15 janvier 2014

Elle est pourtant si belle cette France

L'actualité aime à me rappeler que je suis un éternel imbécile, un candide, un crétin qui pense qu'on peut avoir à l'écran et dans les journaux non pas des obscénités, mais des informations essentielles pour connaître le monde qui m'entoure. J'ai cette bêtise, aussi désespérante que tenace, de supposer qu'un scribouillard a pour fonction première d'informer, et pas de colporter des ragots ou des insanités. Malheureusement pour moi, ce seul côté "attendri" pour l'usage de la plume est en passe de devenir un souvenir, et de convertir mon dernier bastion d'espoir pour l'Homme en citadelle de cynisme.

Et pourtant, j'y ai cru, à cette propreté de l'écrit, à cette saveur du papier qui restitue des choses utiles et intéressantes! Je me revois encore dévorant ces pages pliées, fleurant l'encre fraîchement déposée, souillant sournoisement mes phalanges de son noir si caractéristique! Hélas, trois fois hélas, l'aperçu des unes de ces derniers jours me laissent franchement estomaqué. Prenons le premier "fait" qui semble tenailler tous les organes de presse, ainsi que la part voyeuse de la population, à savoir la vie privée du président. Dites, les barbouilleurs de papier toilette, ça vous dérangerait d'arrêter de faire les poubelles des gens, ou à la limite de vous cantonner à celles qui concernent les affaires d'état? Sérieusement, je m'en contrefous de savoir qui couche avec qui, si la "première dame" est cocue ou non, ou encore si elle savait pour cette relation supposée! La sexualité d'un politique n'a aucune importance selon moi, et plus encore relève de la sphère privée. Certains journaleux ont eu le malheur, par la voie des ondes, de déclarer sans frémir qu'il n'est plus possible d'avoir une vie privée quand on est un personnage public. Petit rappel à ces abrutis: vous êtes des personnages publics, puisque connus de la foule... Ce qui sous-entend, selon votre raisonnement puant, que vous devriez, vous aussi, exposer le fait que vous avez divorcé, que votre maîtresse vous a fait les poches, ou encore que vos gamins s'envoient de la cocaïne dans les naseaux. Tiens, vous n'êtes plus si sûrs? Alors quoi, deux poids deux mesures? Belle France, celle qui estime qu'un président peut être exposé en place publique pour sa vie privée, et qui a contrario trouve scandaleux qu'un journaliste puisse potentiellement subir le même sort...

Et allez, dans la valse (avec le jeu de mots qui va bien) des conneries monumentales, voici le Dieudonné qui débarque en pleine page, la mine troublée, feignant l'outrage suite à ses démêlés avec la justice. Alors, raisonnons non pas comme les groupes récupérant l'affaire (aussi bien religieux que politiques), mais de manière complètement administrative et légale.
  • 1° on traite des faits après qu'ils se soient déroulés, pas dans l'hypothèse "au cas où".
  • 2° Si ses propos sont inacceptables, qu'ils soient constatés pour donner du blé à moudre aux juristes et à l'appareil juridique en place.
  • 3° Il n'y a pas de traitement d'exception: ce n'est pas parce que Dieudonné s'attaque aux juifs qu'on doit immédiatement lever les boucliers et partir du principe que c'est intolérable. Il y a bien d'autres propos tout aussi lamentables qui sont tenus dans des chansons, dans la presse, ou à la télévision, et là étrangement silence radio.
  • 4° La liberté d'expression est à appliquer à tous les niveaux, et entendre des gens proférer des menaces contre Dieudonné n'est pas plus tolérable que d'en entendre d'autres tenir des propos racistes ou xénophobes.
  • 5° Je ne saurais cautionner une telle cabale, car elle démontre, et ce de la manière la plus pitoyable qui soit, que nos politiques sont plus empressés à cirer les godasses de quelques "intellectuels", au lieu de se tenir à une ligne de conduite claire.
Si je soutiens Dieudonné? Si je cautionne ses propos? Comment soutenir quelque-chose sans savoir eu même l'occasion d'entendre ce qui s'est réellement dit? Vous jugez quelque-chose sans avoir eu connaissance des faits, vous? Pas moi en tout cas. Bizarrement, on ne se révolte pas quand un humoriste prend l'accent africain, quand quelqu'un insulte ouvertement les Chinois, quand on tourne en dérision les jeunes des banlieues... C'est quoi cette France sans morale qui se permet de telles différences de traitement? C'est quoi cette nation où l'on prétend défendre les libertés, tout en faisant intervenir les plus hautes instances?
Je hais profondément celles et ceux qui se torchent ouvertement avec les lois de la république. Ras le bol de cet épouvantail "Antisémite!" agité constamment sous nos yeux. Marre qu'on essaye de me faire culpabiliser pour le moindre propos tenu. J'en ai assez qu'on tente de m'enfourner dans la tête l'idée saugrenue que je devrais être la tête baissée face à une tranche de la population. Combien de fois va-t-il falloir que je hurle "MERDE, je n'ai pas voté Hitler! Je n'étais même pas né!" pour que ces débiles saisissent enfin la portée du propos?!

