture" poubelle, car c'est cela, la vraie déchéance d'une civilisation: croire que les loisirs sont plus importants que le reste!

Enfin, j'ai l'intime conviction qu'un cerveau peut être constamment enrichi, amélioré par notre volonté d'être meilleurs; S'informer, ne pas se contenter du "peu" quand on peut avoir le plus possible. C'est ça, se cultiver. Alors, cultivons nous, lisons, écrivons, découvrons le monde qui nous entoure! Je crois sincèrement que se contenter de la lucarne interactive qu'est Internet, c'est se brider, car la toile n'est rien de plus qu'une vaste librairie désordonnée, où chacun peut publier, et ce que ce soit intéressant, dégradant, ou pire encore dangereux. En même temps... on a toujours estimé que les intellectuels étaient dangereux: la preuve en est, ce sont eux qui sont systématiquement mis en accusation dès lors qu'un système politique s'effondre, ou qu'il devient dictatorial. Les goulags doivent sûrement se souvenir des millions de "cerveaux" réduits en esclavage... Penser, c'est une arme redoutable, surtout pour celles et ceux qui voient la foule comme du bétail qu'on doit mener à l'abattoir.

En un mot: PENSEZ!

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