06 novembre 2012

En pointillés ou pointilleux?

Le monde, quelle belle création tout de même. Des îles, des continents, de la glace, du désert aride, de la nature verte, des océans bleus, de quoi faire rêver n'importe quel poète en mal d'inspiration. D'ailleurs, tout poète qui se respecte a sûrement profité de la facilité qu'il y a à ouvrir une porte ou une fenêtre pour admirer la chute de la neige. Mieux encore, n'importe quel scribouillard un peu amateur de rimes a su faire pleurer simplement en évoquant le clapotis de la pluie sur les tuiles crasseuses d'un Londres miteux. En conséquence, on ne peut pas défendre un poète sans lui reprocher l'extrême aisance qu'il y a à s'esbaudir devant la beauté de la nature...

Et d'être aussi sidéré par notre profonde débilité quand il s'agit de bousiller tout ce qui peut être naturellement beau, c'est-à-dire sans notre intervention minable dont nous sommes si friands. A ce petit jeu du "comment inventer un truc aussi inutile que dangereux", l'homme a pondu en vrac les frontières, les passeports pour les franchir (ou être expulsés au-delà), les nations, les drapeaux, les capitales, les rois pour y régner, les putschistes pour déposer les despotes, et la foule entre les deux pour les faire souffrir. Notre art majeur n'est pas la musique ou la peinture! Non, c'est de créer l'inutile, l'improbable, tout ça parce qu'on a le délire de posséder, de régir, de légiférer. Cela vous semble ridicule? Et pourtant, n'est-ce pas pour des frontières contestées qu'on s'est mis régulièrement sur la tronche? N'est-ce pas pour des idéologies symbolisées par des drapeaux qu'on excuse des génocides? N'est-ce pas au nom d'un droit "humain" en lieu et place du "divin" qu'on a vu apparaître la guillotine? Il est donc raisonnable de supposer que l'homme aime donc posséder ce qui appartient à autrui, quitte à créer des volumes artificiels. Une frontière, quoi de plus artificiel? Les gosses demandent souvent aux adultes "Dis papa, y a des pointillés par terre entre l'Allemagne et la France?". Si un jour un enfant vous le demande, ne vous moquez pas, car dans le fond une carte, c'est supposer rapporter la réalité, et non de l'artificiel, du temporaire, du confortable politiquement parlant.

On se dit qu'une frontière, ça n'a rien de bien grave, d'autant plus quand les états qui font palier commun ne se détestent pas. Détrompez vous! Avoir une frontière, c'est devoir traiter avec celui d'en face, se mettre d'accord sur des règles d'échange, de change monétaire, de passage de douane, de taxes, bref de compliquer quelque chose de simple. Reprenons la frontière franco-allemande: est-ce que la terre entre les deux diffère tant que cela, y-a-t-il quelque changement chimique qui nécessite de dresser le pointillé ici plutôt que là? Certes non. On observera plus des batailles, des discussions diplomatiques, de paraphes juridiques pour déterminer, pour un moment, où doit passer cette foutue ligne pointillée qui coupe les jardins en deux, et parfois va jusqu'à passer au milieu d'une cuisine de restaurant. Et tout ça pour quoi? Pour rendre complexe ce qui est simple. D'ailleurs, les animaux, eux, s'en cognent des frontières, ils nous les laissent en rigolant probablement de notre connerie maladive de tout vouloir dimensionner et ceinturer de pointillés.

Petit aparté: je me demande s'il y a une maladie de coller des pointillés partout, parce que, techniquement, il y en a en pagaille. A croire que cela relève d'un TOC (Trouble Obsessionnel Compulsif) puisqu'on en trouve sur les emballages, autour des personnages à découper pour les mômes, sur les documentations techniques, sur les papiers administratifs, et jusque sur les routes! Et ne croyez pas qu'on fout du pointillé comme on veut, et selon notre humeur! Un pointillé, c'est normé, calibré, décrit sur votre déclaration d'impôt. "Découpez en suivant les pointillés"... Hé, l'ahuri, comme si j'allais découper en plein milieu une petite étoile rien que pour te faire chier! (Bon, je l'avoue, ça me tenterait bien...Mais quand même!)

Revenons donc à ces histoires de frontières. Israël pense recommencer sa politique de colonisation, et donc l'installation sur un territoire conquis de baraquements, ceci au détriment des colonisés. Je ne m'interroge donc plus sur le fait qu'il y a dans le gouvernement Israélien au moins un maniaque du pointillé, un cinglé du tiret en série, le genre névrosé qui n'aime pas voir une ligne droite sans qu'elle soit hachée menue par l'histoire. J'en ai l'intime conviction, ce sociopathe, ce dingue cherchant à faire onduler les frontières de son pays, il devrait être interné comme n'importe quel fou dangereux pour lui-même et ses congénères. Malheur de malheur, si seulement il existait une maladie décrivant le "Syndrome du pointillé en vrac"...

En bonus, un peu de musique classique comme je l'aime: Requiem de Mozart, Rex tremendae.

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