05 septembre 2012

Vision atroce

Ah, les cauchemars! Cette insupportable tendance qu'a l'esprit humain à générer des informations incohérentes, des agencements d'idées saugrenus, des visions atroces, juste histoire de vous pétrifier d'angoisse… J'adore notre cerveau, à tel point que, quelque part, je me dis que nos amis les psychologues se trompent lourdement. Non, à mon sens, ce n'est pas un subconscient qui fait joujou avec notre bagage intellectuel, mais plutôt une forme de processus de manipulation qui a pour seul but de faire fonctionner la machine quand notre esprit, lui, a choisi d'aller s'envoyer une ligne de sable du marchand si bien nommé. Alors quoi, Le cauchemar, ce serait une sorte de loterie aux idées où, pour peu que les briques d'idées s'emboîtent, tirerait aléatoirement des bouts de soi pour construire un truc bien branlant et débile? Pourquoi pas! Après tout, les stupéfiants n'agissent-ils pas de la sorte en déformant les connexions dans notre boîte gamberge pour en faire sortir des hallucinations?

Dans l'absolu, je ne crains pas mes songes, d'autant plus quand ils sont sombres. En effet, je les estime et les respecte, au titre qu'ils sont aussi utiles que notre pensée consciente. Certains préfèreraient dormir d'un sommeil de plomb, pour ma part je considère qu'un sommeil actif n'a rien de mauvais, d'autant plus si les assemblages d'idées se révèlent intéressants, si ce n'est utiles lors de nos phases d'éveil. De là, donc, je tiens à pouvoir me dire que je peux rêver, cauchemarder, le tout en totale liberté cérébrale. Ceci dit, les cauchemars peuvent avoir des côtés prémonitoires, mais je laisse ça à celles et ceux qui aiment aller fouiner du côté de l'occultisme ou du spiritisme. Personnellement, je n'ai pas encore eu le loisir de causer à un mort, d'aborder un quelconque fantôme d'un passé réel ou imaginaire, et en partant de là ce n'est guère ma tasse de thé que de farfouiller dans les tables de ouija ou dans les jeux de tarots de bohémiens prétendus. Là, ce qui m'intéresse, c'est un agencement d'un rêve particulier, ou devrais-je dire d'une interrogation fortuite de mon esprit dérangé…

Alors, de quoi a-t-il envie de parler le garçon? D'une question: si la station de radio Nostalgie diffuse aujourd'hui les Beatles, John Baez, Joe Dassin ou bien Claude François, qu'est-ce que la station diffusera (pour peu qu'elle existe encore) quand j'aurai l'âge de son auditoire actuel? En effet, il faut tout de même se souvenir que la dite radio s'adresse à une population de quinquagénaires et au-delà, plus qu'à ces adolescents pustuleux en manque de mouvement des hanches et des pieds. Je doute qu'on puisse même envisager de caser les programmes de la station sur une radio ciblée "jeune". Raisonnons un peu: la station annonce clairement la couleur, en diffusant des chansons des années 60 à 80, soit un minimum de trente ans d'âge. Pour un whisky, c'est magnifique, pour un vin c'est un signe de qualité, mais en matière audio, cela revient diffuser une période préhistorique (du moins dans l'esprit des jeunes). Maintenant décalons le tout de trente ans, et frémissons! Foutus cauchemars…

Nous sommes en 2032. Je suis vieux, pas encore à la retraite, vu qu'on a porté la chose à 75 ans, et je scanne les stations de radio multimédia. Paf, je tombe sur une annonce de nostalgie! Et voilà la programmation! Le hits du jour, c'est un mix monstrueux de tous les tubes dance des années 90, avec en bouquet final Haddaway avec son tube "What is love". Argh, ça commence assez mal, vu qu'à cette même époque je me bousillais les neurones et les tympans avec du rock bruyant, voire même du punk. Je me dis alors qu'il faut laisser une chance à la radio et à l'époque révolue des stations de mon adolescence, puisque, de toute façon, chaque période peut prétendre à de chouette chansons. La preuve en est que même les Stones ont pondu des trucs ces dernières années. J'écoute, je me fais violence, et vlan, on passe aux années 2000 et son feu d'artifices de chanson Française. Tiens… ARGHHH pitié! Larusso! Non mais quoi, ils veulent provoquer des vagues de suicides pour écrémer la population de gens qui coûtent trop cher à la Sécu ces sagouins? Vite, trouver une échappatoire. Heureusement que les radios modernes des années 2030 permettent de se faire des sélections, de filtrer ce qu'on n'aime pas…

Et là, comme dit la vieille phrase éculée, c'est le drame: de la tektonik, encore de la dance, des chansons de l'été prêtes à vous faire sortir les tripes par les narines, des morceaux dont je n'avais même pas idée, du R'N'B (qui pour moi devrait dire "Réduit Notablement qu'au Business" tant ces chansons semblent tirées d'un seul et même moule), ou encore des chanteurs à la carrière aussi fulgurante qu'éphémère. C'est ainsi, la station a fait glisser ses listes vers son public, à savoir ceux qui ont plus de cinquante printemps, des vioques dont les jeunes se foutent éperdument. Ah tiens, miracle, ils diffusent un peu de bruit! Metallica! Chouette! Oh Nirvana! Encore un effort les mecs et vous pourriez me faire une programmation décente… Et merde, Carla Bruni… On ne peut vraiment pas tout avoir en ce bas monde.

Je me moque, je ricane, mais, finalement, j'adore cette station. Hé oui, j'en suis un auditeur occasionnel, parce qu'avoir la chance de tomber sur une grande des 70's comme Janis Joplin, sur un Hendrix déchaîné, ou un sur inusable tube de Téléphone, ça vaut bien son pesant de décibels dans les esgourdes. Sans rire ni moquerie, Nostalgie est certainement un des derniers refuges de la radio comme je l'aime, celle qui ne balance pas des trucs à la mode dont je ne suis plus la cible depuis belle lurette, celle qui respecte les artistes qui sont les fondateurs de toute une contre culture, et ce même si dans le lot certains tubes finissent par me poncer littéralement les tympans.

Allez, soutenez les, écoutez les, même de temps en temps. Vous n'êtes ni trop vieux, ni trop jeunes pour apprécier ce qu'on savait faire dans "ces années là…" (NON! Je ne chanterai ni ne danserai à la Clo clo!)

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