13 août 2013

Des cordes sur les volets

Le ciel s'est décidé à nous offrir un peu d'eau. Elle perle, insouciante et déterminée, elle coule littéralement le long des volets qui se rafraichissent. Il n'y a pas pratiquement pas de vent, et les feuilles dansent à cause des gouttes qui s'écrasent mollement sur elles. Le ciel a pris une teinte grise, les nuages se sont emmêlés pour former une sorte de patchwork monochrome où le soleil n'a plus à s'exprimer. Et pourtant, pourtant la vallée ne semble ni morne, ni triste, elle semble juste se laisser inonder, comme un corps qui prendrait le temps de savourer une douche lors d'un été trop chaleureux.

Quand je scrute le creux des reins de la vallée, il y a ces routes qui ondulent et défient le sol dans leur rectitude. Des feux se sont allumés, les voitures défilent en silence, trop lointaines pour être perçues par mon oreille. Mais là-bas, au loin, des gens filent, suivent l'asphalte. Où vont-ils? Sont-ils pressés d'aller quelque-part, ou font-ils simplement la route sans la moindre bonne raison, comme le fait l'eau qui tombe encore et encore? La pluie se moque des bonnes raisons, elle ne réfléchit pas, elle est. Tout simplement. Elle se permet de danser quand le vent se lève, elle se fait artiste en faisant apparaître un arc-en-ciel, elle est poétique et légère à la fois, douce et sensible comme le baiser d'une femme après une longue absence.

Les flaques sont autant de miroirs, reflétant le ciel, des visages, des objets, et elles lavent calmement le bitume ou la terre pour montrer à quel point tout est périssable et temporaire. On y perçoit des ondes, les gouttes venant s'y écraser avec délice. Le bruit même de cette pluie est relaxant, il est une chanson infinie, toujours nouvelle et pourtant si connue. On l'écoute, on s'apaise, on laisse le coeur s'en charger, tandis que le ciel continue à souffler quelques râles étranges, bruissements d'un tonnerre qui se prépare. La voix d'un Dieu? Ou juste le chant d'une Mère Nature heureuse de nous offrir la renaissance? Peu importe, l'un comme l'autre serait ravi de nous faire ce présent apparemment ordinaire, mais pour moi tellement magique.

Alors j'écoute, attentivement, je me laisse emporter par le minuscule ruisseau qui se forme sur la route de terre. Il dévale, sûr de lui, déterminé, il roule encore et encore, charriant autant de sable et de cailloux, qu'il a pu un jour charrier des feuilles, ou encore des bateaux en papier. Et moi, je l'observe, ce serpent d'eau, cette couleuvre inoffensive et délicate, qui se fait transparente par endroits, colorée à d'autre, changeante et toujours identique à la fois. Il pleut, le ruisseau est le fils de la pluie, et la flaque est sa soeur. D'une seule goutte ne nait qu'un bruissement, d'une infinité renaissent les océans. C'est une mer à fourmis, un fleuve pour insectes, un minuscule flux d'eau à mon échelle.

Et puis, pour une gosse à cheveux longs, vêtue d'un k-way, de bottes violettes, c'est une source d'émerveillement. Elle court, elle saute dans les flaques, elle fait trembler la terre et le ciel, et le ciel lui rend bien en ajoutant une nouvelle ondée. Elle rit, elle sourit, elle est espiègle et sincère, elle s'amuse d'un rien pour adulte, d'un tout pour enfant. Je la vois, elle est enchantée, elle est magique, petite sorcière rieuse qui donne des coups de pieds pour faire gicler les océans du caniveau. Elle sent, elle sait, elle se moque, elle joue, c'est une perle, une reine des eaux et des cieux, c'est une enfant comme tant d'autres, mais si belle... Si belle...

Nous autres adultes, on la regarde, on lui demande de se calmer, de ne pas se détremper. Pourquoi? Après tout, l'eau est là pour mouiller, comme l'air est là pour être respiré. On devrait la rejoindre, courir, sauter, rire, apprécier chaque instant de l'existence, car ces flaques, si temporaires, si fugaces symboles du ciel qui nous offre la renaissance, nous devrions nous en réjouir au lieu de nous en plaindre. Et elle, elle remercie un Dieu, ou Mère Nature, parce que l'un ou l'autre lui a offert un moment unique de jeu, l'occasion de sortir ses bottes violettes, d'enfiler un k-way fripé d'avoir passé trop de temps dans sa pochette, l'opportunité de sentir sur ses joues roses la pluie fraîche d'un bel été. Regardez la donc, écoutez la rire, elle a raison, nous sommes stupides, égocentriques, trop inquiets pour si peu, trop concentrés sur rien du tout. C'est cette enfant, cette fillette si mignonne, simple et espiègle qui détient la Vérité. Le monde est si beau, que ce soit sous le soleil, la pluie ou même la neige! Ecoutez sa chanson, écrite avec des rires, composée d'éclats de voix, harmonieuse mélodie brodée autour d'un seul souhait: aimer. Elle aime ce monde, elle nous aime, je l'aime aussi. Vivez, parce que la pluie, comme la Vie, va et vient, arrive et repart, et le monde, lui, ne fait que nous faire d'immenses cadeaux que nous regardons avec dédain.

J'aime cette pluie, j'aime cette enfant devenue adulte, je l'adore, cette fille amoureuse de la couleur violette, cette môme qui saute encore et encore d'une flaque à une autre, cette femme, cette amie... Adulte ou pas, elle sautera toujours dans les flaques, grande ou petite elle sera toujours espiègle, rieuse, amusée d'un rien, épatée par tout, heureuse de vivre, tout simplement. Faites comme elle... Riez, jouez, aimez!

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