06 juillet 2011

De la nostalgie vidéoludique

On pourra me prendre pour un intégriste passéiste, mais je revendique haut et fort que j’aime les bons vieux jeux d’antan. Certes, si l’on doit d’appuyer sur la richesse de la réalisation, ainsi que sur les progrès faits sur les capacités des machines, mes vieux jeux semblent aujourd’hui dépassés, ridicules, et même kitsch. Pourtant, j’ai comme une drôle de sensation, l’impression chronique qu’un vieux jeu peut distiller des émotions que peu de titres actuels sont capables de fournir. Cela me semble paradoxal, tant l’enrichissement des moyens de réalisations devraient, au contraire, permettre d’intensifier l’expérience ludique.

Si je fais un parallèle avec un cinéma, je ne peux que pondérer cette dernière affirmation. En effet, le cinéma lui aussi est atteint du mal du « pop corn », où le spectateur est pris pour un demeuré, et à qui l’on va servir des scènes certes spectaculaires, mais au détriment notoire de la profondeur de l’histoire et/ou des personnages. Les plus gros succès sont donc, hélas, de bons gros navets faits de cette pâte pétrie à la levure esthétique, avec l’absence totale de la saveur d’un bon vrai film. Qu’on ne se trompe pas : je suis amateur de ces films de genre, mais à la seule condition qu’on puisse avoir un attachement quelconque pour les personnages ! J’ai, ici même, cité quelques films qui ne sont pas appréciés de tous, et pour cause : Rocky, Rambo, des films d’action pur jus, je peux les apprécier pour ce qu’ils sont, mais ces titres ont la profondeur qu’il manque aux autres réalisations comme Transformers (dont le nouvel opus/ersatz/cauchemar vient de sortir dans les salles). Les jeux vidéos sont donc comme le cinéma : la présence d’un énorme budget n’apporte malheureusement pas la richesse escomptée. Loin de là même.

Le jeu vidéo est, pour moi, un art « nouveau », au titre qu’il se pose en assistant au rêve et à l’imagination. Contrairement au livre où tout passe par la seule réflexion du lecteur, le jeu, comme le cinéma, porte en lui la patte graphique de ses créateurs. Ainsi, quand nous gérons les pérégrinations d’un personnage, nous aimons que son histoire, si ténue soit-elle, nous emporte. Loisir interactif par excellence, le jeu se juge donc autant sur l’esthétique globale, que sur l’ergonomie nécessaire à la bonne prise en main du scénario. Même un jeu de tir sans histoire doit respecter certains codes élémentaires comme bouger facilement, viser avec aisance, être entraînant par les sons et la musique, et créer une tension nerveuse quand le boss de fin de niveau apparaît à l’écran. Et ces codes sont trentenaires ! Alors pourquoi les réalisations actuelles perdent-elles cette profondeur, cette âme ? La liberté d’action, sacro-saint rêve de tout joueur, se révèle alors une simple composante du jeu, sans pour autant être une véritable source d’aventure renouvelée.

L’émotion, le sentiment, la chaleur, l’attachement, ces mots humains pour qualifier des dessins et des graphismes semblent saugrenus, surtout pour quiconque n’ayant jamais approché le monde du virtuel. Pourtant, à mon sens, les vrais bons jeux savent amener le joueur à éprouver quelque chose, une sensation particulière à des instants donnés. Qui ne s’est pas énervé après avoir échoué à quelques pas de la bataille finale ? Qui n’a pas senti de la tristesse quand un personnage secondaire meurt dans une belle mise en scène ? Qui n’a pas éclaté de rire face au mimiques ridicules d’un jeu comique ? Qui n’a pas stressé au volant d’une voiture virtuelle ? Qui ne s’est pas enorgueilli d’être parvenu à battre LE champion d’un jeu de sport ? qui n’a pas frémi au son d’un monstre errant dans un couloir trop sombre ? Le jeu a souvent su offrir des moments de véritable émotion, du moins jusqu’à très récemment (c’est mon impression). Certains créateurs s’attachent encore à préserver cette force, mais trop rares sont les productions qui nous emmènent encore dans le monde des rêves.

Etant joueur de World Of Warcraft, je suis souvent « déçu » par l’absence notable d’émotion. La richesse des combinaisons, situations, évènements font que le jeu a une profondeur quasi inégalée à ce jour. De plus, son immensité permet un renouvellement perpétuel tant esthétique qu’en terme de situations de jeu. Cependant, où est don l’âme, l’envie de s’attacher à une histoire ? Peu de joueurs peuvent encore prétendre à éprouver de véritables émotions, ne serait-ce que parce que les jeux se refusent à en jouer. Tout au plus va-t-on trouver quelques tentatives (plus ou moins fructueuses) à travers les « survival horror » misant sur une ambiance de film d’horreur, quelques jeux d’aventures, et parfois même des jeux de tir (fps). Sorti de ça… le néant, la froideur, le désintérêt.

J’ai peut-être vieilli, ou bien je suis devenu quelque peu froid à la technologie, mais je ne retrouve plus vraiment l’émotion dans mes jeux. Ils sont devenus jetables, ils se ressemblent énormément sur les fondamentaux, et j’en viens même à me dire que l’expérience graphique a pris la place de tout le reste. Espérons que l’avenir me donnera tort, car, à mon sens, l’interactivité se doit d’être vecteur d’émotions, de sensations, et même de réflexions. Certaines productions furent à mes yeux signifiantes, car celles-ci abordaient des sujets complexes et délicats. Je me souviens d’un jeu de stratégie complexe qui tenait compte du rôle des civils et des médias, d’un autre jeu (d’aventure cette fois) qui posait la problématique de l’orientation morale du personnage, avec à la clé des choix drastiques parfois douloureux, ou encore d’un dernier jeu (au style très particulier) qui suggérait que le héros, malgré l’aspect victorieux de ses batailles, s’était complètement trompé de combat. Dur à accepter, mais passionnant à vivre, c’est ce genre de situations qui poussent le joueur à aimer un jeu !

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