09 août 2010

Destruction massive

Par le passé, j’ai déjà abordé la question de la bombe atomique sur Hiroshima puis Nagasaki. Atroce, inhumain, démesuré, le massacre de civils à travers ces deux attaques ne me laissa que peu de doutes sur la nature humaine. Ainsi, j’ai donc chroniqué l’après guerre, la façon de réduire à néant les bonnes volontés au profit des extrémismes, et donc d’inciter le retour à une situation terrifiante, celle d’une guerre en attente. Le Japon, aujourd’hui, commémore 65 années de souvenir de l’holocauste nucléaire, 65 années de course à l’armement, aux essais atomiques, à la dissémination anarchique de l’arme de destruction massive par excellence. A-t-on retenu les leçons de ce désastre ?

Nombre d’analystes posent l’équation militaire comme suit : envahir le Japon, sans lui avoir asséné un coup terrible, aurait mené à l’échec, ou du moins à un massacre et à une guerre d’usure. Exact. Calcul probant, si l’on part du principe que le Japon n’aurait pas capitulé en ayant la flotte Américaine à ses portes. De là, le « calcul par la terreur » a été appliqué : rasons deux villes de la carte, et validons par la même occasion le fonctionnement de la bombe atomique. Bilan : Hiroshima et Nagasaki. Si l’on y réfléchit, ces bombes auraient pu être utilisées en Europe, mais la décision s’est faite trop tôt, par la victoire Soviétique à l’est et par la chute de Berlin. Dans ces conditions, la bombe A n’aurait pas pu être testée de manière offensive si le Japon avait cédé plus tôt ! Ignoble, cynique, mais totalement fondé. N’oublions pas que le budget alloué au projet Manhattan fut colossal, à tel point que nulle nation ne pourrait, aujourd’hui, absorber une telle dépense. Pas même les USA (dans un contexte de paix s’entend, pendant la guerre, on ne compte plus les deniers de l’état…).

Où cela nous mène-t-il finalement ? A l’invraisemblable, à l’inepte, à la terreur mondiale. A rien d’autre. Tout comme pour Dresde, raser deux villes ne fut pas efficace militairement, ni même stratégiquement. La seule chose qui différencie ces villes martyrs, c’est que l’empereur a compris que les USA auraient utilisées la bombe sur d’autres villes, dont la capitale, jusqu’à ce que l’empire nippon cède. Sa capitulation fut donc une décision dictée par le bon sens ; le nihilisme a ses limites, limites que le IIIème Reich, lui, n’a jamais connue. Dresde réduite en cendres, le pouvoir nazi a tout de même continué à inciter à la résistance, utilisant de fait la ville martyre comme exemple de la barbarie des alliés. Efficace pour pousser à se battre toute personne capable de le faire. De ce fait, ce fut aussi la preuve de l’inefficacité de la terreur face à la propagande.

Et dire que la politique mondiale est aujourd’hui encore dictée par le nucléaire ! Armement, menace des missiles, crise Cubaine, essais à répétitions, désarmement, détente, effondrement soviétique, puis armement des nations du tiers-monde… finalement, chaque moment clé du vingtième siècle est tributaire, directement ou indirectement, de la menace atomique. Crise de Cuba ? Menace de missiles balistiques Soviétiques contre les côtes Américaines. Berlin-est ? Lieu de stigmatisation de la peur de l’armement du pacte de Varsovie contre les forces de l’OTAN en Europe. Crise Inde Pakistan ? Menace mutuelle de l’usage de la bombe, ceci permettant de « calmer » chaque camp… temporairement. Accession d’Israël au statut de nation nucléarisée ? Théorie de l’autodéfense contre les nations arabes entourant l’état juif. Naufrage des républiques ex Soviétiques ? Fin du financement des bases militaires par le pouvoir central, déliquescence de la gestion de l’arsenal nucléaire, corruption, revente de l’armement présent dans les casernes, et j’en passe. Irak ? Présence potentielle de la bombe entre les mains d’une nation devenue « politiquement ingérable ». Et ainsi de suite. La bombe a dicté la loi des années 19xx, elle dictera encore très longtemps les relations entre les puissances équipées, et celles n’en disposant pas.

Nagasaki et Hiroshima représentent pour moi la crucifixion de l’humanité, comme un parallèle écoeurant avec la situation de Jésus. Le peuple, représentant une possibilité de penser, d’être différent, d’être en accord avec chacun, se voit alors trahi par son plus proche contact : le gouvernement. De là, souffrance des peuples soumis à la torture, incapables de se libérer physiquement de l’oppression et du supplice, et pourtant libre de penser, de réfléchir, de rêver à un avenir meilleur pour tous. Et finalement, la mort ? La mort des peuples ? L’holocauste ? La fin du monde ? Puis, une renaissance ? L’allégorie est osée, provocatrice, mais proche de la réalité. Nous avons vécu sous le parapluie atomique, il est toujours là, prêt à anéantir l’ennemi en représailles de notre propre anéantissement. La violence des actes n’a jamais mené qu’à la riposte. L’impossible pardon pour l’atrocité est là, bien ancré. Le Japon est un pays qui, aujourd’hui, reste névrosé par ces deux abominations : films, dessins animés, littérature, souvenirs des survivants, tout rappelle aux Japonais que le nucléaire est une horreur. Tout rappelle au Japon qu’ils furent les premières victimes de la technologie atomique.

Et Dieu merci (ou merci l’humanité de craindre pour sa propre existence), ce furent les seuls. Jusqu’à quand ? Quand un autre fou prendra le pari d’utiliser la bombe ? La Corée du Nord ? Le Pakistan ? L’Inde ? La Chine ? Les USA ? La Russie ? Nous ? Qui osera presser le bouton pour déclarer ainsi, par une signature éternelle « J’ai décidé de réduire à néant l’humanité. Je me suis pris pour Dieu, qu’il me pardonne. ». Faites que personne n’y consente jamais !

Mon article (2006) sur Hiroshima et Nagasaki

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