Belle France, aux territoires superbes, aux populations bigarrées qui tentent de vivre ensemble... que fait-on subir pour noyer l'opinion publique sous des océans d'immondice! Je maudis ces personnes qui se font fortes de nous faire la leçon, qui se veulent "moralement irréprochables", et qui pourtant, par derrière, pratiquent des méthodes qui doivent être dénoncées, voire même sanctionnées. Quand on salit l'image publique de quelqu'un, comme c'est actuellement en cours avec le président, j'appelle cela de la diffamation, ou, si cela est vrai, de l'espionnage de la vie privée. Vous, les chantres de la liberté, de l'anonymat, les amoureux de la vie privée, vous ne hurlez pas pour faire cesser de telles pratiques? Non? Pourquoi? Seriez-vous donc prêts à faire une dichotomie malsaine entre ceux dont on veut connaître la vie privée, et les autres (dont vous-même, je suppose)? Pas moi! Pas de distinction, une loi pour tous, et tous égaux devant la loi. Pour Dieudonné? Si l'arsenal juridique est en place, bien utilisé, et qu'il met en relief une attitude inacceptable, et bien qu'on sanctionne, qu'on punisse, mais qu'on arrête de mettre le personnage en avant comme s'il était le diable en personne. Celui qui est le diable, c'est celui qui désigne du doigt le "méchant", non parce qu'il peut le prouver, mais parce qu'il considère qu'il est le méchant face à ses propres convictions.

Je crois qu'il est plus que temps de sortir le fusil pour passer au poteau ces gens là. Finie la tolérance du n'importe quoi, finie la sagesse face à la bêtise! Une carte de presse se mérite; la position de magistrat également; tout comme un élu a sa place grâce à nous. Beaucoup de gens s'interrogent sur la montée du FN en France... Mais vous l'avez, là, sous les yeux, la raison! Elle est si flagrante, évidente, pathétiquement claire que je ne saisis même pas que personne ne semble s'en inquiéter. En laissant faire n'importe quoi avec l'image publique, les personnes inquiète de cette dérive "people" vont se rabattre sur les partis prônant l'ordre et la discipline; En mettant en exergue une personne comme Dieudonné, et ceci sur une thématique aussi sensible que les propos tenus sur les juifs, le racisme et la xénophobie à leur encontre va s'intensifier. En se supposant "différent", "élus", on dénigre directement tous les autres, on les met face à un mur où aucun dialogue n'est possible. Ca vous choque? Vous trouvez qu'il s'agit d'un discours xénophobe? La vérité est autrement plus simple que ça: quand on se dit différent avant de se dire Français, on ne peut qu'attirer la foudre sur soi. Aussi déplorable que cela puisse paraître, tant que l'on acceptera de nos dirigeants une politique du pantalon sur les chevilles, nous n'obtiendrons qu'une grogne de plus en plus forte des gens qui veulent simplement un traitement uniforme, juste et légitime, et ce pour tout le monde, sans distinction d'ethnie, de couleur, ou de confession.

Pour finir cette diatribe, je vais vous remettre un bout de texte assez essentiel à mes yeux. C'est un propos de Pierre Desproges (oui, bon, encore lui, mais merde: il a dit précisément ce à quoi on se heurte si l'on aborde le sujet juif en France aujourd'hui). A la lumière de ce texte, posez vous une seule et unique question: aurait-il pu dire cela aujourd'hui? Selon moi, non, il aurait eu le droit à ce même battage, à cette crucifixion stupide, et je m'interroge même s'il n'aurait pas tout simplement récolté de la prison ferme...


Je relisais Juifs et Français d’Harris et Sédouy.
Les auteurs demandaient à une grande journaliste très belle et pleine de talent (que ma discrétion m’interdit de nommer ici) si elle aurait épousé Ivan Levaï dans le cas où ce dernier n’eût pas appartenu comme elle à la communauté israélite.

Cette dame a répondu que non, qu’elle n’aurait probablement pas pu tomber amoureuse d’un non-Juif.

Je comprends aisément cette attitude qu’on pourrait un peu hâtivement taxer de racisme. Moi-même, qui suis Limousin, j’ai complètement raté mon couple parce que j’ai épousé une non-Limousine. Une Vendéenne. Les Vendéens ne sont pas des gens comme nous. Il y a le barrage des patois, fort lointains. Et puis nos coutumes divergent et divergent c’est énorme. Voilà une femme qui mange du poisson le vendredi en tailleur Chanel. Moi je mange de la viande le mardi en pantalon de coton. Il n’y a pas de compréhension possible. Nous avons notre sensibilité limousine. Nous avons bien sûr notre humour limousin qui n’appartient qu’à nous. Nous partageons entre nous une certaine angoisse de la porcelaine peu perméable aux Chouans.

Il faut avoir souffert à Limoges pour comprendre.

Grasset, 1979

PS: en complément de mes propos... veuillez noter une chose particulièrement lamentable que j'ai omise dans le feu de l'écriture: comment nos dirigeants peuvent-ils parler de justice, quand eux-mêmes ne se sont pas modérés et ont même ri en poussant des cris de singe dans l'assemblée? N'Est-ce pas là du racisme? Ah? Non? Quand on veut nettoyer les fesses d'autrui, encore faut-il avoir soi-même les fesses propres!

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