24 août 2012

Un oeil critique sur la crise

Ah, cet acharnement thérapeutique à vouloir nous inculquer que les religions, la Foi, ou encore les différences sont des tares dangereuses ! Que de maux on colle sur ces idéologies aussi diverses que variées ! On aime à pousser les gens à se haïr, probablement parce que le pire mène invariablement à l’enrichissement de certains. A l’instar d’un parasite qui se gave sur notre organisme, la propagande consumériste se régale en dévorant d’abord la tolérance, en prétendant que la différence est dangereuse, puis en se gavant avec la couenne grasse de nos méconnaissances, pour finir par déguster nos sociétés à la petite cuillère, à chaque fois que le vote « fasciste » refait surface. Tout ça pour quelles raisons ? Vendre de la sécurité ? Du progrès social et économique ? Non : juste parce que la peur fait vendre, parce qu’elle pousse les gens à se réfugier dans des valeurs malsaines, mais hélas porteuses d’espoirs dévoyés.

Tenez, depuis que la crise est bien implantée dans les esprits malléables des masses, qu’apprend-on en discutant avec le tout venant ? Que l’islam est dangereux, que la Chine est le nouvel ennemi parce que cette nation s’est développée, que l’étranger peut se révéler être un concurrent par trop envahissant. Dites, les étroits de la gamberge, qu’est ce que les nations du monde dit « moderne » ont faites pendant des décennies, voire des siècles ? Si je dis Afrique, Inde, Indochine, Amérique du sud, ça ne vous cause pas ? Hé oui, nous sommes en train de vivre ce que les nations européennes ont fait vivre à ces états, à savoir une forme de colonialisme, mais une colonisation plus insidieuse, plus discrète, mais autrement plus efficace et profonde. Vu que nous perdons de vue les fondamentaux qui sont supposés forger des sociétés progressistes (tolérance, respect de soi et d’autrui, humanisme et non consumérisme), nous en venons donc à observer le voisin avec circonspection, et non à lui tendre la main comme le voudrait l’intelligence dont nous nous vantons à tort. Humanité ? « Oui à condition qu’elle me soit profitable » vous dira n’importe qui croisé dans la rue. Dis, l’ahuri, aurais tu raté le fait que plus nous faisons la guerre, plus certains engendrent des bénéfices, tandis que d’autres s’appauvrissent constamment ?

C’est cynique, mais j’aime à constater qu’il n’existe pas de véritable progression mondiale, que ce soit socialement ou moralement. En effet, dévoyez les idéaux, faites en des objectifs malsains, et vous obtiendrez un monde comme le nôtre. Prenons un symbolisme tout religieux qu’il est avec le veau d’or. L’expression de l’idole, du « faux dieu » menant à sa perte tout un peuple, n’est-ce pas le même raisonnement avec l’argent et le pouvoir de consommer ? Non ? Réfléchissez : se sentir exister en possédant, au lieu de se sentir exister par la présence d’autrui dans son cercle d’existence, c’est à mon sens la représentation la plus chronique de l’idolâtrie la plus crasse. Je ne peux pas cautionner le fait qu’on décrète qu’avoir que son voisin est une bonne chose, tout comme je ne considère pas comme normal d’être mené à l’extrême tant moralement que physiquement par le travail, ceci dans le seul but non d’améliorer sa condition, mais dans le seul objectif de prouver au voisin qu’on vaut mieux que lui. Valoir ? Parce qu’on quantifie sa propre réussite ? Amusant, au sens cynique du terme bien entendu.

