19 mars 2012

Si j’étais un monstre

Si j’étais un monstre, je me serais fendu de faire de l’humour sur les évènements de ces derniers jours, d’autant plus que nombre d’humoristes ne se privent pas de faire des plaisanteries sur tout et n’importe quoi. Me concernant, je considère effectivement qu’il faut savoir rire de tout (et Pierre avait raison là-dessus, lui qui plaisantait sur son cancer !), mais je doute qu’il soit toujours de bon ton ou même de bonne intelligence de le faire avec n’importe qui. Pourquoi ? Est-ce parce que je considère que rire avec un imbécile, c’est gâcher du temps et de l’énergie ? Pas le moins du monde : c’est simplement parce qu’il y a des choses qui vont au-delà de la liberté d’expression et du droit de rire de « tout ».

Nous avons tous vu l’atroce accident de bus où de nombreux enfants viennent de mourir. Je ne mettrai ni image, ni lien vers quoi que ce soit sur le web à ce propos. Certains me diront que ce ne serait pas manquer de respect aux victimes, sauf qu’en fait, j’estime que le sensationnalisme ambiant m’écoeure. Les titres s’enchaînent, les hypothèses parfois insultantes pour le chauffeur (lui aussi décédé) s’empilent, et ce sans autre chose que des rumeurs, des suppositions, bref sans la moindre once de preuve ! En les lisant, ces pourfendeurs de baratin étalés à la truelle sur nos écrans pour nourrir nos esprits infertiles et mollassons, je ne vois plus de l’information, mais plus de l’humour dégueulasse, des mauvaises blagues indignes même des bas-fonds qu’ils remuent sans cesse pour nous abreuver d’horreurs. Je n’arrive pas à cautionner, je n’arrive plus à pardonner ce comportement scandaleux. Pourtant, oui, je crois que la presse se doit de parler, d’expliquer, d’aider les gens à comprendre le monde qui les entoure. Cependant, je n’arrive plus à tolérer cette course à l’information instantanée, d’autant plus quand elle porte atteinte à la mémoire des victimes.

Les journaux européens se sont très majoritairement comportés avec dignité, arborant des « unes » dignes, souvent dépourvues de photographie, ceci afin de montrer que beaucoup de monde pleure ce drame atroce. Des témoignages de sauveteurs parlent des conditions de leur arrivée sur le site de l’accident, et de la douleur de devoir porter secours à des enfants. Je ne lierai pas non plus ces propos, parce qu’ils sont durs, tristes, et que je ne crois pas au net spectacle. Encore une fois, cette presse internet se gave, se régale du malheur des autres, de la détresse de ces sauveteurs qui sont forcément traumatisés par ce qu’ils ont vécu. Qui ne le serait pas ? Les gestionnaires de ces sites « d’information » ne le sont pas apparemment, tant ils exposent sans complexe les clichés de l’autobus complètement démoli par le crash. Où est le respect, la dignité ? Messieurs les rédacteurs, je vous conchie, je vous vomis, vous et votre politique éditoriale de voyeurisme exacerbée !

Je me suis toujours plaint du net, de ses travers, de ses excès, mais jusqu’à présent je laissais le bénéfice du doute à la presse dématérialisée. Peut-être était-ce de la candeur, ou tout du moins une forme étrange de charité pour ce « nouveau » média qui prend le pas sur la presse papier. Malheureusement, je constate avec effarement que, non content d’être des voyeurs malsains, ces journaleux sont prêts à tout pour se faire une place dans les mass médias virtuels. Candeur, adieu, bonjour cynisme. Qu’on ne s’étonne pas de l’abêtissement global, car, dans le fond, si la presse est conne, c’est qu’elle s’adresse forcément à des cons, non ? Je veux bien admettre qu’il en faut pour tous les goûts, mais là on dépasse plus que largement les limites du raisonnable. D’ailleurs, j’aimerais bien que ces pourris soient mis au ban de leur propre profession, parce que ça fait mal au portefeuille, vu que de dignité ils n’ont plus que des lambeaux.

Evidemment que je pourrais, moi aussi, avec mon ton ordurier et malsain qui m’est coutumier, faire preuve de cynisme et profiter de l’accident pour faire de l’humour noir. Pas question. Je n’y arrive pas. Je ne peux pas, c’est au-delà de mes forces. Je ne les connais pas, ces pauvres gosses, je ne connais pas même leurs familles, mais je connais une chose qui me semble essentielle : le respect ; je me dois de respecter la douleur commune de toutes ces victimes, je me dois de respecter les larmes qui perleront longtemps encore sur bien des joues.

Le seul message que je puisse envoyer à tout le monde, sans ironie, sans hésitation, c’est laissez donc les gens pleurer leurs morts, ne vous gavez pas du malheur d’autrui. Offrez vous du respect, montrez que, tous, vous pouvez faire preuve de compassion.

Mes condoléances.

PS : j’aurais voulu rédiger un « joyeux anniversaire » pour une amie qui m’est chère… Mais finalement, je me suis dit qu’elle comprendra que je me devais de réagir. Elle me connaît.

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