21 novembre 2011

J’avoue, je suis en plein fou rire narquois

Faute de pouvoir sourire face à l’actualité toujours plus glauque et inquiétante, je n’arrive plus qu’à rire cyniquement face aux évènements. C’est dégueulasse (en tout cas, c’est ce qu’on pourrait me dire en guise de reproche), mais je n’arrive qu’à me gausser de tout ce foutoir mondial : guerres inutiles, crise économique née par la faute non d’une situation politique pourrie, mais d’une arrogance monstrueuse des spéculateurs, et surtout la multiplication des reportages anxiogènes prompts à remettre sur le tapis des thématiques bizarrement intéressantes pour les présidentiables de 2012. Il y a de quoi se moquer, non ? Je trouve ahurissant qu’on puisse, en l’espace de quelques mois, redécouvrir qu’être prétentieux peut mener à notre perte, tout comme je trouve risible l’attitude pour le moins « maladroite » des médias qui font leurs choux gras des pires atrocités que l’âme humaine est capable de créer.

Quoi de nouveau sous le soleil ? Pas grand-chose, car, dans le fond, les exemples du passé ne manquent pas pour rappeler aux fous que nous sommes que nous fonçons joyeusement dans le mur. La crise mondiale ? Et les emprunts Russes, n’est-ce pas là une sorte d’ancêtre des subprimes ? Et l’effondrement des systèmes financiers, ça ne vous rappelle pas 1929 avec sa spéculation à outrance ? Et les guerres pour les matières premières, n’est-ce pas ce qui a mené les grands empires à se déclarer la guerre dans le passé ? Et que dire des horreurs des petits et grands crimes qu’on nous envoie au visage à longueur de journée ? Petiot, Landru… ça ne parlera pas aux plus incultes, mais clairement le XXIème siècle n’a pas inventé le tueur en série, pas plus que le voleur ou le violeur. C’est juste qu’on nous en sert à tous les repas, histoire de nous faire peur. Et, visiblement, ça marche !

Ainsi, je ne retiens pas mon rire quand j’entends des grands patrons se plaindre de la conjoncture économique, pas plus que je ne me retiens quand j’entends celles et ceux qui, pendant que c’était l’embellie financière, profitaient du système et qui, maintenant, se plaignent d’être ruinés. C’est méchant, une vraie bassesse tant dans l’attitude que dans l’esprit, mais somme toute, pourquoi plaindre ceux qui jouaient avec le feu de s’être brûlés ? C’est ceux qui subissent les dégâts collatéraux que je plains, pas les autres ! Notez qu’en plus de poser de gros problèmes, la crise permet aux plus cyniques de légitimer des licenciements, des délocalisation, ou des coups d’arrêt dans les politiques salariales. Vous ne trouvez pas amusant qu’une société puisse réduire les salaires, virer des employés, ceci en prétextant un marché étriqué, alors qu’elle fait de beaux bénéfices ? Il y a comme un contresens, un mensonge éhonté qui sent clairement la manipulation. Quoi qu’il en soit, il vaut mieux en rire et se moquer des menteurs, que de pleurer et d’ajouter encore un peu plus à la grisaille ambiante.

Trop de choses sont dites et faites pour nous faire peur, et nous maintenir ainsi dans une confortable léthargie. Un peuple qui a peur, c’est un peuple docile et prompt à tout avaler, même les pires couleuvres. Malgré tous les mouvements contestataires, les grèves, les actions « coup de poing », les états ne retirent pas les politiques d’austérité, écorchant au passage les plus fragiles et les plus exposés à la crise. Il y a là une belle ironie : préservons un système instable, quitte à blesser ceux qu’on souhaite justement protéger. Ca n’a rien d’une lubie de quelqu’un de mauvaise foi, mais bien de faits. Taxons les biens de consommation, augmentons les taxes pour que les petites entreprises payent la note, et regardons les mourir de leur belle mort ! Je suis donc bien obligé de me moquer de ces rafistolages, encore plus de ceux qui les soutiennent en mentant de manière éhontée sur le résultat de ces mesures. C’est sûr que taxer les sodas va renflouer les dettes abyssales de l’état, tandis qu’on ne touche pas aux cadeaux fiscaux faits aux grandes sociétés et aux plus riches…

Bref, je regarde le monde avec détachement et cynisme, j’absorbe mon lot de couleuvres comme les autres, et j’appréhende le futur avec un rictus de circonstance. On ne sait pas vraiment ce qui nous attend, cependant, le passé me semble affirmer qu’il y a toutes les graines et le terreau fertile pour faire germer les idées nationalistes, protectionnistes, ainsi que pour stimuler la renaissance des pires mouvements à tendances fascistes. Effrayant ? Pas tant que cela, si l’on tient compte du fait que c’est hélas inévitable, et que ce n’est que le bon sens citoyen qui pourra nous préserver d’un basculement vers la dictature. Tout le bon sens politique provient uniquement du fait de se préoccuper non que de soi, mais de son entourage. Voir le monde, c’est se voir en lui.

C’est fou. Quand j’écoute Gilles Servat, je suis sidéré par sa clairvoyance. Tenez, lisez ce texte qui, mine de rien, a le mérite de nous en coller plein la figure :
En ce temps il était possible
D'aller dans la rue sans son flingue
Car il n'y avait que les dingues
Qui prenaient les passants pour cible

C'était encore peu répandu
Quand on descendait à sa cave
De trouver vingt surhommes très braves
En train d'violer une inconnue

On pouvait circuler en ville
Sans peur, sans fouille systématique
Sans recevoir des coups de trique
De la part d'un vigile viril

Je garde en moi le souvenir
En ce moi de mai 2010
De ces années soixante-dix
Où l'on sentait tout ça venir

Le couvre-feu n'existait pas
Les lumières brillaient dans la nuit
On sortait bien après minuit
Car l'énergie nous manquait pas

Y avait encore des rossignols
Qui chantaient par les nuits d'été
J'avais pas d'masque sur le nez
L'oiseau tombait pas en plein vol

Il existait des grands chemins
Que les bandits fréquentaient guère
Aujourd'hui on croirait la guerre
Les embuscades au petit matin

Je garde en moi le souvenir
En ce moi de mai 2010
De ces années soixante-dix
Où l'on sentait tout ça venir

On avait encore une adresse
Pas de loisirs obligatoires
Pas de télé obligatoire
Et pas de matricule aux fesses

On pouvait prendre pour confesseur
Sa femme, son enfant, sa soeur
Sans être sûr d'ouvrir son coeur
Au ministère de l'Intérieur

Et même se regarder en face
Sans s'demander si c'est un flic
Si c'est soi-même ou un indic
Dont on voit les yeux dans la glace

Je garde en moi le souvenir
En ce moi de mai 2010
De ces années soixante-dix
Où l'on sentait tout ça venir

Il restait les derniers pavés
Il n'y avait que les maisons
Les trains, les cars et les avions
Qui avaient l'air conditionné

On avait encore le droit d'grêve
Et le cerveau en liberté
Machin avait pas inventé
La machine à lire les rêves

Avant qu'le siècle ne s'achève
Nous avons vaincu le cancer
Mais on ne meurt pas moins qu'hier
Les suicides ont pris la relève

Je garde en moi le souvenir
En ce moi de mai 2010
De ces années soixante-dix
Où l'on sentait tout ça venir...

1 commentaire:

Thoraval a dit…

Héhé!... Gilles Servat...
Et encore, tu ne leur a pas mis Jean-Pax Mefret et son album de 1974... "La Colère", "L'Enfant du Flic", "Le Journaliste", etc...