On n’a foi que dans le concret, du moins c’est ce qui me semble être le plus pertinent comme présentation de notre monde actuel. Vendez, achetez, soyez riches, écrasez, piétinez le reste, montrez vous retors et ambitieux, et le « monde » vous tendra les bras. Ironiquement, cette attitude nous mène au naufrage économique, tant notre refus de constater que le manque de partage de la réussite pousse les plus pauvres à sortir les dents. On voulait le tiers monde soumis, mais maintenant que l’esclave se défend et mord l’ancien maître on crie au scandale. Je ne vois rien de scandaleux que la bête que nous avons dressé à se battre vienne nous donner une leçon de combat, d’autant plus quand on fait mine d’oublier que nous avons tous profités des richesses des pauvres justement ! Quelle délectable ironie de l’histoire… Ceci dit, cela ne fait que commencer je pense, surtout si l’on se penche sur le destin des empires. Quelle est la cause majeure de la chute des grands empires ? L’expansion a des limites, et chaque empire de l’histoire a goûté l’excès d’expansion comme moteur économique et politique. Rome ? Trop grand, gras, imbu de sa puissance, réduit à néant par manque total de capacité à maintenir une fédération gérable. La Grèce antique ? Excès de confiance dans sa stabilité. Les grands empires et royaumes Européens ? L’oubli qu’une guerre mène à la pauvreté, puis à l’esprit de revanche des voisins. Et ainsi de suite. Et on continue pourtant à espérer qu’après avoir massacré, exploité, ruiné des dizaines de pays, que ceux-ci vont persévérer dans la soumission… Ridicule, non ?

Je m’en remets à un dicton tzigane : « pourquoi le tzigane est heureux et danse quand il pleut ? Parce que la pluie annonce immanquablement le soleil ». Logique implacable. Il nous reste quelques années à subir la régulation légitime de notre ambition devenue trop dévorante, ainsi qu’une stabilisation des échanges avec les nouveaux riches de ce monde. Par bonheur, la Chine a saisi qu’il ne fallait pas nous achever, mais nous préserver en tant que clients potentiels. Dans cette immense cour des miracles, nos différents pays ne sont que des pions qui, par le truchement de discussions de couloirs, se mettent à présent d’accord pour retrouver une situation stable et acceptable. La croissance infinie n’existe pas, et le veau d’or est dorénavant un peu pointé du doigt. On parle de développement raisonnable et raisonné, l’écologie entre enfin en ligne de compte dans notre processus économique, probablement parce qu’il faut bien améliorer ce qui ne fonctionne plus correctement. Reste à voir si ces réactions ne sont pas uniquement là pour tenter de réparer la machinerie folle qui nous a servi, jusqu’à présent, de moteur de développement, au lieu d’envisager de nouvelles sources d’échanges. Pourquoi ne pas admettre que les pays émergents sont des partenaires viables et valables ? Pourquoi tenter de sauver notre « suprématie » déjà morte et enterrée depuis plus de soixante ans ? Pourquoi s’entêter dans une démarche nationaliste, au lieu de simplement comprendre que la vertu du patriotisme est de vouloir que la nation progresse, et le peuple avec, au lieu de tenter de sauver une « identité » qui, de toute façon, évoluera forcément ?

L’exigence du monde qui se présente à nous est simple : trouver un point d’équilibre qui sera favorable à tous les acteurs de pouvoir. Au lieu de nous en remettre à celles et ceux qui nous vendent de la religion économique, au lieu de nous abaisser à créer des ennemis en tenant pour responsables de nos maux la différence et les ambitions des autres, nous serons forcés, bon gré mal gré, à nous asseoir à la même table que les autres nations du monde. Le diktat des G8 et autres entités dévoyées par leur manque de réalisme va sûrement imploser, ou tout du moins fortement s’infléchir de par l’obligation d’accueillir ces nouveaux acteurs de l’économie et de la politique mondiale. Pire encore : imaginons que la Chine, l’Inde, le Chili, le Brésil, bref tous les pays anciennement esclaves de notre système s’allient dans un contrepouvoir au G8, qu’adviendra-t-il de notre modèle ? On pourrait assister à la régulation mondiale par l’inversion des polarités de pouvoir, à savoir ces pays consommateurs… et nous producteurs à bas coût. Ce serait la pire des ironies, mais ça n’a rien d’impossible dans le fond. Le dicton tzigane précédent me semble fort à propos dans l’idée où ce genre de mutation ne sera pas forcément négatif, au titre que cela pourrait relancer l’économie européenne, recréer un tissu social fort et résistant… et donc, d’ici quelques décennies, repositionner l’Europe comme trésorier du monde. Tout est une question de temps, de patience, et de bon sens. J’aimerais juste que la motivation de ces changements ne soient pas la peur et la haine de l’autre, mais la saine ambition d’être aussi bon, si ce n’est meilleur que lui. Ni plus, ni moins.

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