09 avril 2010

Beuuuuah !

Ah, le cri primaire, celui qui est poussé par la colère intérieure qui se transforme en son extérieur ! Ah, les gouttes de sueur sur le front rougi par l’énervement ! Qui ne s’est pas régalé à rire des comportements désinhibés par la frustration ou la rage ? Personnellement, je suis souvent hilare voir l’autre pousser une hurlante aussi vaine que ridicule, notamment pour affronter des moulins à vent. Tenez, quoi de plus amusant que d’observer un client insatisfait d’un produit, qui crie, à qui veut bien l’entendre, que c’est de la merde ? Tout le monde le sait, sauf toi apparemment… et non, la caissière n’est pas responsable de tes choix stupides, pas plus que le chef de rayon qui ne fait que répondre à ton besoin de dépenser ton pognon dans des conneries !

Ah, ça fait du bien de se moquer de ce genre d’idiots ! La communication passe plus par les mots que par les éclats de voix. La preuve, les politiques nous assomment et endorment notre vigilance par les abus de langage verbeux, plus que par les vociférations anarchiques. Certes, certains usent de l’esthétique de la colère, le pantomime de l’énervement, mais tous ces pantins savent jouer de ces effets théâtraux pour nous faire gober qu’ils ont raison. Tenez, Hitler par exemple, était un type qui travaillait ses discours et sa gestuelle pendant des heures, puis servait le tout bien chaud, sans papier, histoire de faire croire à une réaction instinctive. Alors, le cri pour communiquer ? Aucune efficacité, si ce n’est pour apparaître comme une brute dénuée d’intelligence.

Oh, moi, vous savez, je suis probablement le pire vindicatif qui soit : je gueule, je critique, je fustige, quitte à exposer mes flancs à la lance meurtrière de la critique constructive. Et pourtant, je n’en démords pas : j’exprime mes opinions, j’interloque, j’invoque le principe d’expression, et ceci au nom de l’obligation de réflexion, et non pour affirmer que j’ai raison. Après tout, sans discussion, point de progrès, non ? Et si l’on y pense bien, c’est d’ailleurs quand la communication avance que le monde évolue. On a inventé l’écriture ? Paf, une civilisation. On a inventé l’imprimerie ? Repaf, nouvelle civilisation toujours plus moderne. On invente le téléphone ? Hop les sciences mondiales progressent. On crée Internet ? Boum, explosion de la quantité d’écrits, d’échanges entre les laboratoires de recherche, et découvertes en pagaille. Alors gueuler, hurler, aboyer, ça ne sert qu’à perdre du temps et de l’énergie.

Notez quand même que ceux qui obtiennent gain de cause dans tous les domaines, sont ceux qui savent préciser le pourquoi de la justesse de leurs exigences, aussi hypocrites soient-elles. Le droit, ce n’est pas tant avoir raison que de savoir prouver sa légitimité. Ainsi, il y a l’avocat qui sait plaider, et il y a celui qui se loupe, faute d’avoir subjugué son auditoire. Pour ma part, je n’aurais pas pu faire le métier de bavard. Pourquoi ? J’ai beau avoir le bagout, l’amour des mots et de la rhétorique, je ne me suis jamais vu au barreau, peut-être parce que je n’aime pas déguiser ou manipuler la vérité pour mon bénéfice. Mais j’avoue que le statut social du juriste est plus valorisant (financièrement parlant en tout cas), que celui de vague développeur informatique…Mais je m’en fous ! Je suis au moins libre de dire ce que je pense, d’affirmer ma condition d’acariâtre misanthrope, et finalement d’assumer ma personnalité dans toute son authentique humanité d’emmerdeur fini.

Et quand le jour viendra où tout le monde exprimera librement ses opinions, c’est dans une joyeuse cacophonie d’inepties jetées à la face du monde que je nagerai, ravi de pouvoir m’opposer librement à certains idéaux totalitaires, que je vomirai ma vindicte à la face des imbécillités récurrentes de l’être humain… et que je me coucherai plus satisfait chaque jour d’avoir été authentique !

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