16 juin 2010

Outillage cinématographique

Le cinéma me régale constamment de ses idées les plus farfelues ; en effet, au lieu de se concentrer sur les aspects psychologiques, voir psychiatriques des tueurs, assassins et autres bouchers, le grand truc des scénaristes est d’user et abuser d’objets incongrus pour les meurtres. Pourtant, l’arsenal classique ne manque pas : armes à feu, lames diverses et variées, et même tronçonneuse devenue objet de culte pour les amateurs de steak tartare humain. Et là, pourtant, les réalisateurs se fendent de multiplier l’attirail, d’innover, au point même que le jeu du spectateur est de trouver quel sera le prochain objet contondant mis en scène ! N’étant pas un grand amateur de gore, et encore moins du cinéma dit « d’horreur », je trouve pourtant fabuleux ce besoin inusable de jouer l’innovation à tout prix. Quelques exemples méritent toutefois d’être mis en avant.

L’assassin n’est pas que masculin, loin s’en faut. Les criminologues ont résumés cette problématique à des statistiques telles que la passion du poison pour la femme, et du flingue pour l’homme. Dans ces conditions, nul besoin d’aller pêcher des choses saugrenues pour faire une femme une tueuse redoutable ! Pourquoi lui coller une statuette à pied en marbre dans les mains, au lieu de se contenter d’une bonne boîte de pilules pour l’arythmie cardiaque ? Pourquoi s’obstiner à lui placer une lame entre ses doigts fins et délicats, alors qu’il suffit d’un simple sèche-cheveux jeté négligemment dans le bain de l’amant devenu encombrant ? Mais pour le spectacle pardi ! Voir une jolie minette se souiller le visage et les mains, cela semblerait même faire fantasmer les plus obsédés… Enfin bon, cela démontre donc que l’innovation barbare ne se contente pas des criminels de sexe masculin, et que le beau sexe voue, lui aussi, un culte au crime.

Notez que tout objet du quotidien fait l’affaire. Le stylo bille est une arme mortelle entre les mains d’un professionnel, tout comme un téléphone portable peut servir à tout autre chose qu’à répondre à un sondage concernant l’achat de moquette. Ah, c’est dantesque ! Un bureau est alors une zone violente, une arène en réduction où le tueur peut user et abuser des accessoires. Humour ? La souris à fil qui permet d’étrangler le benêt, la ramette de photocopieuse pour assumer la pleureuse classique du cinéma d’épouvante, et l’inévitable coupe papier que plus personne ou presque n’a dans son tiroir. Une agrafeuse est donc tout aussi redoutable qu’un gros revolver, un fax une massue de bonne taille… A quand l’usage du ventilateur de bureau comme mixer facial ? Cela a dû être déjà fait, enfin je suppose… Concrètement, tout lieu est prétexte à faire bon usage de l’armement improbable.

J’apprécie énormément l’imagination débordante d’Hollywood. Avant, le tueur en série utilisait le bon vieux couteau déniché dans n’importe quelle coutellerie. Aujourd’hui, il pousse le vice jusqu’à créer sa propre ligne d’outils tranchants, et en plus d’y ajouter la forme avec un costume aussi étrange que dépareillé. Il me semblait pourtant que les statistiques criminelles démontraient que les pires bouchers sont souvent les voisins les plus ordinaires… Passons sur ce détail pour nous concentrer sur les scalpels et autres hachoirs : Dommage que Victorinox ne soit pas à sponsoriser ces navets, l’entreprise aurait énormément à y gagner. Ce qui est fou, c’est que cette constante innovation rend presque l’outillage électroportatif totalement banal et suranné ! Finie la scie circulaire, oubliée la perceuse sans fil, pas de décapeur thermique ou de chalumeau ! On se modernise, on commande des lames découpées au laser, commandées sur Internet, et livrées en 48H chrono par le facteur.

Il y a une nouvelle mouvance assez rigolote. Le tueur ne veut plus ressembler à tout autre tueur, il veut faire dans le moderne, voire dans l’artistique. Alors vive la chimie, ou la biologie ! Congeler une victime dans l’azote liquide est devenu habituel ; le faire exploser en lui ayant fait ingérer un explosif liquide quelconque aussi. On pousse le vice jusqu’à suggérer le terrorisme à base d’anthrax, ou, modernité aidant, de nanobots tout aussi effrayants que brutaux. Les meurtriers deviennent même subtils : certains sont des amateurs d’électronique et vous bidouillent un détonateur « impossible à désamorcer » (sauf en coupant le fil rouge), d’autres vont jusqu’à user de l’Internet pour piloter leur crime et le diffuser au plus grand nombre. Hé, là, les fous furieux du scénario perché : ça ne vous dirait pas de retourner à vos fondamentaux, et vous tuyauter auprès de véritables experts ?

Enfin, il faut que cela tache, que ça salisse le tapis et le plafond, il faut que la tripe gicle… Désolé, cela ne me rend pas plus amateur de la chose, car quitte à voir de la bidoche, je préfère qu’elle soit dans ma gamelle. Mais là, grand « innovation », tôt ou tard on me fera manger de la viande humaine, parce que c’est encore l’un des pires tabous. Comme quoi, rien ne choque plus vraiment : pas de souci avec le viol, les démembrements, la charcuterie à vif, mais pas d’humain qui mange des humains. C’est d’ailleurs pour cela que l’immense majorité des cas abordant la question s’appuie sur les zombies. Des « non » humains, c’est quand même moins sujet à polémique, non ?

Bon, où ai-je laissé le poivre… Garçon, remettez moi un foie d’ado, mais sans alcool ce coup-ci.

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