18 avril 2011

Je veux être punk

Salut à toi, ô mon frère… Telle fut le chant des punks en France, scandant franchement que la différence n’a pas de sens, que les mots sont ouverts à tous, et qu’on peut cohabiter si l’on accepte de remettre en cause certains de nos concepts étriqués. Aujourd’hui, parler de punk, c’est parler au passé de groupes rebelles rentrés dans le rang, d’une ère de débauche perdue à jamais. Pour moi, le punk n’est pas mort, parce qu’être punk, ce n’est pas qu’une esthétique et une musique, c’est aussi une attitude, une façon de concevoir l’existence. Les punks sont vivants, ils sont parmi nous, reste à voir ceux qui ont encore le courage de se lever contre l’inertie de la société, contre le conformisme moral qui freine toute volonté, et qui ne craignent pas d’être différents.

Que sont devenus tous ces gens, ces types qu’on prenait pour des loubards, pour des skinheads fascistes et racistes ? Doit-on se contenter des clichés du skin qu’on voit dans les films des années 80 ? Un skinhead, ce n’est pas forcément une ordure au crâne rasé, qui a l’esprit farci d’inepties sur la supériorité blanche, sur la domination raciale, bref sur un tissu de saloperies. Un skinhead, à la base, c’étaient des types apolitiques, qui voulaient se différencier du conformisme des années 70/80, qui prônaient « sex, drugs, and rock’n roll ». Bien sûr que cela gênait, que cela faisait peur ! Quand on touche aux fondamentaux d’une société qui s’adosse à l’argent et au paraître, difficile de tolérer des blousons bombers, des crânes rasés, des rangers aux pieds, et de la musique brutale pour hymne. Les punks étaient là, ils faisaient peur, ils étaient une contre culture militante et construite.

La révolte par le propos, la force de l’idée par le chant scandé avec ferveur, ce furent les symboles même du mouvement punk. Il est malheureux de devoir admettre que nombre de ces groupes punks dérivèrent vers la radicalisation néonazie, parce que les jeunes impliqués étaient malléables et se cherchaient une identité. La notion d’identité nationale, de reconnaissance existait déjà, et le besoin de se reconnaître dans une société cosmopolite n’est pas une nouveauté inventée récemment. Dans ces conditions, l’image même du mouvement punk a été détruite par ces extrêmes, comme s’ils étaient représentatifs de toute une jeunesse. Le punk, ce fut donc une source de rébellion tant morale que politique, à tel point que cela fit trembler beaucoup de monde. Les groupes punks furent très surveillés, et les RG ne furent pas innocents dans nombre de descente dans des squats tenus par ces parias de la société. Le résultat est qu’aujourd’hui les punks existent toujours, mais souvent que dans leur forme la plus radicale, à savoir celle qui, justement, déshonorent les fondements du punk !

J’ai déjà eu le déplaisir de lire des choses comparant le mouvement rap/hip-hop au punk… Scandale ! Là, je hurle, je braille ma colère, car si, oui, il existe des groupes et des chanteurs de hip-hop ont un minimum de conscience et d’engagement, la majorité reste cantonnée à des discours simplistes sur l’argent, le sexe et les plaisirs. Le punk a énormément mis en accusation le monde moderne, l’attitude égocentrique des gens, ainsi qu’une critique féroce envers les tenants du pouvoir. On ne peut donc décemment pas comparer deux directions totalement différentes, même si cela ne met pas en doute la qualité de la production musicale (quoique… quand j’entends la soupe qui est casée dans les esgourdes de la foule… mais là n’est pas le débat). Pour moi, le punk hérite tant du rock que des chanteurs à textes. Pour moi, prenez un Brassens vindicatif, faites scander ses textes sur une guitare saturée et une batterie matraquée, et vous avez du punk ! Certains me diront que mettre Brassens là-dedans est atroce et inacceptable. Parce que laisser deux guignols charcuter Mozart sur des platines de mix, c’est tolérable ?

J’aime le punk, parce qu’il me parle, parce qu’il a le courage de ses propos, il dénonce, quitte à paraître nihiliste. Bérurier noir et consoeurs n’étaient pas suicidaires, ils ont constaté que l’horreur est humaine, que le quotidien rend les choses mornes et qu’il fait ainsi accepter n’importe quoi à la foule. J’aime à me dire que les punks sont les derniers à avoir eu le courage de jouer la dénonciation, d’avoir eu le culot de dire merde aux critiques et aux clichés, quitte à en devenir un peu plus obscurs. Aujourd’hui, qui se souvient des slogans qui furent hurlés, le poing levé fermé ? Qui se souvient de « Vivre libre ou mourir ! », de « Flic armé, porcherie ! ». C’est ainsi… On oublie le courage au profit du commercial. Cela me fait espérer que d’autres vont découvrir, tôt ou tard, qu’il y a eu une génération de rebelles, des vrais, pas des révolutionnaires de salon qui parlent de révolte le cul vissé dans le canapé.

Merci à mes potes punks, merci aux créteux qui gueulaient « Mort aux cons », qui savaient boire jusqu’à rouler sous la table, tout en continuant à rire du lendemain qui semblait déjà assombri. Merci à tous mes potes, à ceux qui m’ont appris qu’il n’existe pas de chemin intermédiaire entre le courage et la lâcheté, et que le courage doit être assumé jusqu’au bout. Merci à ceux qui savaient dire merde aux clichés, qui aimaient la vie comme personne d’autres. Les punks aimaient la vie, à fond, sans barrière, sans frontière, sans ethnie. Bordel, j’aurais dû être un peu plus punk que je ne le suis vraiment !

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