22 juin 2010

La der’ des der’

Je ne sais pas trop comment formuler la réflexion autrement, si ce n’est à la manière des poilus de la première guerre mondiale qui, incrédules, virent la fin des hostilités. « Plus jamais ça », « La der’ des der’ », en clair l’espoir prononcé à haute voix de ne plus assister à un tel massacre, à une telle débâcle. Comprenons les, et méditons honnêtement sur leur intime conviction qu’il n’y aurait plus jamais tel désastre humain dans le monde.

Et dire que personne n’a voulu les écouter…

On fête, ces derniers jours, les propos du général de Gaulle sur radio Londres. On célèbre le 18 Juin 1940 comme étant le jalon historique de la renaissance d’une France résistante, d’une France honnête, blessée mais encore droite dans ses opinions et ses idées. Pourtant, on célèbre là aussi la naissance d’un titan politique, d’un monstre sacré de la cinquième république (dont il fut à l’origine), mais aussi la mise sous les feux d’un demi dictateur qui a souvent oscillé entre des positions tranchées, et des réflexions hautement démocratiques. Que l’on aime ou pas la position à droite d’un tel homme, force est de constater que son héritage tant moral que politique n’est pas reniable. Regardons nous : la France est aujourd’hui l’héritière de ses actions militantes contre la présence militaire américaine à long terme sur le territoire national, contre l’OTAN sous sa forme primitive et soumise à l’oncle Sam, pour une Europe construite avec les Allemands, pour une République où le président aurait un sens, pour une réforme de décentralisation, et enfin actif dans la gestion de la décolonisation.

Certes, nombre de ces points importants sont dorénavant très lisibles et nous semblent évidents, mais les relire avec le regard d’un citoyen de l’époque nous offre une toute autre perspective. N’était-ce pas visionnaire que de dire « Il faut que l’Allemagne soit un acteur majeur de la politique Européenne », plutôt que d’en faire le même paria post Versailles, ayant engendré le national socialisme ? Qui, parmi la population ayant subie l’occupation, les privations et la répression, aurait pu prendre pareille position en faveur d’une construction européenne raisonnée ? L’Europe d’aujourd’hui a ce visage grâce à nombre de discussions et d’actions sous son régime (je ne dis pas mandat… pour des raisons que j’aborde plus tard). Donc de Gaulles, père de l’Europe ? Non, ne lui accordons pas des actions issues d’autres esprits que le sien, mais reconnaissons lui en revanche une certaine intelligence dans ses relations internationales, si conflictuelles fussent-elles avec les puissants de l’époque.

L’OTAN ? Ce fut une manière de décréter que la France ne serait pas un vassal tel que l’Angleterre pour les USA. Loin de refuser la participation de la France dans les affaires du monde, de Gaulle voulut juste rappeler à celui-ci que la nation n’avait pas à se soumettre au jugement d’un tiers encombrant pour agir. On le voit bien : les Anglais suivirent les USA en Irak, en Afghanistan, et ceci bien que l’opinion internationale fut globalement contre ces actions armées. La France, elle, s’est refusée à suivre bêtement les USA contre S.Hussein. Aussi ironiquement que pusse être l’histoire, c’est un gaulliste convaincu, en la personne de J.Chirac, qui fit revivre la voix du général à travers le refus Français de cautionner l’attaque « alliée » sur le despote. Comme quoi, l’âme du bonhomme continue à hanter les couloirs et les bureaux de l’Elysée…

Et n’oublions pas la bombe atomique : par devers les réticences, les oppositions, de Gaulle a insisté pour avoir un potentiel nucléaire, ainsi qu’une indépendance énergétique à travers l’énergie nucléaire. Pourquoi ? Par prétention ? Non, par bon sens : un état ne doit pas dépendre des ses voisins, sous peine de devenir un vassal de fait. Notre capacité de frappe atomique, si petite qu’elle soit, représentait et représente encore un moyen de démontrer notre autonomie militaire. De la même manière, l’apparition de centrales nucléaires, n’en déplaise aux écologistes de la branche dure et débile du mouvement, a permis le développement de la France, son progrès technologique et industrielle.

La décolonisation est une situation qui, même maintenant, empoisonne la politique Française à l’étranger. Difficile d’effacer les guerres, les financements occultes de dictatures de substitution, tout autant que d’effacer l’impact au quotidien de la France dans ces pays. C’est un héritage souvent lourd à absorber, et de Gaulle en a subi les crises : Indochine, Algérie, ce fut au prix du sacrifice de nombreuses vies que ces deux désastres furent consommés. Peut-on croire qu’il y aurait eu meilleure gestion possible ? Y croire, cela serait oublier qu’à l’époque, nul ou presque n’aurait toléré l’éclatement colonial de la France. L’OAS a d’ailleurs démontré sa réaction en tentant d’assassiner l’homme au Petit Clamart ; je me demande d’ailleurs ce que cela aurait changé en cas de réussite de l’attentat. Probablement rien. Enfin bon passons. Tout l’appareil d’état est à blâmer, tant les réfractaires à la fin des possessions coloniales, que les timorés qui fantasmaient sur une solution amiable. Amiable ? Comment négocier l’émancipation d’un pays ? Sans accroc, sans révolte ? Bilan triste, tant pour ceux qui restèrent fidèles à la France, et ceux qui regrettèrent à posteriori le départ du « grand frère tricolore ». Je ne me poserai donc pas en juge sur cette époque trouble si peu documentée…

Enfin, et sorti de tout ceci, je crois que de Gaulle, cliché de l’homme de la résistance, représentant d’une certaine idée de la France, a le droit à sa place dans le panthéon. Ce fut un dictateur ou presque, imposant censure et contrôle sur les médias, à deux doigts d’utiliser l’armée pendant mai 68, tranchant dans le vif sans pitié avec les oppositions, ferme sur ses positions internationales au point de les scléroser. Churchill lui reconnaissait des compétences, mais ne l’aimait pas. Roosevelt le détestait et parlait de lui comme un Staline à la française. Il n’avait peut être pas tout à fait tort, si ce n’est le fait que le dit despote n’a pas œuvré en ce sens. Il avait une idée pour la France : celle d’une grandeur aujourd’hui bien ternie, du moins si l’on s’en remet au patriotisme fané des masses. Il a représenté le courage, l’indéfectible passion pour la nation, et la volonté suprême de garder une France autonome, forte, fière de ce qu’elle est. Ce n’est pas pour le 18 Juin que je vais éventuellement saluer le drapeau. Je vais le saluer pour le respect qu’il m’évoque, et pour saluer la mémoire d’un grand de ce monde, même si nombre de ses actions ne furent pas celles que j’aurais cautionnées.

Mais je ne suis pas un politique paraît-il… Donc, un verre à la mémoire du grand monsieur de Gaulles.

Voici un enregistrement du 22 juin 1940, celui de Juin n'ayant pas été enregistré... Donc, nous honorons un discours dont seuls les témoins peuvent se souvenir, puisqu'il n'en existe plus de trace.

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